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Interminable et presque insoutenable, la liste s’écoule. Un à un, les noms de 99 religieuses, 19 prêtres et 20 séminaristes sont lus au pupitre tandis qu’un scout, garçon ou fille, dépose un lumignon au pied de l’autel. “Pendant cette cérémonie, nous prenons la mesure de l’hémorragie qu’a connue le diocèse de Bayeux-Lisieux pendant la Seconde Guerre mondiale”, explique Mgr Habert. “Ils sont morts pour la France, ils sont morts pour leur fidélité à leur foi et nous rendons hommage aujourd’hui à tous ces témoins.” Les portraits de certains d’entre eux ont été déposés sur les marches de l’autel, les rendant proches et incarnés. L’émotion étreint l’assemblée : jeunes de tous les mouvements scouts du diocèse, familles et congrégations religieuses, laïcs, prêtres, diacres et séminaristes.
Dans les premiers rangs d’une cathédrale comble, Marie, chapelet autour du poignet, fait partie des membres des familles des victimes de la guerre. Elle est venue d’Évreux. “Mon oncle Michel Poirier était prêtre diocésain, vicaire de Saint-Pierre de Caen. Il est mort le 7 juillet dans les bombardements. Pour moi c’est important d’être là pour faire mémoire.” De l’autre côté de l’allée centrale, les communautés religieuses sont représentées. Certaines ont payé un lourd tribut à la guerre, comme par exemple la congrégation de Notre-Dame de la Charité du Bon Pasteur fondée par saint Jean-Eudes à Caen en 1641. Elle a perdu 16 religieuses dans un bombardement de la ville après le Débarquement. “Leurs corps n’ont pas été retrouvés mais nous savons qu’elles sont heureuses avec le Seigneur, raconte sœur Françoise. Elles étaient déjà des femmes toutes données au Seigneur.” Près d’elle, sœur Marcelle-Thérèse de la Visitation de Caen, se souvient de sœur Jeanne-Charlotte tuée par un éclat d’obus qui a traversé un mur et une porte : “La veille de sa mort, elle a dit : “On ne sait pas si demain on se reverra mais on est dans les mains de Dieu.””
Devenir artisans de paix
Pendant l’offertoire, le calice d’un prêtre mort pendant la guerre, est porté en procession. Il est déposé au pied de l’autel avec tous les lumignons, signe d’une vie donnée et de celle que chaque participant à la messe est invité à offrir à son tour. La messe est aussi célébrée pour la paix. Ainsi, Mgr Habert invite les participants à “prier pour la paix, en étant convaincus que le Seigneur va nous la donner. Cette prière va élargir notre cœur. Nous devons aussi être des artisans de paix dans notre famille, notre travail, notre école, notre groupe scout, notre quartier.”
À la fin de la célébration, l’évêque se rend dans une chapelle latérale dans laquelle une plaque portant les 138 noms des victimes est accrochée. Il propose au père Pascal Marie qui a retrouvé la trace de chacun d’eux et raconté leur histoire, de la dévoiler avec Thérèse Enault, 101 ans. Elle est la sœur d’une religieuse de la Providence de Lisieux, sœur Saint-François-Régis, morte à 23 ans avec 19 autres religieuses, dans le bombardement de leur couvent de Lisieux. Après avoir béni la plaque, Mgr Habert dit la prière des défunts. Une manière, selon lui, de “réparer une injustice pour les personnes dont les corps n’ont pas été retrouvés, dont on avait perdu la trace ou dont personne ne parlait jamais.”
Une bannière originale clôt la procession de sortie. Elle réunit les emblèmes des quatre mouvements scouts du diocèse, pourtant très différents. Cela touche Théophane, 15 ans, scout de Caen : “J’ai été très touché que tous les mouvements scouts soient réunis.” Une belle réalisation concrète de la paix.