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Employé modèle, mère de famille, prêtre, ils ont fait un burn out

Burn out tired man work

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Edifa - publié le 22/10/20 - mis à jour le 25/11/22

Maladie de l’épuisement ou de l’effondrement, le burn-out frappe tout le monde. Dans le monde de la performance obligée et du mouvement perpétuel, est-il encore possible d’échapper à ce mal du siècle ? Avis et conseils des spécialistes.

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Loïc, 47 ans, se remet tout juste d’un burn-out. Après un arrêt maladie de six mois, ce cadre a rejoint un nouveau service dans la banque pour laquelle il travaille depuis vingt ans. Moins de responsabilités, un salaire égal mais des primes moins élevées… Son nouveau poste – négocié avec sa hiérarchie – lui permet de “reprendre pied progressivement”. Encore convalescent, il est sous antidépresseurs et voit régulièrement un psychiatre.

Avec lui, il essaie de comprendre comment il en est arrivé là : d’abord, emporter son ordinateur professionnel chez lui le week-end, lire ses mails jusqu’à 1 h du matin ; puis, ne plus câliner ses enfants, répondre à sa femme sur un ton agressif. Jusqu’à “perdre le goût de la vie”. Pourtant, bon père de famille, employé enthousiaste ne comptant pas ses heures, Loïc a toujours été vu comme un battant par son entourage. “Jamais je n’aurais cru que ça puisse lui tomber dessus”, confie sa femme Laurence.

“Aujourd’hui, déplore le psychiatre Patrick Légeron, chacun connaît une personne touchée par le burn-out.” Un phénomène qui ne se cantonne pas au monde professionnel. On parle du burn-out de la mère de famille et on entend certains prêtres témoigner d’un épuisement profond qui finit par faire craquer. Dans son livre Burn out : le syndrôme d’épuisement professionnel, Christina Maslach, professeur de psychologie à l’Université de Berkeley et créatrice du “Maslach Burnout Inventory”, l’outil de mesure utilisé pour diagnostiquer le burn-out, qualifie ce dernier de “véritable épidémie dans de nombreux pays”. Alors, serions-nous tous guettés par le burn-out ?

Comment le burn-out fait son chemin dans le milieu professionnel ?

“Les personnes ne sont pas en cause, considère Christina Maslach, c’est le monde et la nature du travail qui ont fondamentalement changé.” Si ce jugement peut sembler légèrement simpliste, difficile pourtant de dresser un portrait-robot du candidat au burn-out, tant les profils touchés sont différents. Pour le Dr Philippe Rodet, auteur de Se libérer du stress, “avant de chercher des personnalités dites à risque, commençons par lister les grands facteurs de stress responsables de ce syndrome. Car le burn-out est une réponse psycho-affective de l’individu confronté à des stresseurs modérés mais chroniques”.

Pour l’épuisement en milieu professionnel, ce sont les journées surchargées, l’absence de contrôle et de maîtrise sur ses activités, le manque de récompense et de reconnaissance des efforts fournis, l’absence de cohésion d’équipe, le sentiment de non-équité entre les salariés. Dans le cas de Loïc, ce fut également le manque d’autonomie au quotidien et la nécessité de “faire toujours mieux avec toujours moins” qui l’ont poussé à bout. Dans son département, des dizaines de personnes ont été licenciées en trois ans. Et malgré “plusieurs appels au secours, il a fallu faire sans”, continue-t-il. Une situation qui se généralise à un grand nombre d’entreprises. Pour Philippe Rodet, “la crise a rajouté une lourde couche de stress à une liste de facteurs déjà longue.”

Les étapes qui conduisent au déclenchement du burn-out maternel

Celle-ci est d’ailleurs aisément transposable à la mère de famille. “Une femme qui a plusieurs enfants n’arrête pas une seconde, insiste celui qui accompagne aujourd’hui des salariés en souffrance au sein de la structure Bien-être et Entreprise. Le risque d’épuisement est évident.” Violaine Guéritault, psychologue thérapeute et auteur du livre La Fatigue émotionnelle et physique des mères : Le burn-out maternel, a d’ailleurs appliqué aux mères le modèle établi par Christina Maslach. “On retrouve les trois mêmes étapes qui conduisent au déclenchement du burn-out”, souligne-t-elle. Et d’abord, l’épuisement émotionnel. À force de donner, d’être disponible pour tout le monde, la maman finit par s’épuiser. Pour faire face à toutes les sollicitations, elle va puiser dans son capital énergie. “Mais celui-ci n’est pas inépuisable !”, s’exclame Violaine Guéritault, elle-même mère de famille.

Premier signe du burn-out maternel ? “S’exclamer “Je n’en peux plus !” dès le saut du lit”, résume la psychologue. Pourtant, une maman, contrairement à un salarié, ne peut prendre quelques jours de vacances ou démissionner. “Pour tenir, elle va donc se mettre en “stand-by” émotionnel”, poursuit-elle. C’est le stade de la distanciation. “Je suis parfois indifférente à ce qui peut arriver à mes enfants, témoigne Stéphanie Allenou dans son livre Mère épuisée. Si l’un d’entre eux trébuche, au lieu de me précipiter pour le rattraper […], je ne réagis pas.” Vient ensuite le stade de la dépréciation. “Je me sens complètement étrangère à moi-même et en total décalage avec l’idée que je me fais d’une mère “suffisamment bonne””, écrit encore cette mère de trois jeunes enfants, qui a pris la plume après des mois difficiles.

Certaines personnes, plus que d’autres, risquent d’être victimes du burn-out

Pour le burn out maternel, certains profils sont plus touchés que d’autres. En première ligne, les mamans solos, mais aussi celles qui idéalisent beaucoup la maternité. “Elles n’atteindront pas leurs “objectifs” et seront plus facilement déçues d’elles-mêmes”, souligne Violaine Guéritault. Et les mères au foyer ? “Plus isolées et moins reconnues par l’extérieur, elles courent certains risques. Mais celles qui travaillent risquent la surcharge de travail et le manque de contrôle. Pas facile de se sentir maître de la situation quand son enfant a 38° et qu’il faut partir au boulot”, nuance la spécialiste.

Certaines personnes, plus que d’autres, risquent d’être victimes de ce syndrome. Notamment les personnes exigeantes envers elles-mêmes, avec un fort idéal lié à la mission qu’elles exercent.

Qu’elle soit mère ou non, la victime du burn out est d’abord “quelqu’un de très engagé, de très sérieux”, note Philippe Rodet, qui reprend l’idée développée dès 1974 par le psychanalyste américain Herbert J. Freudenberger, créateur du concept de burn-out. Celui-ci considérait que certaines personnes, plus que d’autres, risquent d’être victimes de ce syndrome. Notamment les personnes exigeantes envers elles-mêmes, avec un fort idéal lié à la mission qu’elles exercent. Pour Davor Komplita, psychiatre suisse et spécialiste des troubles liés au travail, cette exigence touche principalement les quadras et les quinquas. “Ils ont intégré les valeurs du travail et leur dignité se joue là. Mon rôle est de les aider à prendre de la distance par rapport à cette notion de travail bien fait qu’ils ne parviennent plus à atteindre”.

Ces petits riens qui peuvent aider à prévenir le burn-out

“Nous, prêtres, sommes aussi pile dans la cible !”, s’exclame le père Joël Pralong. Il y a dix ans, il a fait un léger burn-out. Après une phase “euphorique” au cours de laquelle il ne sentait plus la fatigue, allant jusqu’à écrire pendant la nuit, il a craqué. “Je n’avais plus qu’une seule envie : être seul et dormir… Mais je ne parvenais plus à trouver le sommeil”, témoigne-t-il. Avec l’aide de médicaments et après plusieurs semaines de repos forcé, il a pu reprendre pied… et se remettre en question.

“Contrairement aux salariés en entreprise, je ne subissais pas de pression. Mais je ne savais pas dire non, analyse-t-il. Du coup, je vivais à 200 à l’heure. Je me disais : “Il ne faut pas s’écouter”, “C’est l’appel du Seigneur”. Mais le Seigneur a besoin d’hommes debout et entiers pour L’aider ! Il ne nous demande pas de nous rendre malades en réalisant notre mission, mais de discerner sur le nécessaire et le superflu.” Depuis, il a cessé de se donner de “bonnes raisons spirituelles pour en faire toujours plus et devenir tributaire de la loi du perfectionnisme”. Son conseil à ses frères prêtres ? Être attentif à replacer le sacerdoce à sa juste place. “Nous sommes des canaux pour la grâce divine. Ne nous laissons pas accuser par notre conscience de ne pas en faire assez.”

Un perfectionnisme pointé également par Anselm Grün. Ce célèbre moine écrivain accueille des prêtres épuisés pour des cures de repos au sein de son monastère bavarois. “Si je puise à une source trouble comme le perfectionnisme, je vais gâcher mon énergie pour être dans le conformisme de ce que l’on attend de moi”, note-t-il, philosophe. Une tentation qui n’épargne pas la mère de famille. “Celle-ci est intimement liée à l’image de la mère parfaite largement véhiculée par la société”, souligne Violaine Guéritault. Pour faire redescendre la tension entre un idéal élevé et la réalité, elle conseille à chaque mère de se demander : “Quelle est la pire des choses qui pourrait se produire si je ne repassais pas, si je ne cuisinais pas ce soir, etc ?”. Une question facilement transposable au salarié scrupuleux ou au prêtre un peu trop perfectionniste…

Des tournures psychologiques qui, pour Philippe Rodet, expliquent que ces personnes soient fragilisées face au burn-out. “Pourtant, si l’on savait les motiver, les récompenser pour leur travail dans une période où ils ont beaucoup donné, on éviterait des drames.” Remercier son curé pour ses homélies, féliciter un subalterne pour un projet, remercier sa maman ou sa femme après le dîner… Autant de gestes faciles et anodins. Pensons-y !

Anna Latron

Tags:
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