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Quand survient la mort d’un enfant, un certain nombre de questions se posent de façon très brutale dont l’une concerne les funérailles : Faut-il faire participer les enfants à tout le rituel funéraire ? Oui, répondent les spécialistes, pour que le travail du deuil puisse se faire. Sinon, les plus jeunes enfants vont imaginer que les parents ont envoyé le malade quelque part. Il faut aussi se méfier d’un vocabulaire trop pudique. On dit « Il s’est endormi », et on s’étonne que les enfants ne veuillent plus se coucher. On dit « Il est parti », « Il est au ciel », « Il s’est envolé ». Quelles confusions et quelles inquiétudes cela engendre dans l’esprit des jeunes enfants ! Dès que leurs parents partent ou prennent l’avion, est-ce que cela veut dire qu’ils ne reviendront jamais comme leur petit frère ou petite sœur ?
« À la mort de Marie, sa sœur Gwen a voulu lui donner un gros bouquet de roses. Nous sommes allés l’acheter, raconte sa mère, et c’est elle qui l’a déposé à côté de sa sœur. Il faut faire participer l’enfant, lui donner l’occasion d’exprimer ce qu’il a sur le cœur, le laisser apporter sur le cercueil les petits objets qu’il a envie d’y mettre ». C’est aux parents de discerner si leurs enfants sont assez grands pour assister aux funérailles et à la mise en terre. On le conseille généralement. Ce rituel signifie l’acceptation de cette réalité et place le corps physique à une place définitive qu’on pourra aller voir par la suite. Les funérailles ont en effet une grande importance dans le travail de deuil, ceux qui en sont exclus peuvent penser qu’ils n’occupent pas une grande place dans la famille.
La foi à l’épreuve de la mort
De retour des funérailles, de nombreux détails matériels attendent encore la famille, prise dans un tourbillon de visites et de coups de téléphone. C’est au bout de quinze jours ou trois semaines que tout à coup la solitude et la réalité tombent sur les épaules de chacun comme une chape de plomb. « Du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés très seuls, confient les frères et sœurs de Cécile, décédée des suites d’une longue maladie. À l’école, les autres élèves étaient gênés et ne savaient pas trop quoi nous dire. C’est pire que tout, le silence. Si les gens ne nous disent rien, on croit que ça leur est égal. Un tout petit mot suffit pour faire du bien ».
Les mois qui suivent la mort sont les plus difficiles. Les parents doivent veiller à ne pas comparer la peine des uns et des autres au sein de la famille. « Chacun a sa façon de réagir parmi les frères et sœurs, constate Élisabeth, la mère de Cécile. Sylvie, 17 ans, a été plus discrète mais elle a autant souffert que les autres ». Ne pas se choquer non plus de leur révolte : « Nos aînés ne veulent plus entendre parler de la prière de demande. Ils ont tellement demandé la guérison de leur petite sœur », raconte le père de Cécile, Christian. Élisabeth ajoute : « Personne n’a remis sa foi en doute, mais la foi n’empêche pas la révolte. Moi, cela m’arrive d’être révoltée et je dis aux enfants que je les comprends, mais j’essaie de leur proposer ce qui me fait tenir : la certitude que Cécile est comblée de bonheur là où elle est. Il faut toujours finir sur une note d’amour ». La sensibilité est à vif, la révolte correspond à notre part humaine. C’est un passage normal dont il ne faut pas avoir honte. Fragilisés par leur deuil, les enfants sont extrêmement réactifs à tout. « On a affaire à de grands convalescents, remarque Élisabeth, ils ne sont pas à prendre avec des pincettes ». Une agressivité qui n’est autre que le signe de leur souffrance. La mort est devenue partie intégrante de leur univers et cela les plonge dans l’insécurité.
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Pour que l’enfant défunt reste présent dans le cœur, certaines familles l’intègrent dans leur prière. « Nous avons la photo de Guilhem dans notre coin prière, raconte Emmanuelle, et nous le prions souvent d’intercéder pour telle ou telle intention. Je conseille à ma fille Anne de lui demander son aide quand elle en a besoin ». Les enfants continuent généralement à vivre dans une grande familiarité avec celui qu’ils ont perdu : « Audrey les protège, explique Jérôme, le père de la petite fille décédé des suites d’un cancer. Ils lui parlent, surtout Béatrice qui a cinq ans ».
Mettre des mots sur la souffrance
Ces enfants qui ont perdu un frère ou une sœur mûrissent plus vite que les autres. Ils recherchent pour ami des camarades qui ont vécu un deuil : « Mon meilleur ami a perdu son père. On en parle ensemble et il me comprend », confie Timothée, 8 ans, le frère de Cécile. Spirituellement, ce sont des enfants en avance. Ils se posent, plus tôt que certains adultes, les questions les plus graves sur le mystère de la vie humaine, la souffrance et la mort. La meilleure des thérapies, c’est de parler de celui qui est mort, quitte à en pleurer ensemble parfois. Des amis, un prêtre, un médecin peuvent jouer le rôle de confident et d’accompagnateur. « Il faut accepter, dit Élisabeth, qu’ils n’en parlent pas avec nous et qu’ils cherchent de l’aide ailleurs ».
Gwen, qui a cessé de jouer du jour au lendemain quand sa sœur Marie est morte, a traîné une sorte de dégoût de la vie pendant longtemps. « Le pédiatre a accepté de lui donner une consultation, raconte sa mère. Il venait de perdre l’un des siens. Il lui a parlé de tout ce qu’il ressentait et Gwen disait : ‘’Moi aussi, ça me fait ça’’. Elle a beaucoup pleuré avec lui mais en sortant elle m’a dit : ‘’C’est trop dur, mais ça fait du bien’’. Et ça l’a aidée à s’en sortir ».
Ne pas faire du mort un sujet tabou, mais ne pas en faire non plus une présence pesante. C’est dur parfois pour les parents de voir les autres jouer avec ses jouets, occuper sa chambre mais la vie continue. C’est cette force de vie propre aux enfants qui souvent permet à tous, parents et enfants, de reprendre le dessus, surtout si la foi nourrit l’Espérance.
Florence Brière-Loth
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