« Quand ma fille a dû reprendre le travail après son congé maternité, elle n’avait trouvé ni place en crèche ni garde partagée. Elle m’a donc demandé de garder son bébé », raconte Patricia. De son côté, Geneviève a spontanément offert à sa fille de s’occuper de son petit-fils tous les jeudis après-midi. Quant à Yolaine, elle a gardé ses deux petites-filles tous les mercredis pendant des années jusqu’à ce qu’elles entrent au collège. Avec le manque de places en crèche, le coût des gardes d’enfants et l’augmentation du nombre de parents seuls, la génération d’au-dessus est aujourd’hui beaucoup plus sollicitée.
Faire garder ses enfants par ses parents ou ses beaux-parents est aussi tranquillisant que commode : les petits les connaissent bien, leur rythme est mieux respecté, la garde fonctionne même en cas de maladie, les relations se basent sur une confiance réciproque. Une solution pratique, certes, mais qui présente des avantages et des inconvénients. Pour qu’elle fonctionne pour le mieux, il est important de bien peser le pour le contre et de définir les règles pour les uns et les autres dès le début.
Garder du temps pour soi et pour son couple
Geneviève entame sa deuxième année de garde de son petit-fils : « Je suis heureuse d’aider ma fille et mon gendre. Cela entretient la relation avec ma fille : nous nous voyons quand elle le dépose et elle peut rester un moment pour discuter en le récupérant. J’ai aussi de précieux moments de qualité avec Igor et je suis heureuse de renforcer nos liens. Lui lire des histoires, jouer avec lui, le câliner, lui parler du Bon Dieu aussi, tout cela est fatigant c’est vrai, mais donne tellement de joies ! »
Les grands-parents d’aujourd’hui sont jeunes. Mais un tiers travaille encore. Beaucoup d’entre eux ont encore la charge de leurs propres parents. La plupart sont bien occupés. Et si l’on est en pleine forme à 55 ans, on l’est moins à 65. Même si l’on désire aider ses enfants, se transformer en nounou régulière n’est pas simple.
“Les grands-parents doivent avoir une vie en dehors de leurs petits-enfants et pouvoir s’échapper.”
Conseillère conjugale, Christiane Behaghel recommande de bien réfléchir avant de se lancer : « Outre les limites physiques (donner les bains par exemple est très fatigant), il faut considérer les conditions matérielles de la garde : a-t-on un jardin clos, ou vit-on dans un appartement en ville ? Faut-il faire des conduites ? » Pour elle, il est également indispensable que les deux grands-parents soient bien d’accord. Le grand-père aurait peut-être envie de profiter de sa femme, de voyager, d’organiser son temps comme il le souhaite plutôt que d’être contraint par un engagement régulier. D’autre part, les grands-parents doivent avoir une vie en dehors de leurs petits-enfants et pouvoir s’échapper, à condition bien sûr de prévenir assez tôt. C’est important pour ne pas déprimer quand on aura moins besoin d’eux. « Je fais bien attention à rester libre pour mes activités et engagements personnels, explique Geneviève. Ma fille les connaît et les respecte. » Pour toutes ces raisons, la garde régulière des petits-enfants doit, selon Christiane Behaghel, rester limitée dans le temps.
Mettre à plat les attentes des uns et des autres
Une fois acté le principe de la garde régulière, comment va-t-elle concrètement se passer ? Une chose est d’être « grand-parent de vacances », une autre d’être « grand-parent du quotidien ». Si l’on peut se permettre en vacances une certaine souplesse dans l’éducation, les horaires ou l’alimentation, pendant l’année, le rythme de l’enfant doit être respecté. Mieux vaut aussi ne pas céder à ses caprices, sous peine de se laisser déborder. Les grands-parents, chez eux, font ce qu’ils veulent, mais ils ne doivent pas se substituer aux parents, premiers éducateurs de leurs enfants. Ceux-ci peuvent avoir des souhaits, comme le fait que l’enfant soit nourri avec des repas faits maison, qu’il ne soit pas mis dans un parc, ou encore qu’il ne regarde pas la télévision.
“Les grands-parents, chez eux, font ce qu’ils veulent, mais ils ne doivent pas se substituer aux parents, premiers éducateurs de leurs enfants.”
Pour que les relations se passent en confiance, Christiane Behaghel conseille de mettre à plat les attentes des uns et des autres : « Ce n’est pas parce qu’on est en famille que les choses vont de soi. » Pour ne pas créer de conflit, les parents exprimeront leurs désirs, tandis que les grands-parents donneront leurs contraintes. Il est tout à fait possible d’entendre le besoin de sécurité d’une grand-mère, rassurée quand le petit est dans le parc. Pourquoi ne pas lui demander gentiment de laisser l’enfant gambader librement dans une pièce fermée par une barrière ? De son côté, Yolaine se souvient : « Quand on m’a demandé de nourrir mes petites-filles avec du fait-maison, j’ai remarqué que je préférais utiliser le temps passé en cuisine à jouer avec elles. Du coup, ma belle-fille apportait les repas. Pour la télé, j’ai fait valoir que j’avais besoin de souffler dans la journée : nous nous sommes entendus sur le fait que les petites regardent un petit film sur ma tablette pendant une demi-heure. » Si les relations sont fluides entre mère et fille, elles peuvent l’être moins avec une belle-fille. Pour Christiane Behaghel, « dans ce cas précis, il me semble que le lien doit être cultivé avec soin, en faisant par exemple des points réguliers sur le déroulement de la garde ».
Ce service de nounou semble tellement naturel qu’il est très rarement rémunéré. Raison de plus pour que les parents indemnisent les frais d’essence, l’achat des fournitures ou de la nourriture, et qu’ils prennent soin de remercier. Une forme de reconnaissance pour la belle preuve d’amour que leur donnent les « grands-parents nounous ».
Bénédicte de Saint-Germain
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