12/12/2013
Sœur Elvira Tutolo, responsable d’une ONG (Kizito) en faveur des enfants, à Berberati, non loin de la frontière avec le Cameroun, est de ces religieuses qui ont choisi de rester en Centrafrique pour témoigner des massacres et des exactions.
Depuis le mois de mars dernier, cette religieuse italienne de la congrégation des Sœurs de la charité tient, dans la deuxième ville de Centrafrique, Berberati, un journal de bord sur les massacres et exactions commis autour d’elle ( publié le 7 décembre dernier dans le Journal du dimanche ).
Dans un entretien sur RTL, elle dit accueillir avec beaucoup de soulagement l’opération française de désarmement « Sangaris » sur le territoire, mais également beaucoup d’angoisse car elle saurait que la région, contrôlée aujourd’hui par les ex-rebelles de la Séléka, n’entre pas dans les projets de l’opération, jugée «pas concernée par le conflit ».
Or, à Berberati, dit-elle, « Les ex-rebelles sont très puissants, c’est un peu leur fief. Leur général est très influent et contrôle tous les points stratégiques. « Leur seul but, selon elle, c’est « l’argent, le sexe, et exploiter les habitants » sous multiples formes. Quant aux milices d’autodéfense, les anti-balaka (anti-machettes), elles sont ici « invisibles… Ils sont tous en brousse, on ne les voit pas. C’est la Séléka qui dirige », affirme-t-elle.
La religieuse rappelle sur RTL que la Séléka est un ensemble de plusieurs groupes chapeautés par un général qui fait la pluie et le beau temps. A Berberati, « Tout le monde prend la fuite vers la forêt, les écoles sont fermées ainsi que les banques… les gens ont peur », insiste-t-elle.
Le Journal de bord de sœur Elvira a pour origine les massacres de fin mars-début avril dernier, où à Berberati, les Séleka on tiré sur une foule de jeunes lors d’une petite manifestation pour protester contre de fausses accusations émises contre eux. Bilan : une quarantaine de blessés et une dizaine de morts !
Puis les événements se sont enchainés : Son journal de bord est truffé de détails : noms, âges, des victimes et nature des sévices commis sur eux, que la religieuse a transmis au tribunal de Bangui, à la commission Justice et Paix, à l’archevêque de Bangui…
Voici quelques extraits :
« Cyncilia Gbai avait 4 ans. Le 21 mars, elle a succombé à une balle perdue lors de heurts entre jeunes chrétiens de la ville et des éléments de l’ex-Seleka devant une station-service…. Les jeunes ont voulu se soulever contre les rebelles musulmans pour exprimer leur colère. Ils ont été violemment réprimés, on a ouvert le feu sur eux. »
« Il y a aussi ce jeune commerçant pourchassé par un pick-up des ex-rebelles alors qu’il roulait à moto près de notre église. Il a essayé de fuir, de les semer, poussant au maximum la puissance de son deux-roues. Mais les ex-rebelles avides de sang l’ont rattrapé et ont renversé sa moto. Après une nuit de souffrances, ce jeune est mort. »
Et : « Nabio Valentine, 25 ans, violée le 1/6/13 à minuit par un Seleka du colonel… Jeune fille de 13 ans violée par le capitaine du Seleka, octobre 2013.”
La religieuse commente entre deux : « Les ex-rebelles de la Séléka font preuve d’une violence irrationnelle, d’agressions gratuites. Ils s’en prennent aux jeunes non-musulmans sous des prétextes fallacieux et tuent sans aucune raison. J’ai vu deux de ces jeunes être torturés en place publique. Ils sont morts… »
Plus de détails sur le site du JDD : http://www.lejdd.fr/International/Afrique/Centrafrique-les-preuves-de-soeur-Elvira-642635
Et l’entretien de RTL avec Soeur Elvira ICI