24/04/2014
Pour la première fois depuis 99 ans, la Turquie a accordé un hommage symbolique aux descendants des victimes du génocide arménien ce mercredi. En adressant ses condoléances, le premier ministre islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, délivre des paroles que beaucoup attendaient depuis longtemps. Mais le discours reste succinct, et le terme « génocide » n’a toujours pas été mentionné.
C’est rn tout cas la première fois qu’un responsable turc de ce rang prend la parole aussi ouvertement en abordant le sujet : « Nous souhaitons que les arméniens qui ont perdu la vie dans les circonstances ayant caractérisé le début du XX° siècle reposent en paix, et nous exprimons nos condoléances à leurs petits-enfants » a annoncé le premier ministre le 23 avril dernier, à la veille du 99ème anniversaire du génocide, notion que le pays a toujours nié catégoriquement.
« C’est un devoir humain de comprendre et de partager la volonté des Arméniens de commémorer leurs souffrances à cette époque », a précisé Recep Tayyip Erdogan. En s’adressant aux « petits-enfants des arméniens tués » lors du massacre qui s’étaient déroulé entre 1915 et 1917, la Turquie adresse un message de soutien, mais ne change cependant pas de discours quant à un repentir tant attendu depuis presque un siècle.
Dans une interview pour le Nouvel Obs, Tania Babanazarian, responsable au Bureau français de la cause arménienne regrette que cette déclaration intervienne à la veille des commémorations du génocide arménien. Elle y voit ici avant tout un objectif stratégique, plus qu’un véritable soutien de la part du gouvernement turc. Selon elle, « c’est la première fois que la Turquie parle de ‘condoléances’, mais il n’y a pas du tout de revirement dans le fond. Quand on lit en détail le contenu du communiqué, on se rend compte que les propos d’Erdogan restent inchangés ». Elle déplore ainsi que la Turquie « joue simplement sur les mots, brouille les pistes » et assure qu’une « déclaration au rabais » est malvenue.
Le génocide arménien a eu lieu d’avril 1915 à juillet 1916. Bien que le nombre exact de victimes fasse l’objet de polémiques, ce sont près de 1 200 000 arméniens qui auraient été tués lors de ces deux années d’extermination, soit 75% de la population. Les descendants des victimes connaissent les terribles séquelles que leurs familles ont subies suite à ce drame, car au-delà du deuil, émergent également des préjudices territoriaux, culturels, moraux et psychologiques.
La reconnaissance politique à travers le monde de ce génocide fait encore l’objet de nombreux débats et controverses, tout particulièrement en Turquie. L’Urugay a été le premier pays à reconnaître officiellement le génocide arménien, le 20 avril 1965. Le 2 juillet 1985, une sous-commission de l’ONU pour la prévention des droits de l’homme et la protection des minorités a publié un rapport qualifiant le massacre des Arméniens de génocide. La France l’a finalement reconnu en 2001.