Alors que le 25ème anniversaire du massacre de Tiananmen est actuellement commémoré à travers le monde, les autorités chinoises ont mené, ces dernières semaines, une campagne de répression sans précédent pour empêcher tout évènement dans le pays. Au moins une soixantaine de personnes – intellectuels, militants, journalistes ou avocats – ont été interrogés, arrêtés arbitrairement dans toute la Chine. Ils sont inculpés, placés en détention ou ont disparu [1]. Plusieurs ont rapporté avoir été maltraités en détention, privés de médicaments ou de visites de leurs avocats. Certains ont également été frappés ou intimidés verbalement.
« Chaque jour, la liste des personnes arrêtées arbitrairement ou disparues s’allonge. Les autorités chinoises font tout afin que, 25 ans après le massacre, le silence et l’amnésie continuent à régner sur cette tragédie », indique Christine Laroque, responsable Asie à l’ACAT.
Le 27 mai, l’avocat Chang Bayang a été emmené par la police pour être interrogé. Ses ordinateurs et téléphones portables ont été saisis au cours de la perquisition de son domicile. Chang a représenté de nombreuses victimes dans des affaires de violations de droits de l’homme, il a soutenu de nombreux appels publics, notamment ceux visant à abolir les camps de rééducation par le travail. L’avocat Ji Laisong a quant à lui disparu le 26 mai avant de réapparaître et d’être inculpé pour « rassemblement d’une foule visant à troubler l’ordre public », un chef d’inculpation fallacieux constamment utilisé ces dernières semaines.
A Shanghai, la militante Chen Jianfang a disparu depuis le 15 mai. Plusieurs personnalités, comme Hao Jian, Xu Youyu, ou Pu Zhiqiang, un avocat renommé sur les questions des droits de l’homme, ont été inculpées alors qu’elles s’étaient simplement réunies en privé pour discuter des évènements de 1989. Ding Zilin, représentante emblématique des Mères de Tiananmen, un groupe de femmes qui ont perdu un enfant en 1989, n’est pas autorisée à revenir à Pékin. L’absurdité de la répression va jusqu’à la détention d’un jeune ouvrier, en visite à Pékin il y a deux semaines. Motif : il avait mis en ligne un selfie sur lequel il posait, sur la place Tiananmen, les doigts en V, une pose courante parmi les touristes chinois, mais soudainement considérée ici comme un signe de subversion par les autorités.
A l’occasion du vingtième anniversaire du massacre de Tiananmen, l’ACAT avait publié un rapport rappelant la répression continue et l’amnésie imposée par les autorités sur cet évènement. Le constat dressé alors reste malheureusement d’actualité. Depuis 1989, les autorités n’ont jamais revu leur position officielle. « L’existence du massacre est toujours niée et expurgée des livres d’histoire. La politique répressive va jusqu’à priver les familles d’un droit au deuil en les empêchant, depuis 25 ans, de commémorer la mémoire de leurs proches tués lors du massacre », déclare Christine Laroque. Elles se sont vu interdire le dépôt des urnes funéraires dans les cimetières à l’époque et il leur est interdit de se rendre, le jour anniversaire, sur les lieux où leurs proches ont été tués pour se recueillir.
Presque tous les manifestants de 1989 ont été libérés, sauf Miao Deshun, toujours détenu après 25 ans de prison. Beaucoup sont régulièrement assignés à résidence, s’ils ne sont pas arrêtés et réincarcérés. En dépit du silence imposé à la société, de nombreux citoyens refusent d’oublier et continuent de se mobiliser afin de rétablir la vérité sur cet épisode tragique. Ils veulent seulement rendre justice aux victimes et commémorer leur mémoire.
L’ACAT a initié une pétition en ligne pour la libération des personnes arrêtés dans le cadre des 25 ans de Tiananmen. Elle peut être consultée en cliquant ici.
Le rapport « Tiananmen : quand l’amnésie cache la répression » est disponible en cliquant sur ce lien.