C’est par un communiqué publié lundi 1er juillet sur le site du club dont Sir Nicholas Winton, anobli par la reine Élisabeth II en 2002, était membre que le monde entier a appris la nouvelle : "C’est avec une grande tristesse que je dois annoncer que Sir Nicky Winton est mort paisiblement ce matin". Les réactions se sont immédiatement multipliées sur les réseaux sociaux : "Le monde a perdu un grand homme. Nous ne devons jamais oublier l’humanité dont a fait preuve Sir Nicholas Winton en sauvant tant d’enfants de l’Holocauste", a pour sa part réagi le Premier ministre britannique, David Cameron, sur Twitter. Sur son propre compte, son homogue tchèque, Bohuslav Sobotka, a lui aussi rendu hommage au héros britannique : "Il restera à jamais un symbole de courage, de profonde humanité et d’incroyable modestie". Nicholas Winton avait reçu l’année dernière, le 28 octobre à Prague, des mains mêmes du président Milos Zeman, l’Ordre du Lion blanc, la plus haute distinction tchèque. Bien que chrétien, Nicholas Winton n’avait pas pu être titré Juste parmi les nations par le mémorial Yad Vashem car il avait lui-même une ascendance juive.
Surnommé le "Schindler britannique", Nicholas Winton avait sauvé à lui seul plusieurs centaines d’enfants, pour la plupart juifs, de la folie meurtière nazie. Personne n’était au courant de son histoire jusqu’à ce que sa femme découvre par hasard dans les années 80 une pochette en cuir contenant 669 noms…
Une simple visite d’un camp de réfugiés à Prague
Tout avait commencé en décembre 1938. Alors jeune agent de change, Nicholas Winton, qui devait aller skier en Suisse pour ses vacances, y avait renoncé et s’était rendu à Prague en Tchécoslovaquie. Un de ses amis, engagé dans le sauvetage de juifs, avait besoin de son aide. Une seule visite d’un camp de réfugiés avait suffi à le convaincre de l’urgence de la situation. Il avait alors monté de son propre chef toute une organisation pour sauver ces enfants.
Au même moment, la Chambre des communes britannique avait approuvé un décret permettant aux réfugiés âgés de moins de 17 ans de pouvoir s’installer en Grande-Bretagne sous réserve d’avoir trouvé un lieu d’accueil et déposé une garantie de 50 £ en cas de retour éventuel dans leur partie d’origine. Nicholas, du haut de ses 29 ans seulement, avait organisé en septembre 1939 un convoi express de huit trains entre Prague et Londres. Un neuvième et dernier véhicule, bloqué dans la capitale tchécoslovaque, suite à l’entrée en guerre de Londres, ne put jamais quitter la gare et les 250 enfants à son bord ne furent pas retrouvés après la capitulation allemande.
Un demi-siècle dans l’oubli
Pendant près de 50 ans, personne n’avait rien su de ce geste héroïque. Tout avait basculé le jour où Gretta, la femme de Nicholas, avait découvert par hasard dans leur grenier une serviette en cuir contenant la liste des noms des 669 enfants ainsi que des lettres de leurs parents.
En 1988, la BBC avait réussi à inviter Nicholas Winton dans le public de l’une de ses émissions. Il ne le savait pas, mais la majorité des spectateurs qui l’entouraient étaient une partie des enfants qu’il avait sauvés. Au beau milieu de l’enregistrement, la présentatrice avait commencé par annoncer au vieil homme l’identité de sa voisine de gauche. La surprise était totale. Puis, la journaliste avait invité l’ensemble des rescapés présents dans la salle à se lever. La quasi-totalité du public avait alors quitté son siège. Un demi-siècle plus tard, ces enfants pragois devenus adultes avaient enfin pu remercier le héros qui les avait sauvés.