Jean-Baptiste Hibon propose à ses contemporains de se laisser rééduquer par le handicap. Plongez dans la passionnante lecture de son essai autobiographique intitulé Une sacrée erreur.
Remettre l’humain au centre
Enfilant son costume de conférencier, ici pour une institution, ailleurs pour une grande multinationale, Jean-Baptiste Hibon part en guerre contre le darwinisme social et toutes les approches managériales qui considèrent l’humain comme une simple ressource parmi d’autres – nous n’avons pas assez interrogé le terme “ressources humaines” pour lui faire dire tout ce qu’il recouvre de vision biaisée de la dignité humaine. À l’entreprise qui méprise ou à la société qui marginalise les faibles, Jean-Baptiste Hibon s’attaque avec les armes redoutables qui sont les siennes : douceur, humour et connaissance profonde de la psychologie humaine.
Car c’est bien ce qui frappe le lecteur chapitre après chapitre : l’auteur s’est appuyé sur la fragilité liée à son handicap pour révéler les forces et les faiblesses de l’homme contemporain. Du rapport de notre société au handicap, il tire de profondes analyses sur la normalité, la compétition érigée en religion, le primat donné à la réussite individuelle sur le bien commun. Et va même jusqu’à livrer des pages particulièrement émouvantes sur la place du handicap dans la vie de couple et l’éducation des enfants. Dans tous les domaines de la vie sociale, Hibon s’attache à restaurer l’homme dans sa dignité originelle.
Un témoignage de foi
“Celui qui sait pour quoi il vit n’a pas besoin de se demander pourquoi il vit”, ces mots de Gustave Thibon lui conviennent parfaitement. Jean-Baptiste Hibon s’amuse à rappeler qu’il partage le même handicap qu’Alexandre Jollien – lui aussi célèbre – mais que leur approche spirituelle est différente. Le second regarde vers les sagesses orientales pour trouver la voie du zen quand le premier puise tout ce dont il a besoin dans la foi chrétienne : “La prière, la méditation, la lectio divina, les miracles, les saints, etc.”.
À plusieurs reprises, il évoque l’importance de la présence divine dans sa vie. Et quel exemple que le Christ qui a accepté d’être faible parmi les faibles pour porter cette faiblesse jusqu’à Dieu ! “Cela me réconforte de savoir que lorsque je tombe, je ne peux pas aller plus bas que là où lui-même s’est abaissé. Même si nous tombons, il est là et il nous relève (…) Regardez le Christ. Regardez sa vie avec les yeux du monde. Qu’a-t-il réussi ? Qu’a-t-il gagné ? Rien ! Aux yeux du monde, Jésus est le premier des ratés. Le meilleur des ratés ! Et l’Église est née de cet échec apparent du Christ. Le plan de Dieu est vraiment formidable !”
Du nihilisme contemporain, Jean-Baptiste Hibon nous donne une clef de compréhension : “En niant le surnaturel nous sombrons dans le sous naturel. En évinçant Dieu, nous risquons de dévoyer la nature”. Burke n’a-t-il pas écrit que “pour que le mal triomphe, seule suffit l’inactivité des hommes de bien” ? L’auteur nous rappelle dans ce petite livre énergique que quelle que soit notre condition – touchés ou non par le handicap ou la maladie – les champs sont nombreux à moissonner et que le plus beau chemin vers le bonheur véritable est de répondre présent à l’appel du Seigneur.
Une sacrée erreur : laissez le handicap vous rééduquer de Jean-Baptiste Hibon. Cerf, octobre 2015, 15 euros.