Cofondateur des Veilleurs, Axel Rokvam a joué un rôle important dans la “révolution intérieure et spirituelle” de la génération 2013. Il y a une petite année, il a ouvert son propre atelier de reliure, à Paris. Avec lui nous parlons du sens du travail et… d’un “charpentier fils de charpentier”.
Aleteia : Axel Rokvam, si vous êtes artisan, vous avez été également l’un des chefs d’orchestre des Veilleurs, dont vous demeurez l’un des principaux animateurs. En quoi cet engagement et votre métier se mêlent-ils ?
Axel Rokvam : J’étais relieur avant de fonder le mouvement des Veilleurs. C’est même peut-être parce que mon métier incarne une forme de résistance et reflète en même temps une proposition anthropologique qu’il a fortifié en moi le désir et la force de m’engager de cette façon, originale et totale. Pour le dire autrement, je veillais déjà en reliant.
Vous avez auparavant suivi un cursus de relations internationales, jugiez-vous que la carrière de bureau qui vous attendait ne serait pas suffisamment nourrissante spirituellement ?
Non, je n’ai pas essentiellement rejeté ce que je faisais. Je suis juste attiré, à travers le savoir-faire du relieur, par une dimension de mon être que je veux connaitre et que seul l’effort et la fidélité dans le temps pourront me révéler. Je ne me suis pas tant décidé à faire ce métier par opposition que par attraction.
Dans son excellent Éloge du carburateur, Matthew Crawford écrit : “Les métiers manuels sont un refuge naturel pour les individus qui entendent exercer la plénitude de leurs facultés”, cela résonne-t-il en vous ?
Oui, excepté l’idée de “refuge” que je trouve péjorative. C’est bien en développant ses facultés, et les facultés manuelles qu’on approfondit son être, mais il y a un choix à faire : quelle faculté me faut-il développer à travers mon métier ? Et ce choix est indissociable de notre qualité d’être de relation : avec qui suis-je appelé à travailler ? On ne peut pas penser sa vie, en particulier professionnelle, de façon abstraite, mais comme une transformation concrète et permanente de notre être, orientée vers le bien par nos choix conformes à nos désirs et à la vérité qui habite en nous.
Concrètement, quelles sont les joies et les peines d’un jeune relieur dans la France d’aujourd’hui ?
Les peines, c’est que notre société devient moins à même de donner chair à ses intuitions spirituelles et esthétiques, donc de comprendre l’utilité des métiers d’artisanat d’art. Concrètement, c’est l’insensibilité aux belles choses qui ne sont pas perçues comme nécessaires, et mon incapacité à mettre en évidence cette nécessité.
Les joies, c’est de donner au fond sa forme, de trouver une harmonie entre une œuvre littéraire et plastique, ce que l’on appelait autrefois “livre”. Concrètement, cela se manifeste par la joie des clients, qui retombe sur l’artisan.
Comment avez-vous appris le métier de relieur ?
J’ai appris mon métier chez un maître à Toulouse puis j’ai suivi pendant trois ans des cours aux Ateliers d’arts appliqués du Vésinet, tout en travaillant chez moi. J’ai ensuite été ouvrier relieur dans un atelier parisien et je suis indépendant depuis un an. Maintenant, c’est le métier qui m’apprend.
Que vous apporte spirituellement votre travail de tous les jours ? Quelles sont les grandes figures spirituelles qui ont éclairé votre parcours ?
Spirituellement, il m’apporte le silence. La “figure spirituelle” qui vient habiter par sa Parole ce silence, quand j’y consens, c’est un charpentier fils de charpentier.
Aleteia vous propose de découvrir le travail d’Axel Rokvam.
Visites sur rendez-vous : 37 bis, rue de Reuilly, Paris XII, contact@religare.fr