Lorsqu’en 1939, la guerre éclate entre l’Allemagne et la France, c’est une violente déchirure pour l’abbé Franz Stock. Celui-ci est alors recteur de la Mission catholique allemande de Paris. L’amitié franco-allemande n’est pas un vain mot pour lui. Dès 1926, alors qu’il n’est qu’un jeune séminariste de 22 ans, il se rend en France pour assister au 6e Congrès démocratique international pour la Paix. Cet évènement est organisé par Marc Sangnier avec pour idée de garantir la paix en Europe par l’amitié tissée entre les jeunes de différents pays. Voilà qui répond pleinement aux aspirations du jeune Franz Stock qui y rencontre alors Joseph Folliet, avec lequel il partage rapidement un même idéal spirituel. La francophilie de Stock le conduit à demander à ses supérieurs une dérogation pour poursuivre ses études à Paris. Il passera près de deux ans sur les bancs de l’Institut catholique. Ordonné prêtre pour l’éternité le 12 mars 1932, il n’aura guère à attendre pour retrouver un apostolat en France, qui lui est accordé en 1934.
L’aumônier des condamnés à mort
La grande conflagration européenne le pousse à rejoindre son pays en urgence durant le mois d’août 1939. Son destin va désormais être intimement lié aux souffrances du conflit. De retour à Paris en octobre 1940, il ne tarde pas à élargir le champ de son rayonnement bien au-delà de la seule communauté allemande. Les prisons, de plus en plus pleines, l’appellent. Son travail est très vite reconnu par les autorités d’occupation qui le chargent d’accompagner les condamnés à mort. Il exercera sa présence bienveillante auprès de plusieurs centaines d’entre eux, dernier visage de compassion avant le grand départ. L’abbé Stock leur offre alors l’exemple du Christ, qui de cette souffrance angoissée a tout connu. Se dépensant sans compter, l’abbé tente d’être présent à tous, dans des circonstances plus effroyables à mesure que l’issue de la guerre approche. Lorsque Paris est libérée à la fin d’août 1944, l’abbé est fait prisonnier par les Américains, alors qu’il apportait soins et réconfort dans un hôpital affecté à la Wehrmacht.
Une nouvelle mission : le séminaire des Barbelés
Ressortissant d’une puissance vaincue après avoir été triomphante, l’abbé Franz Stock ne varie pas. Seule sa mission de prêtre compte. Il demeure au plus près des faibles, des délaissés, des souffrants. À l’instigation de deux prêtres français, un séminaire est imaginé pour accueillir les prisonniers allemands qui se sentiraient appelés au sacerdoce, certains ayant du interrompre leur formation du fait de la guerre. D’abord créé à Orléans, le « séminaire des Barbelés » est assez vite transféré près de Chartres, au camp du Coudray. Pendant deux années, de 1945 à 1947, l’abbé Franz Stock va être l’infatigable et charismatique supérieur de ce séminaire qui ne ressemble à aucun autre. Plus de 900 prisonniers passeront dans ses rangs. Ce miracle suscite chez Mgr Roncalli, alors nonce apostolique un vif intérêt. Celui qui deviendra quelques années plus tard le pape Jean XXIII se souviendra longtemps de l’exemple de l’abbé Stock. De lui, il dira « ce n’est pas un nom, c’est un programme ! » En février 1948, usé par les conditions de détention et par le rythme harassant qu’il s’était imposé au service de « ses » séminaristes, l’abbé Franz Stock meurt à l’hôpital Cochin. Il n’a que 43 ans.
Un exemple pour notre temps
À l’heure où l’Europe refuse à reconnaître ses racines chrétiennes et s’acharne à ne vouloir fonder l’union des peuples que sur les intérêts marchands, une haute figure européenne telle que celle de l’abbé Stock est une lumière inespérée. Peu à peu, la vie exemplaire de ce prêtre de choc sort de l’ombre. En 2013, l’étape diocésaine du procès de béatification a été menée à bien. Ses conclusions sont désormais entre les mains du Saint-Siège. En parallèle, l’ancien site du séminaire des Barbelés est devenu le Centre Européen de Rencontre Franz Stock, grâce à l’énergie de bénévoles français et allemands. Il accueille visites scolaires, pèlerinages, expositions et évènements culturels. Après avoir visité ce site chargé d’histoire, n’oubliez pas d’aller vous recueillir dans l’église Saint-Jean-Baptiste-de-Rechèvres à Chartres, où repose le corps de l’abbé Stock. Et en attendant, ne passez pas à côté de la très belle biographie que lui ont consacré en dessin les talentueux Jean-François Vivier et Denoël. Une belle idée cadeau, pour transmettre aux jeunes et moins jeunes la flamme de ce grand serviteur de Dieu.
Franz Stock, passeur d’âmes, par Vivier et Denoël, éditions Artège BD, 14,50 euros.