En pleine nuit étoilée, sous la coupole d’un observatoire, au pied du télescope, un étudiant brillant gratte sa barbe qui n’a pas encore viré au poivre et sel… Il est anxieux. La question qui l’obsède n’est pas l’expansion de l’univers, ni les étoiles géantes, ni même le mystère des “trous noirs”, mais : “À quoi est-ce que je sers sur Terre ?”
“Pourquoi se soucier des Lunes de Jupiter quand il y a des gens qui meurent de faim sur Terre ?” s’interroge-t-il. La question est suffisamment sérieuse pour que, jeune astronome, en 1983, il décide de plaquer son télescope. Il faisait pourtant une carrière brillante, enseignant à l’Observatoire de l’université d’Harvard et au MIT. Mais, préoccupé, il s’est présenté au Peace Corps, une organisation humanitaire américaine, pour devenir volontaire. Il dit aux recruteurs : “J’irai où vous me direz d’aller. Je ferai tout ce que vous me direz ; je veux juste aider les gens”. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé au Kenya… à enseigner l’astronomie aux étudiants diplômés de l’université de Nairobi… C’est donc sans scrupule qu’il reprend son télescope. En 1991, il prononce ses vœux de frère jésuite et devient astronome à l’Observatoire du Vatican.
Qui a peur du “silence éternel” ?
Guy Consolmagno ne voit pas de contradiction entre son métier d’astronome et sa condition de religieux. Il assure que ces deux composantes de sa vie se nourrissent l’une l’autre. Pourtant, la contemplation du grand noir constellé en a plongé d’autres dans l’inquiétude, à commencer par Blaise Pascal qu’effrayait “le silence éternel de ces espaces infinis”. Mais, rappelle le jésuite, si on connaît la phrase de l’angoisse, on se souvient rarement de la suite du texte, dans lequel Pascal assure que cet effroi est salvateur : l’homme, entre les deux abîmes de l’infini et du néant, est contraint de changer sa curiosité de scientifique en admiration et, tremblant devant les merveilles qu’il observe, il “sera plus disposé à les contempler en silence qu’à les chercher avec présomption”. Le frère Consolmagno voit dans la taille vertigineuse de l’Univers, l’expression de l’immensité du pouvoir créateur de Dieu. Et malgré cette immensité, l’humanité, si petite est précieuse aux yeux de Dieu ! “C’est une vieille histoire, il suffit de relire le psaume 8“, dit-il en se référant aux versets : “Quand je considère tes merveilles, le travail de tes doigts, la lune et les étoiles, que tu as placées au firmament, qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ?”
Et cette Création n’est pas seulement grande, assure notre astronome, elle est aussi belle : “En regardant les étoiles, on contemple Dieu dans sa majesté”. La science aide à saisir l’harmonie que sous-tend le spectacle des constellations. “La nature n’est en aucun cas chaotique”, assure-t-il, même quand un phénomène semble imprévisible ou capricieux, il n’en est que plus intéressant pour le scientifique. La foi ne réduit en rien la perspective scientifique : “Au contraire, assure-t-il, elle élargit la perspective, insérant la personne dans une histoire qui la dépasse et donne un sens aux souffrances du temps présent”.