Comment devient-on majordome du Pape ? Un peu par hasard, répond Angelo Gugel. Membre de la Gendarmerie vaticane, sa famille connaît un peu Mgr Albino Luciani, patriarche de Venise, et il accepte de servir de chauffeur pour le haut prélat au moment du conclave d’août 1978. Après la fermeture des portes de la chapelle Sixtine, il repart chez lui… pour recevoir quelques jours plus tard un appel du Vatican lui demandant de venir aux côtés du nouveau Pape. Avec un “costume sombre”, lui précise-t-on.
De fait, Angelo Gugel va accompagner Jean Paul Ier pendant les 33 jours de son pontificat. Ce qui lui permet de parler en personne avisée lorsqu’il balaie du revers de la main toutes les polémiques et théories autour de la mort de l’éphémère pontife : selon Angelo, le Pape se sentait déjà mal la veille et son décès serait une simple – et somme toute rationnelle – crise cardiaque.
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C’est donc auprès de Jean Paul II qu’Angelo Gugel va exercer le plus longtemps. Après l’élection du cardinal polonais, il se présente dans les appartements pontificaux. J’étais le seul Italien au milieu d’une cohorte de Polonais, glisse-t-il. Et c’est justement ce qui va lui permettre de rester à son poste : le Pape a besoin d’un homme de confiance pour l’aider dans la prononciation chantante de l’italien.
“N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ !”, lance Jean Paul II le 22 octobre dans sa messe d’intronisation. Une injonction restée célèbre… en partie grâce à Angelo qui l’a longuement fait répéter au Pape de l’Est. “Si je me trompe sur l’intonation de quelques mots, 50% de la faute en revient à Angelo”, s’amusera quelques jours plus tard Jean Paul II, lors d’une audience avec les anciens collègues gendarmes d’Angelo.
Les réflexes d’un ancien gendarme
En tant que majordome du Pape, Angelo Gugel est presque toujours présent aux côtés du souverain pontife. Il fait partie de ces hommes que tout le monde voit mais que personne ne remarque tant leur discrétion est grande. Ainsi, ce 13 mai 1980, il est assis devant Jean Paul II dans la papamobile lors du tour en papamobile sur la place Saint-Pierre avant l’audience générale.
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Soudain, le Pape s’effondre. Angelo remarque aussitôt qu’une balle a traversé la soutane au niveau du cœur, mais que le sang ne se répand pas. L’ancien gendarme comprend tout de suite la gravité de la situation et réagit au quart de tour, faisant immédiatement conduire le pontife à l’hôpital. Angelo n’aura jamais si bien porté son prénom : il a véritablement été “l’ange-gardien” du Pape.
La prière du Pape
Si le majordome est un intime du souverain pontife, la réciproque est également vraie. En 1980, la femme d’Angelo est enceinte, et la grossesse vire à la catastrophe. Pour les médecins, les jeux sont faits : l’enfant ne naîtra pas vivant. Jean Paul II est le témoin de ce drame familial silencieux et un matin, il glisse à son majordome qu’il a célébré la messe pour sa femme.
Quelques jours plus tard, la naissance se déroule à merveille. “Quelqu’un a dû beaucoup prier !”, s’étonnent les médecins. Et le couple sait parfaitement qui est derrière ce miracle : en reconnaissance, la petite fille est appelée Carla Luciana Maria – Charlotte Lucie Marie en italien. Soit la version féminine des prénoms de Jean Paul II et de son prédécesseur et celui de la sainte Vierge.
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Jean Paul II n’oubliera jamais cette petite fille. Le 2 avril 2005, le pape est mourant et le majordome vient lui faire ses adieux, accompagné de sa famille. Lorsque Jean Paul II voit Carla Luciana, son regard s’illumine : il a reconnu la petite fille pour qui il a tant prié. À 21h37 le même jour, le siège apostolique sera vacant.
Salade au parmesan
Après la mort de Jean Paul II, Angelo Gugel reste quelques mois au service de Benoît XVI avant d’enfin prendre une retraite bien méritée. Son successeur sera hélas le protagoniste du premier scandale Vatileaks, transmettant à la presse des documents confidentiels…
Dans son entretien à La Stampa, Angelo Gugel vient aussi confirmer une rumeur tenace au sujet du Pape polonais : oui, Jean Paul II saupoudrait bien sa salade de parmesan. Mais la tendresse des Italiens à l’égard de ce Pape qui a rythmé leur vie pendant plus de 26 ans devrait leur permettre de pardonner cet affront à leur cuisine, sujet ô combien sensible…