Brillant sujet, Matthew B Crawford est recruté par une entreprise de la Silicon Valley pour rédiger des résumés d’articles scientifiques. Il comprend rapidement que ce travail intéressant devient un véritable défi : pas moins de quinze résumés par jour sont exigés. Intelligent, travailleur et intéressé par le salaire confortable, il tient le pari… et réussit. Seulement voilà, onze mois plus tard, son entreprise ne lui demande plus quinze, mais vingt-huit articles par jour, de la rhumatologie à la mécanique des fluides, de la sexologie à la patristique souabe ! Matthew finit par s’arrêter, épuisé, pour ouvrir un atelier de réparations de motos, et rapporter son aventure dans un livre : Éloge du carburateur…
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Nouveau mal du siècle, le burn-out fait aujourd’hui la une des journaux : de nombreux magazines de psychologie ou de médecine dénoncent un mal envahissant. L’enquête a cinq ans, mais les résultats de l’étude du cabinet Technologia parlent toujours : 12,6% des actifs occupés sont en risque élevé de burn-out. 25% des exploitants agricoles sont concernés, 20% des chefs d’entreprise, artisans, cadres et professeurs, 13% des ouvriers… On le voit, le burn-out n’est pas un marronnier journalistique mais bien une menace dans le monde du travail, et manifestement ce n’est pas fini.
Dépersonnalisation
Mais au fait, qu’est-ce que le burn-out ? Les spécialistes parlent d’abord d’un épuisement professionnel, physique et psychique, qui diffère de la fatigue par le fait que les réserves d’énergie personnelle ne peuvent plus se reconstituer rapidement. C’est ensuite un vécu de dépersonnalisation au sens où la lassitude extrême entraîne une attitude d’indifférence et même de cynisme vis-à-vis des autres. Enfin, le sentiment d’une inefficacité frustrante qui perturbe la volonté d’accomplissement personnel par le travail.
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Le psychiatre américain Freudenberger — inventeur du mot — le définit ainsi : « Perte de motivation ou de stimulation tout particulièrement quand notre dévouement à une cause ou à des personnes ne produit pas les effets désirés. » Le titre de son ouvrage en dit long : Burn-out, The High Cost of High Achievement. On réalise à quel point c’est précisément le désir de réalisation personnelle qui conduit à cet excès. La Tribune parle à ce sujet d’un « chagrin d’honneur » et c’est très juste : ce sont les plus généreux, les plus ambitieux, ceux en tout cas qui veulent vraiment réussir ou faire réussir leur organisation qui sont les plus exposés (voir également à ce sujet Les Echos). Le burn-out est donc la maladie du sur-engagement. Maladie d’autant plus insidieuse que l’on est polarisé par l’attitude inverse : dans les organisations, la question n’est pas tant de savoir si l’on en fait trop, mais si l’on en fait assez, et même comment on peut en faire davantage…
Comment l‘éviter ?
Dans les organisations, protéger l’engagement libre et mûri des acteurs demande donc un effort de lucidité pour prendre conscience du burn-out. Celui-ci se fonde en grande partie sur le perfectionnisme, la spirale du toujours plus, du toujours mieux et du toujours plus vite. Le site de la Havard Business Review donne de judicieux conseils pour l’éviter. Nous insisterons pour notre part sur le fait que le burn-out n’arrive pas comme la foudre, contrairement à ce que l’on croit souvent : il s’insinue progressivement à notre insu. La pression montante est d’abord supportable, puis elle augmente imperceptiblement jusqu’à nous faire oublier l’essentiel pour nous piéger dans une tornade de choses à faire, “indispensables”, “stratégiques”…
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Prévenir le burn-out, n’est-ce pas remettre à l’honneur l’équilibre entre le souhaitable et le possible, définir avec lucidité les limites raisonnables qui rendent notre travail durable et désirable ? Cela exige de prendre du temps pour sortir du tourbillon et nous re-poser : parce qu’aucun travail ne mérite la servilité, et qu’il est parfois impérieux de savoir retrouver ce temps intérieur où l’on renoue avec soi-même.