Le culte des reliques, nous le savons, a connu des excès et peut encore susciter des interrogations. On entend évidemment les critiques légitimes : fétichisme, réflexes magiques, détournement du culte d’adoration dû à Dieu seul… L’Église propose pourtant encore la vénération des reliques et on voit dans de nombreux lieux resurgir ce culte réunissant de grandes foules. Alors qu’en est-il des reliques : est-il légitime de les vénérer ? Quel sens peut avoir ce culte ?
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Qu’est-ce qu’une relique ?
L’origine latine de ce mot est reliquiæ, ce qui signifie “restes”. Les reliques sont ce qui “reste” des saints et des martyrs, que ce soit des parties de leur corps, ou des objets leur ayant appartenu (souvent des vêtements) ou encore les instruments de leur supplice s’ils sont martyrs. On le voit, il y a quelque chose d’aisément compréhensible ici : de même que l’on aime à garder des objets ayant appartenu à un proche défunt, de même aime-t-on dans l’Église conserver la mémoire des saints qui par leur vie et leur mort ont rendu témoignage au Christ. Ces reliques, en nous reliant au saint vénéré, nous font contempler celui à qui ils ont donné leurs vies, le Christ.
Il y a plusieurs types de reliques :
– Les reliques insignes : Le corps complet d’un saint (par exemple sainte Bernadette à Nevers) ou un de ses membres entier (crâne, bras, doigt, etc.).
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– Les reliques notables : une partie entière du corps qui n’est pas un membre (fragment de crâne, côte, mâchoire).
– Les reliques minimes (ou exiguës) : une parcelle ou un fragment de corps.
On utilise aussi le mot “relique” de manière assez impropre lorsque l’on vénère les vêtements ou les objets ayant appartenus au saint. Même constat pour les “reliques de contact” (linges qui ont été déposés sur la chasse d’un saint ou directement sur la relique originelle).
On le voit, cette classification est plus quantitative que qualitative. Ainsi le moindre petit bout de la vraie croix aura toujours beaucoup plus d’importance que le corps de n’importe quel saint, fût-il entier.
D’où vient le culte des reliques ?
Dès le début de l’ère chrétienne, pendant les grandes persécutions, le culte des reliques des martyrs s’instaura. En 156, voici comment fut rapporté le martyre de saint Polycarpe : “Nous recueillîmes ses ossements d’une plus grande valeur que les pierres précieuses, pour les déposer en un lieu convenable. C’est là que, dans la mesure du possible, nous nous réunirons dans la joie et l’allégresse, pour célébrer, avec l’aide du Seigneur, l’anniversaire du jour où Polycarpe est né à Dieu par le martyre” (Martyre de Polycarpe XVIII, I-3). La place où demeurait le corps des martyrs devînt rapidement le lieu de célébration de la Sainte Eucharistie. C’est de là que vient la tradition d’insérer une relique de saint dans un autel qui va être consacré. Elle remonte aux temps les plus anciens de l’Église et fut imposée par le concile de Carthage en 401.
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Au Moyen Âge se développèrent les pèlerinages aux lieux où étaient enterrés les saints. Pensons à saint Pierre et saint Paul à Rome, saint Martin à Tours, et saint Jacques à Compostelle pour ne citer que les plus importants. Cette époque vit un développement extrêmement important du culte des reliques, chaque paroisse, chaque abbaye exaltant par des processions ou des ostensions son saint.
Des déviations, va naître une discipline encadrant ce culte
Dès le Ve siècle, Grégoire de Tours, évêque de Paris, fait arrêter un imposteur qui vendait des reliques. Il raconte qu’on retrouva dans sa besace “des racines d’herbes diverses, des dents de taupe, des os de souris ainsi que des griffes et de la graisse d’ours”… À l’échelle européenne va se développer un vrai trafic de reliques, rois et princes étant prêts à débourser de grandes sommes de manière à accroître le nombre de pèlerins dans leurs cités. Si la réalité de ce phénomène est vraie, il faut noter pendant tout le Moyen Âge de multiples condamnations par Rome et les théologiens de ces trafics. La réforme protestante au XVIe siècle avec Martin Luther et surtout Jean Calvin qui y consacra un écrit (le Traité des reliques), rejette entièrement ce culte comme favorisant l’idolâtrie et détournant du culte d’adoration dû à Dieu seul.
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Le concile de Trente qui suivit quelques décennies après (1542-1563) réaffirme pourtant la légitimité de cette piété tout en appelant les fidèles à se garder de toute superstition. Il rappelle que les corps des saints “doivent être vénérés par les fidèles, car Dieu accorde par eux de nombreux bienfaits aux hommes”. Petit à petit va se préciser la discipline encadrant le culte des reliques : ne peut être vénéré que le corps des saints béatifiés puis canonisés par l’Église (session 25 du concile de Trente). L’évêque diocésain a la responsabilité du discernement et devra éditer un document attestant de l’authenticité de la relique sur laquelle il devra apposer son sceau. Ce document s’appelle un “authentique”. Le code de droit canonique de 1983 interdit la vente de reliques et rappelle la tradition de l’insertion d’une relique dans les autels lors de leur consécration.
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Vénérer les reliques des saints, un chemin vers le Christ
La vénération des reliques n’est pas de l’ordre de la latrie (adoration de Dieu seul) mais de la dulie (vénération) relative. À travers l’objet vénéré, c’est évidemment la personne qui est honorée. La vénération des reliques doit pousser les fidèles à élever leur âme vers l’adoration du seul Saint, Jésus-Christ. En vénérant le corps de saint Martin à Tours, par exemple, les fidèles, en s’appuyant sur les restes du saint évêque, confesseront que c’est bien dans une vie humaine corporelle que la grâce de Dieu est intervenue. Sa vie, son zèle, sa passion pour l’Église serviront à l’édification spirituelle des fidèles qui devront alors rendre gloire à Dieu. La prière devant les reliques des saints a toujours été l’occasion de grandes grâces et de grands miracles de guérison, de conversion et de libération, car comme l’écrit saint Thomas d’Aquin dans la Somme théologique, “Dieu honore convenablement les reliques des saints en faisant des miracles en leur présence” (III, Qu. XXV, art.VI).
Des reliques du Christ ?
Il est bien entendu qu’il n’y a pas de reliques corporelles du Christ, qui, élevé aux cieux le jour de son Ascension, n’a pas laissé de « restes » (il y eut, en des temps heureusement révolus, des lieux où l’on vénéra des cheveux du Christ, des ongles, son prépuce (!) et même quelques-unes de ses respirations !). Du Christ, que demeure-t-il ? Un grand nombre de lieux de pèlerinage abritent des reliques de la Passion. On pense évidemment en premier lieu au Linceul de Turin et au Suaire d’Oviedo ainsi qu’à la Sainte Coiffe de Cahors, tous trois linges mortuaires liés à la mise au tombeau du Sauveur.
À Argenteuil, près de Paris, la Sainte Tunique du chemin de croix est vénérée depuis l’an 800. En 2016, 230 000 pèlerins y passèrent en quinze jours, montrant que, malgré quelques esprits chagrins, les reliques ont de l’avenir !