Les jeunes générations ne connaissent pas Raoul et Madeleine Follereau. Tout au plus ont-ils peut-être entendu prononcer leurs noms le dernier dimanche de janvier lors de la quête annuelle en faveur des malades de la lèpre ou ceux qui sont atteints d’autres misères tout aussi invalidantes. Cette quête que les Follereau ont voulu universelle continue à être organisée de nos jours par la Fondation qui porte leur nom et garde son ambition d’écoute et d’aide pour ceux qui sont en difficulté dans de nombreux pays du monde.
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Un jeune et brillant orateur
Raoul Follereau est né à Nevers en 1903. Très jeune, il se fait remarquer dans sa ville natale. À quinze ans, il donne une conférence au profit des Petites Sœurs des Pauvres sous le titre : « Dieu est Amour ». La salle est comble et le public émerveillé d’entendre un orateur si jeune et si doué parler de l’amour de Dieu pour les hommes avec tant de conviction. Pour lui l’amour de Dieu n’est pas une notion abstraite entendue au catéchisme puis vite oubliée, mais l’amour vivant de toute une vie qui se traduit par le cœur et les mains de chacun de nous au service de ceux qui sont sur notre route.
Sa petite fiancée, Madeleine, aussi jeune que lui, est dans la salle avec ses parents. Elle savait déjà que toute leurs vies seraient au service des autres mais elle ne savait pas encore jusqu’où cet amour inspiré par l’Évangile les conduirait.
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Après son bac, Raoul quitte Nevers pour entreprendre des études à la Sorbonne. Il obtiendra une licence de philosophie et une licence d’histoire. Il profite de son séjour de plusieurs années à Paris pour rencontrer les artistes à la mode et se faire une notion de l’art en général. Sa rencontre avec Charles Maurras l’a d’abord séduit pour certaines de ses idées. Cependant elle n’a pas été décisive dans son comportement futur car certains points, comme par exemple son attitude envers les juifs, le bouleversent.
Pionniers de la culture
Toute sa vie Raoul se voudra un pionnier, un meneur d’hommes, seul, jamais à la remorque d’un autre philosophe, d’un autre penseur ou d’un autre organisateur. Tout ce que Raoul a accompli avec Madeleine a toujours été sous sa propre initiative et sous son propre regard. Ils ont toujours voulu garder les rênes de leurs nombreuses actions dans de multiples domaines. Convaincus des racines latines de la pensée et de la langue françaises que leurs contemporains semblent déjà rejeter, ils fondent des académies en 1927 non seulement pour donner un meilleur accès aux jeunes à la culture française, mais aussi pour procurer leurs chances à de jeunes auteurs afin qu’ils puissent se faire connaître et éditer leurs œuvres.
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En 1930 une proposition inattendue les remplit de joie : le ministère de l’Instruction publique leur propose de mener une enquête rémunérée en Amérique latine. Les lois de 1905 ont chassé de France les ordres religieux. Beaucoup se sont réfugiés en Amérique. On leur demande de s’y rendre et de rapporter une étude détaillée sur l’état de la foi dans ces pays. Pour eux c’est un voyage magnifique plein de satisfactions mais aussi parsemé d’énormes difficultés et d’aventures périlleuses qui ont même failli leur faire perdre la vie. Un vrai roman à suspense !
La spiritualité de Charles de Foucauld
En 1935 un journal argentin leur demande un reportage sur Charles de Foucauld qui les entraîne sur les lieux même où l’ermite a vécu. Avec beaucoup d’émotion peu à peu ils reconstituent sa vie, et en couple, ils s’imprègnent de sa spiritualité qui renouvelle leur foi. On assiste à une étape émouvante et magnifique de leur histoire qui se terminera par la création d’une fondation Foucauld qu’ils gèrent ensemble. Sur la route du retour une rencontre inattendue avec un groupe de lépreux leur apparaîtra comme un appel de Dieu mais sur le moment sans suite envisageable.
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À leur retour en 1939, la guerre vient de se déclarer. Après l’armistice ils trouvent refuge dans le sud de la France. Devant le désarroi de leurs compatriotes écrasés par la montée du nazisme et l’occupation de la France, Raoul et Madeleine n’ont qu’une idée : leur proposer des moyens pour donner un sens à leur vie en aidant les autres par un moyen simple et accessible à tous. Sous leur impulsion une grande chaîne de solidarité prend naissance. Recherchés par l’occupant, ils se cachent dans un couvent de la banlieue lyonnaise. Cette communauté de jeunes religieuses a élaboré avant la guerre un projet magnifique : la construction d’une ville accueillante pour les lépreux en Côte d’Ivoire à Adzopé. Mais elles n’ont pas d’argent. « Je m’en charge », s’écrie Raoul dans son enthousiasme.
Cinquante ans au service des autres
À partir de ce jour la vie du couple change totalement. Raoul multipliera les conférences dans tous les pays du monde pour rapporter l’argent nécessaire. Madeleine sera près de lui dans tous ses voyages. L’aide aux lépreux deviendra leur occupation essentielle tant partout ils sont horrifiés par l’abandon et le rejet de tous. Dans les nombreuses léproseries qu’ils visitent à leur grande joie, on les appellera « Papa Raoul « et « Maman Madeleine » en échange du confort et de l’affection qu’ils apportent. Ce qui n’empêchera pas leur indignation et leurs actions après le lancement de la bombe atomique, leur lutte pour la paix, leurs appels aux chefs d’États, à l’ONU.
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Quand la maladie cloue Raoul dans son appartement, il continuera jusqu’à son dernier jour à trouver des moyens pour mobiliser les jeunes afin qu’ils s’engagent pour la paix dans le monde, l’entraide et l’attention aux plus pauvres. Leur cheminement spirituel semble une magnifique page d’Évangile que j’ai étudiée avec joie et émotion dans les étapes multiples de leur vie commune. Cinquante ans au service des autres ! Puisse leur message atteindre le XXIe siècle et continuer à toucher les cœurs en donnant à des couples le courage de s’engager sur de nouvelles routes d’amour !
Raoul et Madeleine Follereau,Itinéraire spirituel d’un couple, Artège, 2019, 260 pages, 16 euros.