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La majorité des croyants catholiques serait probablement surprise d’apprendre que dans une église, l’autel principal peut contenir de saintes reliques. En effet, elles sont généralement enchâssées dans une des pierres de l’autel. Il arrive aussi qu’elles soient rendues visibles dans des reliquaires spéciaux. Cependant, cette pratique trouve ses origines dans les Saintes Écritures. Il s’agit d’un usage très ancien que l’Église perpétue, comme l’indique la présentation générale du Missel romain:
“Il est opportun de garder l’usage de déposer sous l’autel à dédicacer des reliques de saints, même non martyrs. On veillera cependant à vérifier l’authenticité de ces reliques.” (n°302)
D’où vient cette coutume ? Dans son traité sur la liturgie intitulé Le saint sacrifice de la messe paru à la fin du XIXe siècle, Nicolas Gihr retrace brièvement l’histoire de cet usage :
Le décret du pape Félix Ier (vers 270) ordonnant de célébrer la messe sur le tombeau des martyrs ne fait que confirmer une coutume depuis longtemps existante. Plus tard, leurs restes furent transférés de leurs tombeaux et renfermés dans l’intérieur des autels que l’on érigeait. Le lieu où les martyrs avaient été déposés, l’autel élevé sur leurs reliques, et même l’église qui le contenait, reçurent généralement le nom de confession (confessio, tuapripuiv) ou de mémoire(memoria, monument).
Les premiers chrétiens avaient pour habitude de célébrer des messes dans les catacombes, sur les tombes des saints. Cet usage fut perpétué au moment de la construction des églises, en transférant les saintes reliques au sein des autels. Il est intéressant de noter qu’un passage de la Bible fait une allusion prophétique à cet usage :
Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui furent égorgés à cause de la parole de Dieu et du témoignage qu’ils avaient porté. (Ap 6,9)
En ce sens, la pratique consistant à placer des reliques sous l’autel est éminemment biblique. Son but n’est pas de nous décentrer du culte que nous vouons au Christ et à son sacrifice au Calvaire, mais de nous rappeler que nous sommes appelés à suivre son exemple. Nicolas Gihr développe cette symbolique et explique la portée spirituelle d’une messe célébrée sur des reliques de saints :
Le dépôt des reliques des martyrs dans l’autel […] renferme une signification profonde. Ceux qui ont versé glorieusement leur sang pour Jésus Christ doivent reposer au pied de l’autel sur lequel est offert le sacrifice eucharistique. C’est là en effet qu’ils ont puisé la force de subir le martyre. La présence des reliques des saints martyrs dans ou sous l’autel rappelle leur union intime avec l’Agneau de Dieu, telle qu’elle se montra dans les tourments endurés par eux, telle qu’elle existe dans le ciel.
Après avoir découvert les restes des saints Gervais et Protais, saint Ambroise les déposa sous l’autel. Dans un discours plein d’enthousiasme, il disait à son peuple […] : “Ces victimes triomphales ont leur place marquée là où se trouve Jésus Christ, l’hostie pure. Il est sur l’autel, car Il a souffert pour tous les hommes ; elles sont sous l’autel, parce qu’elles ont été rachetées par sa Passion. Les saint martyrs ont droit à ce lieu de repos.”
Il ne s’agit pas ici d’adorer les saints au même titre que Dieu, mais d’un rappel fort des paroles adressées par Jésus à ses disciples : “Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.” (Mt 16,24) Par une vie de sacrifices, un jour nous pourrons rejoindre les saints du ciel, “ceux qui viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau.” (Ap 7,14)