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Crise de couple : et si c’était une chance ?

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By lissa93 | Shutterstock

Paul Habsburg - publié le 21/06/20 - mis à jour le 21/03/22

Dans la vie de couple, derrière un beau sourire, il y a parfois des situations fragiles, voire désespérées... Elles sont le fruit d'un certain aveuglement, du glissement vers un certain égoïsme qui cherche son propre plaisir. On y tombe tous régulièrement. Mais ces crises sont-elles uniquement mauvaises ?

Parfois, pour reprendre cette fameuse citation de Paul Claudel, Dieu écrit droit avec nos pauvres lignes courbes… Il y a quelques années, je cherchais un couple « top » pour faire un exposé sur les extraits de l’encyclique Amoris Laetitia dont Grandir dans la charité conjugale, ce passage sublime du pape François. J’ai alors envoyé un mail à Benoît et Stéphanie – mariés depuis sept ans – pour leur proposer ce challenge. Le même soir, Benoît m’appelait pour me dire qu’à ce moment, ça n’allait pas du tout dans leur couple… Benoît était dans une espèce de nuit depuis environ deux ans. Il était de plus en plus agacé par les défauts ou les différences de sa femme. Il ne voyait plus très clair, il doutait même d’avoir épousé la bonne personne. Bref, tout l’énervait, il se sentait pris dans une spirale de désarroi. Je vais tout de suite vous rassurer : aujourd’hui ils vont bien, même très bien ! Essayons donc de comprendre le problème que Benoît et Stéphanie ont vécu, et cherchons à retracer les pas qu’ils ont suivi sur leur chemin vers une nouvelle lumière, vers un nouvel amour.

Derrière un beau sourire, on est souvent surpris de découvrir des situations bien fragiles, voire désespérées, et même depuis des années. Sans prétendre trouver un dénominateur commun à toutes les crises de couple, il y a quand même des ressemblances…

Bien évidemment, cette histoire n’est pas un cas unique. Derrière un beau sourire, on est souvent surpris de découvrir des situations fragiles, voire désespérées, et même depuis des années. Sans prétendre trouver un dénominateur commun à toutes les crises de couple, il y a quand même des ressemblances qui peuvent nous éclairer. Bien sûr, il peut y avoir des crises engendrées par des négligences permanentes ou même des erreurs graves dans la façon de gérer le couple.

Mais il peut y avoir aussi ce que le pape François appelle des crises communes « qui se produisent généralement dans tous les couples, comme la crise des débuts, lorsqu’il faut apprendre à rendre compatibles les différences et à se détacher des parents ; ou la crise de l’arrivée de l’enfant, avec ses nouveaux défis émotionnels ; la crise de l’allaitement, qui change les habitudes du couple ; la crise de l’adolescence de l’enfant, qui exige beaucoup d’énergie, déstabilise les parents et parfois les oppose l’un à l’autre ; la crise du “nid vide”, qui oblige le couple à se regarder de nouveau lui-même ; la crise qui a son origine dans la vieillesse des parents des conjoints, qui demandent plus de présence, de soins et de décisions difficiles. Ce sont des situations exigeantes, qui provoquent des peurs, des sentiments de culpabilité, des dépressions ou des fatigues pouvant affecter gravement l’union » (Amoris Laetitia, 235).

L’homme a été créé pour vivre avec Dieu. Alors forcément, tout ce qui est inachevé ou fragile peut provoquer en lui des insatisfactions auxquelles il accorde une charge émotionnelle trop grande.

En plus des souffrances presque normales, causées par les étapes de la vie, des frustrations de nos sensibilités humaines s’ajoutent. L’homme a été créé pour vivre avec Dieu. Alors forcément, tout ce qui est inachevé ou fragile peut provoquer en lui des insatisfactions auxquelles il accorde une charge émotionnelle trop grande. Par exemple, comme l’explique le pape François, “la sensation de ne pas recevoir complètement la pareille, les jalousies, les différences qui surgissent entre les deux, l’attraction qu’éveillent d’autres personnes, les nouveaux intérêts qui tendent à accaparer le cœur, les changements physiques du conjoint, et tant d’autres choses qui, plus que des atteintes à l’amour, sont des opportunités qui invitent à le recréer une fois de plus » (Amoris Laetitia 237).

L’histoire de Benoît et Stéphanie se situe plutôt dans ce type des crises liées aux insatisfactions. Elles sont souvent le fruit d’un certain aveuglement, du glissement vers un certain égoïsme qui cherche son propre plaisir. On y tombe tous régulièrement.

Pour un chrétien, et plus encore pour un couple chrétien, le but principal de la vie n’est pas le bonheur, mais d’apprendre à aimer et à servir. Tout baptisé accueille cette vocation inscrite dans son corps, son esprit et son âme.

Ces crises sont-elles uniquement mauvaises ? Si le but de notre vie était simplement le bonheur, alors effectivement ces crises ne seraient pas plus qu’un mal à éviter. Si Dieu n’était pas devenu homme pour nous offrir la bonne nouvelle, pour nous expliquer la vie, pour donner du sens à nos lieux de ténèbres, et même habiter les lieux de souffrances, alors une crise serait insupportable. Mais pour un chrétien, et plus encore pour un couple chrétien, le but principal de la vie n’est pas le bonheur, mais d’apprendre à aimer et à servir. Tout baptisé accueille cette vocation. Il la trouve inscrite dans son corps, son esprit et son âme.

Et les couples en font même une promesse formelle, par laquelle ils se consacrent à devenir des professionnels dans l’art d’aimer, à vouloir rendre présent sur la terre l’amour vrai, l’amour du ciel, au moins du mieux possible. Alors, ces moments de crise ne seraient-ils pas précisément des lieux pour choisir un plus grand amour, des phases nécessaires pour mûrir, pour aller vers la plénitude de notre vocation à devenir un don pour les autres ?

Vous savez probablement que le mot crise vient du grec, krinein, qui veut dire séparer, discerner, décider ! Un moment de crise, c’est un temps pour réfléchir, pour discerner et pour poser un nouveau choix. Au milieu de sa nuit, Benoît avait besoin exactement de cela : renouveler son choix, purifier le regard sur sa femme, retrouver la vérité de l’amour qui n’est pas la propre satisfaction, mais l’accueil et le don de soi. Dans la théologie du corps, le pape Jean Paul II précise :

« La vérité de l’amour des époux (…) trouve sa confirmation, non pas dans les paroles exprimées par le langage du transport amoureux (…), mais bien dans les options et dans les actes qui assument tout le poids de l’existence humaine dans leur union à tous les deux. (…) L’amour soutenu par la prière se révèle plus fort que la mort » (Audience du 27/09/1884).

Ma naïve demande à Benoît de m’aider à la préparation de mon exposé lui a donné la possibilité de s’arrêter, d’aller au cœur de son problème et de créer un espace de discernement. Il a tout de suite compris que cette demande était un clin d’œil du ciel. Avec Stéphanie, ils se sont mis à travailler ces passages d’Amoris Laetitia qui, m’ont-ils dits, avaient été écrits « pile-poil pour eux » ! Benoît à décidé de redonner la première place à sa femme, et de s’approcher de Dieu. Aujourd’hui, chaque fois qu’il vit une petite nuit, il pense à celle qui a duré deux ans, et qui est devenue pour son couple un lieu de rencontre intime et totalement inattendu avec le Sauveur. C’est aussi cette nuit qui marque le début d’une nouvelle étape à deux, un nouveau baptême. Elle est devenue pour eux un lieu de lumière, un rempart pour les crises futures

Quand les époux vivent une nuit de l’esprit ou des sens, ils incarnent alors la continuité de l’espérance vécue par le Christ au milieu de sa nuit de Gethsémani…

Un dernier mot : par le sacrement du mariage, les couples assument l’incroyable mission de rendre présent sur la terre l’amour de Jésus, l’amour qui est vrai, pur et qui est don-de-soi. Ils se consacrent à donner la continuation à l’amour du Sauveur. Alors je me dis la chose suivante : quand un couple vit une situation de crise, une nuit de l’esprit ou des sens, si à ce moment les époux renouvellent leur confiance en un Dieu qui ne les abandonne pas, s’ils renouvellent leur choix de fidélité l’un envers l’autre, ils incarnent alors la continuité de l’espérance vécue par le Christ au milieu de sa nuit de Gethsémani… Ainsi, ils remplissent les nuits de ce monde avec l’espérance, avec le oui plein de tendresse de Jésus. Dans votre prochain moment de nuit, je voudrais vous inviter à ouvrir l’évangile de Saint Mathieu (26,36-46), à vous asseoir à coté de Jésus et à accueillir sa persévérance, son espérance et sa fidélité. Et vous verrez, c’est son oui qui va vous guérir, c’est lui qui va transformer votre nuit en un lieu d’une nouvelle lumière, d’un nouveau début.

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