D’habitude, le Tour de France marque le temps des vacances et offre en juillet trois semaines de balades dans les terroirs français. 2020 étant une année extraordinaire sur bien des points, le Tour n’initie pas les vacances mais la rentrée. Cette course cycliste a survécu aux guerres, aux scandales, aux évolutions des goûts et de la société en accroissant une popularité sans égal. Les 24 heures du Mans ont perdu de leur superbe dans l’imaginaire collectif, l’engouement pour le football date des années 1960, le rallye Monte-Carlo ne passionne plus les foules tandis que le Tour concentre encore la gloire près de cent-vingt ans ans après son lancement. Il a réussi l’improbable : réunir à la fois les passionnés de cyclisme qui suivent toute la saison et les amateurs uniques de la course qui ne s’intéressent au vélo que durant les trois semaines de l’été.
D’où vient cette alchimie du Tour ? De la difficulté de l’épreuve, de l’imprévisibilité d’une course qui est tout à la fois un sport de combat et un sport d’équipe.
Typiquement français, sa renommée et son intérêt s’étendent bien au-delà de la France et de l’Europe, comme le montre l’an dernier l’engouement des Colombiens pour la victoire d’Egan Bernal. Et alors qu’aucun Français n’a gagné la course depuis 1985, la passion est toujours là pour une épreuve qui rassemble des milliers de spectateurs sur les bords de la route et qui est retransmise dans 190 pays.
Tragédie en direct
D’où vient cette alchimie du Tour ? De la difficulté de l’épreuve, de l’imprévisibilité d’une course qui est tout à la fois un sport de combat et un sport d’équipe. Écrite sur trois semaines, chaque saison est un drame théâtral avec ses rebondissements et ses péripéties.
Le Tour est une tragédie qui se déroule en direct, dont les acteurs sont à la fois des chevaliers et des gladiateurs et dont la scène est le théâtre changeant des paysages et des régions de France.
On se souvient l’année dernière de la blessure de Thibaut Pinot alors qu’il était en lice pour la victoire finale et de cette coulée de boue qui a contraint les organisateurs à stopper l’étape. Le Tour est une tragédie qui se déroule en direct, dont les acteurs sont à la fois des chevaliers et des gladiateurs et dont la scène est le théâtre changeant des paysages et des régions de France. C’est l’unique épreuve sportive, avec quelques grandes courses automobiles, racontée par les arts : le cinéma, la bande dessinée, la peinture et surtout la littérature.
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Le Tour se raconte par la parole et par les lettres et des chroniques sportives banales peuvent devenir des morceaux d’anthologie, comme le faisait Antoine Blondin dans L’Équipe. À la radio comme à la télévision, l’art de commenter le Tour est un art d’orateur qui nécessite une connaissance aiguë du cyclisme et un amour des coureurs et de l’épreuve. Robert Chapatte dans les années 1970-1990 et Jean-Paul Ollivier dans les années 1990-2010 symbolisent cette passion journalistique faite art.
Une leçon de sport et de politique
Les générations s’associent et se suivent dans un mélange de nostalgie et de joie de la nouveauté. Chaque décennie a ses champions qui marquent autant les enfants que les adultes. Là réside une partie du succès du Tour de France : être un ferment d’union entre les générations qui permet de rassembler beaucoup de jeunes sur les routes du Tour comme d’unir la France rurale et la France des villes.
C’est aussi une leçon sur les rapports complexes entre le local et le global : le Tour est une course typiquement française qui met en valeur ses terroirs, ses villages, son histoire et qui, parce qu’elle est fidèle à son ancrage local, est capable de s’ouvrir à l’Europe par des incursions dans les pays frontaliers et de plaire à des amateurs d’outre-mer. Le Tour est une leçon de sport et de géopolitique : pour réussir son ouverture à la mondialisation, il faut être enraciné dans une histoire et une géographie assumée. Avec le Tour, le jaune n’est plus la couleur du traître et du parjure, mais celle du vainqueur des rêves d’enfance. Ce n’est pas le moindre de ses succès.
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