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Séparatisme : les cinq points clefs du projet de loi… et les conséquences qu’ils pourraient emporter

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Ian LANGSDON / POOL / AFP

Emmanuel Macron en visite dans une école de Poissy, le 5 mai 2020.

Agnès Pinard Legry - publié le 06/10/20

Annoncé dans les grandes lignes vendredi 2 octobre par Emmanuel Macron, un projet de loi visant à lutter contre le séparatisme et à renforcer la laïcité doit être présenté le 9 décembre en Conseil des ministres.

C’est un texte attendu autant que redouté. Lors d’un déplacement aux Mureaux (Ile-de-France) vendredi 2 octobre, Emmanuel Macron a prononcé un discours dans lequel il a exhorté au “réveil républicain” face au “séparatisme islamiste”. Au cours de son intervention, il a balayé les grands axes d’un projet de loi qui sera présenté en Conseil des ministres le 9 décembre prochain, “115 ans après l’adoption définitive de la loi de 1905”, et qui visera, dit-il, “à renforcer la laïcité, à consolider les principes républicains”.

Initialement présenté comme un projet de loi “destiné à lutter contre le séparatisme”, il devrait finalement être renommé “projet de loi renforçant la laïcité et les principes républicains”, a indiqué ce mardi 6 octobre Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, sur Radio Classique. “L’idée était bien de lutter contre le séparatisme principal qu’est l’islam radical, mais ce n’est pas le seul objet du texte qui s’adresse à tous les cultes, contre tous les mouvements sectaires, impose la neutralité politique et religieuse”, a-t-il précisé. Les autres religions, dont l’Église catholique, vont donc bien être concernées par ce projet de loi.

Modification de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État

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Lorsque la loi de 1905 a été votée, “l’islam n’était pas une religion si présente dans notre pays”, a rappelé le président de la République lors de son discours. Alors qu’elle s’est beaucoup développée en France ces dernières années, “nous sommes face à une réalité dont l’organisation ne correspond pas à nos propres méthodes, à nos propres truchements”. Les interlocuteurs s’exprimant aujourd’hui sur le volet de l’islam n’assumant pas une vraie responsabilité cultuelle, “il est très difficile pour le ministre en charge des cultes, des préfets, des maires, de savoir à qui ils parlent lorsqu’ils veulent pouvoir évoquer les sujets qui relèvent du culte et ont un impact sur notre vie en société et parfois sur l’ordre public”.

Pour suivre cette évolution de la société la loi doit, elle aussi, évoluer. Les deux premiers articles de la loi de 1905, « socle de la laïcité en France », ne devraient pas être modifiés, a avancé Gérald Darmanin lors de son passage sur Radio Classique ce mardi. Il est bon de rappeler également que depuis son adoption en 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État a déjà connu une quinzaine de toilettages.


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L’instruction à l’école obligatoire dès l’âge de 3 ans

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“L’école, c’est le creuset républicain. C’est ce qui fait qu’on protège nos enfants de manière complète par rapport à tout signe religieux, à la religion”, a lancé Emmanuel Macron. “C’est vraiment le cœur de l’espace de la laïcité, et c’est ce lieu où nous formons les consciences pour que les enfants deviennent des citoyens libres, rationnels, pouvant choisir leur vie.” Pour éviter, d’après ses mots, ‘toutes dérives’, il a annoncé que dès la rentrée 2021 l’instruction à l’école sera rendue obligatoire pour tous dès l’âge de 3 ans. L’objectif de la loi que présente Emmanuel Macron est d’éviter les dérives observées dans certaines communautés islamistes extrémistes, qui tendent à déscolariser les enfants au profit de structures “nullement déclarées”, dans lesquelles l’enseignement se réduit à quelques cours et des prières, creuset d’une radicalisation religieuse. Mais une telle mesure interroge. Qu’en est-il de la liberté d’enseignement, donnant aux parents la liberté de choisir le mode d’enseignement qu’ils souhaitent pour leur enfant : dans un établissement public, privé sous contrat, privé hors contrat ou à domicile, comme le prévoit l’article L131-2 du Code de l’Education ?




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Une réforme du régime des cultes

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Pascal Deloche / Godong

Célébration de la messe de Pâques a la collégiale Saint-Jacques de Sallanches.

Lutter contre l’islam radical, c’est “libérer l’islam en France des influences étrangères”, a avancé Emmanuel Macron. Avant toute chose, il convient de rappeler que les associations cultuelles de la loi de 1905 sont, avant tout, des associations de la loi de 1901 dont la loi de 1905 précise certaines règles de fonctionnement et en particulier restreint leur objet à assurer les conditions matérielles d’exercice du culte. Les structures musulmanes choisissent généralement de n’être régies que par un statut obéissant à la seule loi de 1901 sur les associations (les structures de l’Église catholique sont déjà constituées en associations loi 1905, ndlr). Pointant encore les dérives de l’islam radical, Emmanuel Macron rappelle : “Beaucoup de structures passaient par la loi de 1901 pour financer des activités cultuelles et avec beaucoup d’opacité. Des structures qu’on voyait arriver, on en a vu arriver tellement sur nos territoires dont nous découvrions qu’elles avaient été financées par telle fondation, parfois tel État étranger, tels intérêts, sans beaucoup de transparence”. Pour lutter contre, le projet de loi prévoit de “répliquer pour toutes les associations cultuelles qui se sont inscrites dans le cadre de la loi de 1901, les contraintes qui existaient dans le cadre de la loi de 1905, sans les avantages fiscaux de la loi de 1905 ». Une évolution qui devrait permettre de mettre fin à « un système d’opacité”.

Un contrôle renforcée des associations subventionnées

SECOURS CATHOLIQUE
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Des bénévoles de la Conférence Saint-Vincent de Paul et de l'association Août Secours Alimentaire (ASA) préparent les denrées alimentaires à distribuer à des familles démunies au gymnase de l'école Saint Joseph à Pantin, le 22 août 2015.

“Nous allons renforcer les contrôles, mettre dans la loi les principes en vertu desquels il sera permis de dissoudre les associations et assumer que, en vertu de nos principes républicains et sans attendre que ce soit le pire, on puisse dissoudre des associations dont il est établi qu’elles portent ces messages, qu’elles contreviennent à nos lois et nos principes”, a assuré le président de la République. Et avant la dissolution, il y a le financement. Toute association sollicitant une subvention auprès de l’État ou d’une collectivité territoriale devra ainsi “signer un contrat de respect des valeurs de la République et des exigences minimales de la vie en société, pour reprendre la formule du Conseil constitutionnel”, a révélé Emmanuel Macron. “Si le contrat est rompu, ses responsables devront rembourser car il est nécessaire que l’argent public ne serve pas à financer les séparatistes”. Prenant l’exemple d’associations sportives ayant signé des chartes de laïcité, il espère développer ce modèle pour l’ensemble des associations subventionnées.

Dans un entretien accordé à La Croix, Gérald Darmanin précise la nature de cette disposition : “Toute association qui demande des aides, remplit un document administratif Cerfa. Demain, il y aura une disposition l’engageant à respecter les valeurs de la république et les exigences minimales de la vie en société. Un décret détaillera ces exigences. J’ai promis que ce décret serait écrit en concertation avec les organisations cultuelles ou philosophiques avant d’être soumis au Conseil d’État”. La rédaction des décrets nécessite toujours une grande vigilance. “Ne pourront plus être subventionnés des organismes qui font la promotion de l’inégalité entre les femmes et les hommes, tiennent des propos racistes ou antisémites, imposent la prière”, reprend le ministre. “Une association qui sous couvert d’activités sportives fait du prosélytisme agressif peut actuellement recevoir des subventions d’une municipalité. Le préfet ne peut imposer au maire l’arrêt de la subvention”. Certes. Mais qu’en est-il des associations confessionnelles telles que les mouvements scouts, le Secours catholique ou encore la Société de Saint-Vincent-de-Paul ? “Les associations de jeunesse, comme les scouts, ou d’autres comme le Secours catholique ne sont pas concernées. On souhaite simplement distinguer le cultuel du culturel”, assure Gérald Darmanin. Un argumentaire somme toute assez faible qui a de quoi inquiéter.

Neutralité du service public

Homme dans le métro
Halfpoint - Shutterstock

Emmanuel Macron a assuré qu’au sein de nombreux services publics exercés par des entreprises, en particulier les transports en commun, des dérives se sont multipliées ces dernières années “Elles choquent et souvent elles sont constatées avec une forme d’impuissance parce qu’il y a un contournement de la loi”, a-t-il assuré. “Des contrôleurs qui refusent à des femmes l’accès aux bus en raison de leur tenue – pour être très clair parce qu’elles n’ont pas une tenue qu’ils considèrent eux-mêmes comme décente ; des demandes de port de signes ostentatoires d’agents, certes de délégataires privés mais d’agents qui exercent des services délégués par la commune, par le département, par l’Etat ; et donc qui portent ces signes dans le cadre de leurs missions. Des phénomènes de radicalisation poussés qui progressent – nous avons ainsi, ces derniers mois, été amenés à suivre avec beaucoup plus d’attention plus de 80 personnes travaillant dans les services de Roissy Charles de Gaulle”, a-t-il illustré. Afin de mettre fin à ces dérives, ce projet loi prévoit que l’obligation de neutralité sera applicable aux agents publics dans le cadre de leur action mais, surtout, “elle sera étendue aux salariés des entreprises délégataires ce qui n’était pas clairement le cas jusqu’alors”.

Tags:
FranceLaïcitéReligions
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