En décembre 2013, une mère porteuse ukrainienne donne naissance à des jumelles pour un couple danois. À l’arrivée des bébés au Danemark, l’homme est reconnu comme père biologique par les autorités administratives. Son épouse, sans lien biologique, doit passer par une procédure d’adoption des enfants de son conjoint. Rejetée une première fois par la Haute Cour en juin 2019, sa demande vient d’être également refusée par la Cour suprême danoise, le 16 novembre dernier. En effet, l’adoption est impossible lorsque la femme qui a accouché est rémunérée.
Pas d’adoption s’il y a eu un paiement
La première phrase de l’article 15 de la loi danoise sur l’adoption indique effectivement qu’il est « absolument interdit d’accorder un agrément d’adoption si toute personne impliquée dans l’adoption a fourni ou reçu un paiement ». Comme l’ont rappelé les juges de la Cour suprême, cette loi « vise à garantir que les enfants ne soient pas traités comme des objets que l’on peut acheter et payer ».
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Or la clinique de fertilité a facturé la prestation 32.000 euros et le couple a versé en plus 200 euros par mois à la mère porteuse. Lors d’une audition, le couple danois a même expliqué que la mère ukrainienne a acheté un appartement grâce au contrat. Par conséquent, les juges estiment que « le couple a payé le consentement à l’adoption » de la femme qui a accouché. « La convention internationale de la Haye interdit de reconnaître les adoptions lorsque le consentement des parents d’origine a été obtenu moyennant finance », rappelle Aude Mirkovic, juriste, spécialiste en droit de la famille, et porte-parole de l’association Juristes pour l’Enfance. Elle ajoute que « le fait que l’homme soit le père biologique ne lui permet pas d’acheter l’abandon de l’enfant par la mère de naissance ».
Conception programmée, abandon acheté
Conséquence de cet imbroglio : selon la loi danoise, l’épouse n’est pas la mère des jumeaux, et selon la loi ukrainienne, la mère porteuse ne l’est pas non plus. Une situation ubuesque créée de toutes pièces : la conception de l’enfant a été programmée dans l’unique but d’acheter à la mère l’abandon de son enfant. Filiation brouillée, l’enfant ne peut plus connaître sa mère. Qu’en est-il de l’intérêt supérieur de l’enfant ? La décision de la Cour suprême est-elle contraire à ce principe ? « Non, répond Aude Mirkovic, car la justice lui envoie ce message : ce que tu as subi n’est pas normal, nous ne cautionnons pas. » Une telle décision étant de nature à dissuader les Danois d’aller commanditer des GPA en Ukraine, les juges danois estiment plus sage de garantir l’intérêt supérieur du plus grand nombre, en « protégeant les enfants contre le commerce » et en « décourageant l’exploitation des femmes vulnérables ».
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