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En 2021, guérissons le corps social

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Jason Whitman | Shutterstock

Pierre Vivarès - publié le 01/01/21

Les corps meurtris durant l’année 2020 n’ont pas simplement besoin de guérir dans leur fonctionnement pour être en pleine santé. Il y a plus grand que les corps visibles, qu’ils soient individuels ou sociaux : il y a les relations que ces corps portent.

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Cette année 2020 s’achève : ouf ! et bonne année 2021 ! Ce n’est qu’un chiffre et les problèmes demeurent toujours mais ces changements de date donnent l’occasion de relire ce que nous avons vécu et de méditer tous ces événements dans notre cœur, comme le fait la Vierge Marie (Lc 2, 19). Il me semble que cette année 2020 aura été l’année du corps. C’est le corps — physique, social ou ecclésial — qui a occupé nos esprits, nos débats, nos luttes parfois, nos espoirs, nos joies et nos tristesses. C’est en partant de ces corps, de ce qu’ils sont et ce qu’ils permettent que nous pourrons reconstruire ce qui a été abîmé par cette année.

Plus grand que le corps physique

Le premier corps en question est notre corps physique, ce corps fragile qu’il a fallu soigner ou protéger, le corps des autres dont il a fallu prendre soin, guérir ou enterrer. La pandémie a posé toutes les questions sur le soin des personnes malades, sur les hôpitaux, le personnel de santé en tension, les moyens matériels nécessaires pour accueillir, diagnostiquer, soigner ou sauver les malades. Notre condition mortelle s’est brusquement et massivement rappelée à nous. L’essentiel de notre présence au monde via ce corps vivant a été touché et a posé à nos sociétés la question du soin face à la carence des hôpitaux, le manque de personnel ou la fatigue du personnel en milieu hospitalier et en Ehpad.

Les malades ou les personnes âgées, souvent relégués dans des lieux spécialisés hors de portée de nos vies quotidiennes, se sont retrouvés au centre de l’attention, des médias, du fait politique et économique. Une des grâces de Lourdes est que le malade est au centre : il n’est pas à côté, toléré, mais au cœur de l’accueil du sanctuaire marial. Nous aurions pu espérer que notre pays devienne un grand Lourdes à l’occasion de cette pandémie mais il n’en fut rien parce que nous n’avons considéré que le corps physique et non la personne et tous ses besoins relationnels, contrairement à ce que nous vivons à Lourdes.

Il y a plus grand que le corps physique : il y a toutes les relations que ce corps porte.

Une des grandes souffrances du premier confinement fut cette impossibilité pour les familles d’accompagner leurs proches mourants, de les voir, de leur dire au revoir. Ce fut aussi la difficulté pour les aumôneries d’hôpitaux d’assurer leur présence auprès des malades et des mourants. Ce furent les cercueils fermés sans pouvoir regarder une dernière fois l’être aimé, les célébrations religieuses limitées ou empêchées, tous les rites de la mort autour du corps qui furent contraints. Nous avons limité la vie à un corps physique et ce fut une erreur. Il y a plus grand que le corps physique : il y a toutes les relations que ce corps porte. Ce furent toutes les souffrances des personnes âgées que l’on ne pouvait plus visiter et qui se sont laissé mourir de tristesse et d’isolement. Ce furent toutes ces personnes déjà isolées qui le furent encore plus en raison des confinements et couvre-feu.

Des relations sociales abîmées

Le deuxième corps qui a été abîmé est le corps social : les personnes ont été traitées comme des individus et non des personnes en relation. Nos relations humaines nous constituent autant que notre corps physique. Un corps, c’est ce qui nous permet d’aimer : ce sont des yeux qui pétillent, des mains qui servent, des bras qui enlacent, des sourires donnés et reçus. La distanciation physique, l’absence de poignées de mains et d’embrassades, la peur de l’autre et les masques ont abîmé nos relations humaines. Les lieux de vie où l’on se retrouve, on s’invite, on échange, on partage, les réunions de travail, les échanges informels en entreprise ou dans les associations ont été empêchés.



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Ce corps social a été abîmé et le télétravail, dont on constate chaque jour un peu plus les limites, a isolé les gens et a limité la créativité. Un corps social peut mourir, comme peut mourir le corps physique, et si ce corps social est malade il faut le soigner et pas simplement en injectant de l’argent dans l’économie mais en recréant les conditions des rencontres. Dans ce corps social il y a eu aussi l’abandon pur et simple de la culture avec tous les débats sur ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas prendre de mesures pour protéger ou restreindre les contaminations mais il va vraiment falloir se poser la question de la place de la culture dans notre société comme un élément essentiel à la construction de notre corps social, à son bien-être, à sa créativité et à son ressourcement.

Le corps de l’Église

Le troisième corps abîmé a été le corps ecclésial : beaucoup ont développé d’abord et avant tout des trésors de générosité et d’imagination pour venir en aide aux plus fragiles qui étaient laissés sur le côté pendant les confinements et c’est tout à l’honneur des chrétiens de notre pays. Beaucoup se sont mobilisés aussi pour garder le lien de la prière et des célébrations afin de conserver, avec les moyens contemporains, cette communion des fidèles entre eux malgré l’éloignement. Mais cette communion ecclésiale passe elle aussi par le corps : le christianisme n’est pas un héritage que l’on conserve dans son esprit mais la célébration de Jésus Christ en Église. Pour célébrer, il faut être physiquement présent, proche de nos frères et sœurs croyants.

Trois recours au conseil d’État ont été déposés cette année dont deux gagnés pour la liberté de culte. Ce n’était pas de la quérulence judiciaire mais la conscience vive que la religion ne peut être vécue sans relation : Dieu lui-même se fait corps en Jésus Christ pour être en relation avec son peuple. Ce corps toujours présent est aujourd’hui le corps eucharistique célébré chaque jour dans nos églises, corps dont nous avons aussi été privés qui rejoignait le corps du malade que l’on ne pouvait pas visiter. Puissent les chrétiens prendre conscience que notre adhésion au christianisme n’est pas l’adhésion à des valeurs intellectuelles ou morales mais la célébration communautaire, en Église, en étant physiquement présent au corps de Jésus ressuscité. Séparer la foi et la pratique c’est opposer l’âme et le corps, c’est faire mourir le corps et l’âme de l’Église, corps des croyants rassemblés par la parole de Dieu.


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Cette pandémie nous dit que rien ne remplacera notre présence physique, corporelle, pour entrer en relation véritablement avec l’autre. Ce n’est pas mépris de la technologie mais vouloir aimer sans se rendre présent, physiquement, corporellement à l’autre, qu’il soit Dieu ou homme, que l’on soit Dieu ou homme, n’est pas possible. Je ne peux pas dire que j’aime les pauvres si je ne me rends pas physiquement auprès d’eux. Je ne peux pas dire que j’aime mes parents âgés si je ne les visite pas physiquement. Je ne peux pas dire que j’aime une personne sans jamais prendre les moyens de la voir. Je ne peux pas dire que j’aime Dieu si je ne Le célèbre pas en étant physiquement présent au sein de son peuple rassemblé.

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corpsCovid
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