Que nous arrive-t-il ? Il y a un an, il ne se passait rien, ou presque : les vacances de février battaient leur plein. Les plus chanceux partaient pour les pistes de ski ou des voyages lointains. Mais chacun était bien persuadé que le monde était sur sa lancée. Et bien peu s’interrogeaient alors à haute voix sur le rythme et la finalité de celle-ci. Il y a onze mois, après la sidération de voir que le virus chinois devenait mondial, les querelles se succédèrent : sur les masques, sur les règles de confinement, sur les masques, sur les Ehpads, sur les masques, sur les blouses, sur les masques encore…
“Tout, tout de suite”
Et puis les vaccins firent leur apparition au moment où l’été s’achevait et ce qui était annoncé comme le second confinement commençait. On s’aperçut alors qu’il s’agissait en fait du deuxième, tout en découvrant dans le même élan les variants qui évoquaient des voyages que nous ne pouvions plus faire : Angleterre, Brésil, Afrique du Sud… Les querelles reprirent autour des vaccins, de leur efficacité, de leur disponibilité, de leur répartition, des seringues, des mains qui les maniaient, des épaules qui les recevaient… Et tout cela en un an !
Nous ne supportons pas l’attente et nous en repoussons l’idée même.
Nous avons vécu cette succession frénétique d’évènements en à peine douze mois. Et nous continuons de nous impatienter. Sommes-nous devenus fous ou d’indécrottables capricieux ? Sans doute sourient-ils, nos voisins africains, de nous entendre hurler ainsi et protester avec virulence sur les incertitudes qui planent autour de nos élixirs distillés à coups de milliards, eux qui attendent depuis toujours que l’on daigne développer des campagnes de prévention et de soin à la hauteur contre le paludisme par exemple. Le “tout, tout de suite” qui est la marque de fabrique de notre civilisation ultra-technologique ne peut que nous mener à une impasse. Figés dans une crise de nerfs permanente, dans une sensibilité d’écorchés vifs, nous ne supportons pas l’attente et nous en repoussons l’idée même.
Une chance qui nous est donnée
Pas de chance ! Nous voici ramenés par le calendrier liturgique à un jeûne de quarantaine. Ce carême qui débute est une chance qui nous est donnée : comprendre que la seule impatience qui soit digne de notre foi, est celle d’ouvrir davantage nos vies à Dieu. En nous abandonnant absolument à sa Providence tout en coopérant de toutes nos forces à son œuvre. Jeûnons de nos recherches à tous crins de boucs émissaires et regardons ce qui doit en urgence être convertis en nos vies. Acceptons, enfin, d’engager nos existences dans cette foi que nous annonçons sans en attendre ni reconnaissance ni estime de quiconque, car nous savons que le Bien semé portera du fruit.
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Renonçons au monde d’avant pour découvrir ainsi la manière dont le Christ nous invite à construire le monde d’aujourd’hui. Dans bien des récits fondateurs, celui qui regarde en arrière est condamné à mort, ou se fige en statue : c’est le risque, au sens propre, que nous courons si nous continuons à vivre et à revendiquer à tue-tête nos modes de vie d’il y a un an. Si nous refusons de remplir notre mission prophétique, nous devenons comme ce sel qui n’a plus de goût et dont l’Évangile dit qu’il n’est bon qu’à être foulé aux pieds. Oui, il est grand temps d’accepter de marcher dans ce désert où nous presse Celui qui veut y faire alliance avec chacun de nous. Alors que l’Eglise fête la saint Valentin le 14 février, il est bon de chercher à ouvrir nos vies pour de bon à Son Amour, qui est la seule urgence qui doit mobiliser tous nos désirs et toutes nos énergies.
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