“Est-ce que ce bébé, il peut mourir, lui aussi ?” Enceinte de trois mois, Christine, 36 ans, n’arrive pas éloigner cette question qui revient sans cesse, même si cette fois, tout à l’air bien parti pour sa nouvelle grossesse. Seulement, après sa fausse couche vécue il n’y a pas longtemps, elle se sent incapable de vaincre son angoisse. Christine s’en souvient très bien : c’était un samedi soir, dans une salle d’examen des urgences gynécologiques. Enceinte de huit semaines, quelques heures plutôt dans la journée, elle était prise de terribles douleurs. Et voilà, cette nuit là, à l’hôpital, son bébé, cette petite vie en elle, s’en est allée : “J’ai compris que non, ça n’arrive pas qu’aux autres et que c’est très dur à vivre. Depuis, j’ai peur de perdre à nouveau mon bébé…”, confie-t-elle à Aleteia.
Comme Christine, nombreuses sont les femmes qui subissent une fausse couche : en France, 15% des grossesses se soldent par une fausse couche dès les premières semaines. Les plus précoces passent souvent inaperçues, car les femmes n’étaient pas au courant de leur grossesse. Si ces fausses couches se répètent pour seulement 1% des femmes, pour beaucoup, il est difficile de surmonter réellement la peur de revivre à nouveau la perte du bébé. “La perte de l’enfant à naître est une réalité qui entraîne chez certaines femmes des souffrances très profondes qui ne trouvent pas toujours le lieu pour s’exprimer, reconnaît Corinne Charoy, psychologue clinicienne et psychothérapeute. Cette douleur peut-être d’autant plus dommageable psychiquement qu’elle est souvent banalisée par les médecins et l’entourage. Pourtant, il s’agit d’une vraie grossesse et d’une vraie vie”, insiste-elle. Alors pour pouvoir vivre sereinement une nouvelle grossesse, la femme doit d’abord faire le deuil de son bébé perdu.
Il est essentiel pour chaque femme qui fait une fausse couche de pouvoir exprimer sa douleur et libérer son chagrin. S’il est conseillé d’attendre trois cycles avant de tenter de retomber enceinte — le temps nécessaire à l’utérus de se régénérer — parfois c’est bien trop court. Comme pour Christine : « J’ai mis bien plus de temps pour me sentir prête. J’ai eu peur. En pensant à tout le travail qui m’était nécessaire pour traverser ce deuil de la fausse couche, je me suis sincèrement demandée si je trouverais les ressources pour me relever à nouveau de la perte d’un enfant”, confie-t-elle. Ce deuil passe aussi par les larmes. Quand on a envie de pleurer, il ne faut pas se retenir, mais au contraire laisser s’exprimer ses émotions.
“Fais-en vite un autre, tu oublieras”. Même si elle peut sembler de bon sens, cette petite phrase fait terriblement mal. Car il ne s’agit pas d’oublier et de remplacer ce bébé-là. Comme si une vie, même toute petite, pouvait être effacée par l’arrivée d’une autre. “Au final, c’est tout l’inverse : plus ce bébé que j’attends prend de place dans mon ventre, plus je pense à mon bébé du ciel, à celui qu’il aurait pu être, à ce qu’il aurait pu vivre et à ce que nous aurions pu partager”, reconnaît Christine. Comme l’explique Corinne Charoy, “le besoin de ne pas oublier le bébé mort est normal, mais attention au risque de l’idéaliser. Il faut lui donner une vraie place parmi d’autres enfants, mais pas une place spéciale. Ce bébé aurait été par moments désagréable et désobéissant comme les autres. L’idéaliser, c’est ne pas donner une vraie place au bébé qui va naître. Avec l’arrivée du bébé, on gardera le même berceau mais on renouvellera la layette. A chaque bébé, un nouveau nid !”, insiste-elle encore.
Tiraillées entre la culpabilité et un sentiment d’échec, certaines femmes peuvent se sentir seules et isolées alors que la parole s’avère souvent l’arme la plus efficace pour partager sa peine et ne pas la faire peser sur les naissances à venir. Pourquoi ne pas en parler avec sa mère, ou à des amies qui ont traversé la même épreuve ? Sans oublier les groupes de parole et le soutien d’un psychothérapeute. “Il est très important de rompre l’isolement et d’être entourée car le processus de cicatrisation requiert le regard des autres.
Les femmes ayant vécu une fausse couche reprochent souvent à leur conjoint de ne pas comprendre ce qu’elles ressentent. “Il est difficile pour un homme — désemparé par cette détresse devant laquelle il se sent impuissant — de se mettre à la place de sa femme”, explique la psychologue. Le deuil masculin n’est pas le même que le deuil féminin. Réhabiliter le deuil du père est essentiel pour que la femme ne se sente pas seule. Ainsi, l’épreuve de la fausse couche vécue à deux peut permettre au couple de se renforcer, s’épauler et s’appuyer mutuellement pour accueillir la nouvelle grossesse. Le regard de l’autre enclenche le travail de cicatrisation. Pour surmonter la peur de refaire une fausse couche, il est important de remettre l’enfant à naître à Dieu. Dieu est à l’écoute. Il est l’allié du couple (et de toute la famille) dans son désir de la fécondité. Il est à l’intérieur de ce désir d’enfant. Se remettre à Dieu, c’est dire oui à la vie en laissant derrière soi les peurs.