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“La communication politique s’adresse à des citoyens, pas à des consommateurs”

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Agnès Pinard Legry - publié le 09/06/21

Consultant en communication publique et ancien élève de l’Ircom, Charles-Marie Boret revient pour Aleteia sur la nécessité qu’ont les institutions, organes publics et politiques de communiquer. Une nécessité d’autant plus grande que l’indifférence et la saturation de la société en matière de communication rendent difficilement lisible la compréhension des projets et des enjeux.

Parfois considérée comme accessoire, la communication revêt un caractère essentiel. Elle permet à celui qui la maîtrise de faire comprendre ce qui est en jeu tout en remportant, quand elle est bien maîtrisée, l’adhésion des personnes qui en sont la cible. Souvent associée au milieu de l’entreprise, au marketing, dans une démarche de fidélisation ou de consommation, elle est tout aussi cruciale dans le secteur public et la politique. “La différence fondamentale est qu’on s’adresse ici à des personnes qui ne sont pas des consommateurs ou des salariés mais des citoyens, des usagers, des électeurs”, explique à Aleteia Charles-Marie Boret, consultant en communication publique et ancien élève de l’Ircom. Une différence d’approche qui n’a par ailleurs pas échappé à l’Ircom qui lance à la rentrée 2021 un nouveau parcours en communication publique et politique, dans le cadre de son Master 2 Management de la Communication, afin de former des communicants capables en politique. Entretien.

Aleteia : Pourquoi est-ce important de se former à la communication politique ?
Charles-Marie Boret : Le rôle d’un responsable communication est d’animer la relation avec des parties prenantes. Dans le cas de la communication publique et politique, il s’agira pour une institution, une collectivité etc. d’instaurer un dialogue et de construire une image. La communication politique et publique se différencie des autres formes de communication par la réponse à ces deux questions : qui sont les porteurs du message et qui sont les destinataires du message ? Et parce qu’il s’agit là de deux différences fondamentales, il est essentiel de s’y former. L’Ircom se positionne avec son Master 2 sur un sujet majeur pour les années à venir avec sa valeur ajoutée et sa singularité fondée sur des valeurs,  à savoir que la communication associe le cerveau mais aussi le cœur et les muscles. L’école forme des communicants capables d’associer le registre didactique, émotionnel et expérientiel.

On s’adresse ici à des personnes qui ne sont pas des consommateurs ou des salariés mais des citoyens qui sont des usagers, des électeurs.

En quoi la communication politique est-elle différente des autres ?
On s’adresse ici à des personnes qui ne sont pas des consommateurs ou des salariés mais des citoyens qui sont des citoyens, des usagers, des électeurs. Ce qui la caractérise et la rend compliquée à exercer est que toute action que vous menez s’adresse à tous, à la différence d’une communication commerciale jugée par rapport à l’efficacité qu’elle a au regard de son public cible ! Prenons l’exemple d’une publicité mise en place par l’agglomération grenobloise il y a quelques années. Ils avaient eu l’idée de faire des affiches montrant des personnes emballées dans du film plastique afin d’inciter les gens à faire attention à la surconsommation d’emballages. Mais si l’intention était louable, elle n’a pas eu l’effet escompté. L’équipe s’est fait interpeller sur les réseaux sociaux et via la presse par des institutions féministes qui estimaient que cela donnait une image dégradante de la femme. Résultat, la campagne a été retirée. On voit bien à travers cet exemple que la communication publique et politique n’est pas seulement jugée sur son impact vis-à-vis d’une cible mais peut être légitimement interpellée par l’ensemble des publics.

La société actuelle la rend-t-elle plus difficile ?
Bien sûr ! Elle doit aujourd’hui émerger dans un monde de plus en plus saturé par d’autres communications. Un autre élément délicat à prendre en compte est de réussir à nouer, renouer la confiance, l’intérêt des publics. Là encore, la sursaturation de messages de consommation complique les choses. Nous-mêmes devons bien recourir à ces mêmes outils ou supports, ceux également utilisés pour la communication commerciale, mais ne risque-t-on pas de ramener les discours publics à une dimension purement commerciale ? Ne risque-t-on pas de réduire l’usager à un consommateur ? C’est un équilibre délicat à trouver.

La France s’apprête à vivre des semaines et des mois animés compte tenu des différentes échéances électorales… Quel regard portez-vous sur les messages politiques ?
Ma plus grosse interrogation porte sur l’intérêt que vont avoir les gens quant aux élections départementales et régionales. Ils sont plus préoccupés par la fin du confinement et les vacances que par le fait d’aller voter. Le problème est qu’ils ne voient pas, ou en tout cas pas suffisamment, la traduction des intentions politiques dans leur vie réelle. La difficulté est de traduire un projet en perception concrète. Ou plutôt je dirais que l’enjeu est de donner à lire et comprendre l’intérêt d’un projet et, ensuite, de le rendre lisible et perceptible dans sa réalisation. Cette difficulté tient non seulement à des raisons techniques, les délais s’allongent, le portage des projets est de plus en plus souvent partenarial, mais aussi au poids extrêmement fort de la technostructure. Je travaille quotidiennement avec des administrations et je constate qu’elles ont tendance à absorber les projets et à les ressortir sous des formes difficilement lisibles par le public ! Tout s’est complexifié et allongé et il est parfois difficile d’imposer et de rendre lisible un sujet ou un projet d’intérêt général.

Et comment recevoir cela quand on est citoyen ?
Que l’on soit formé ou non à la communication, nous en avons tous une culture. Je dirais que le meilleur moyen de décrypter les messages est de se décaler, c’est-à-dire d’extrapoler ou de transposer dans d’autres univers, d’autres contextes et voir comment cela se traduit. C’est un exercice salutaire. L’autre danger qui nous guette est l’éloignement de la politique ; et aujourd’hui ce n’est plus seulement la défiance qui m’inquiète mais l’indifférence.

En partenariat avec

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Tags:
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