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Ne nous laissons pas fasciner par la tentation !

pomme rouge tentation

© Shutterstock/Nicoleta Ionescu

Jean-Michel Castaing - publié le 18/07/21

Parfois, nous sommes tentés de succomber à la tentation plus par goût du frisson, de l'inconnu que par attrait d'un objet désirable en particulier.

L’interdiction agit souvent sur nous comme un aimant. L’objet sur lequel elle porte est secondaire à nos yeux. Dans ces moments-là, seules importent pour nous l’éventualité de la transgression et les possibilités insoupçonnées qu’elle semble nous promettre, d’autant plus alléchantes que la morale les réprouve. Quels ressorts agissent dans notre esprit pour que nous soyons davantage attirés par l’acte lui-même de transgresser que par l’objet de la tentation ? Trois raisons principales expliquent la force d’attraction de la transgression.

1La tentation, victime de son succès

D’abord, la force de l’interdit. Celui-ci est tellement massif, tellement universel qu’il ne peut que susciter en retour l’interrogation de certaines personnes, plus curieuses que d’autres. L’institution de la loi est universelle. Une telle omniprésence de l’interdit (sous toutes ses formes) dans toutes les civilisations se retourne parfois contre lui. L’homme en devient tellement obnubilé qu’il est davantage tenté de transgresser pour le plaisir de transgresser que pour goûter le fruit défendu. On l’a mis tellement en garde contre la tentation que celle-ci devient une pierre d’achoppement par elle-même, indépendamment de l’objet sur lequel elle porte ! 

Déjà, Ève, fascinée par l’arbre de la connaissance du bien et du mal, plaçait celui-ci « au milieu du jardin » (Gn 3,3), alors que jamais Dieu ne l’avait mis à cette place ! Aussi le serpent va-t-il se servir de cette obsession pour parvenir à ses fins. Lui aussi va accentuer l’importance de cet arbre et lui donner la première place parmi tous ceux du jardin d’Eden. Lui aussi va mettre l’accent sur l’interdit, sans rien dire de la libéralité de Dieu et de Son invitation à goûter les fruits des autres arbres. Non, le Malin s’ingénie à pointer la focale uniquement sur l’interdiction ! Pour nous aussi, la première tentation est parfois la tentation elle-même ! Nous succombons alors à la force d’attraction de ce trou noir. C’est comme si nous nous disions : « L’interdit est trop omniprésent pour ne pas receler quelque chose à connaître et goûter absolument ! »

Comme illustration de cette fascination pour l’omniprésence de l’interdit, on lira avec profit la fable de La Fontaine Le Renard et les Poulets d’Inde. Ceux-ci, hypnotisés et tenus en haleine par le spectacle d’un renard en représentation permanente qui exécute mille simagrées afin de capter leur attention et les amener de la sorte dans son garde-manger, finissent par tomber de l’arbre, citadelle inexpugnable où ils s’étaient réfugiés. . Et notre conteur de conclure : « Le trop d’attention qu’on a pour le danger / Fait le plus souvent qu’on y tombe ». Dans un autre registre, on peut citer également Oscar Wilde : « Le seul moyen de se délivrer d’une tentation, c’est d’y céder. Résistez et votre âme se rend malade à force de languir ce qu’elle s’interdit. »  

2L’exemple des autres

La deuxième raison de la force d’attraction de la tentation réside dans ce que René Girard, un des plus grands penseurs du XXe siècle, appelle le « désir mimétique ». Il s’agit du mécanisme par lequel je désire ce que l’autre désire. Or, ce mimétisme est très puissant dans la force qu’acquiert la tentation dans nos esprits. En effet, afin d’avoir barre sur moi, la transgression va s’appuyer sur les exemples de ceux qui l’ont « essayée ». « Cela doit forcément être très tentant pour que toutes les traditions religieuses l’interdisent !

Derrière cette interdiction universelle, il existe forcément une foultitude d’expériences affriolantes, sinon on n’en parlerait pas ! Alors, qu’est-ce qui m’empêche d’essayer à mon tour ? » C’est ainsi que la puissance d’entraînement des expériences de ceux qui ont succombé à la tentation ou qui ont été fascinés par elle, me retient dans l’orbite de celle-ci avant même qu’aucun objet de désir n’ait exercé sur moi la moindre aimantation particulière ! Finalement, ce sont les désirs de ceux qu’elle a captivés ou qui ont goûté au fruit défendu, qui m’emprisonnent dans la force gravitationnelle de la tentation ! « Il doit bien se cacher là quelque chose d’intéressant pour qu’ils soient allés voir ! Pourquoi mourrais-je idiot sans y avoir goûté à mon tour ? » Et l’homme de s’exonérer de la sorte de sa faute en arguant de l’expérience universelle de la transgression …

3L’attrait de l’inconnu

Enfin, la force de la tentation joue sur l’attrait de l’inconnu et  le goût de la nouveauté pour exercer sa fascination et nous pousser à la transgression. « Rien de nouveau sous le soleil » : la litanie désespérante de Qohélet sur la vanité de l’existence incite souvent l’homme à aller voir ailleurs. C’est ici que la tentation propose son lot d’expériences inédites. Et peu importe que ces dernières se révèlent être des articles de contrebande, l’essentiel est la nouveauté à laquelle elles nous promettent d’accéder. Le goût de l’inconnu, l’attrait du frisson inédit, autant de réclames indémodables ! « Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? / Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! » (Baudelaire, Le Voyage).

La première des tentations, c’est bien la tentation elle-même, le désir de transgresser

Les tabous, qu’ils soient sexuels ou religieux, loin d’avoir disparu, reviennent en force dans notre société. C’est en eux, dans leur force d’attraction, que l’art contemporain puise son prestige « transgressif ». Car l’art contemporain se nourrit de ce dont il dénonce hypocritement l’interdit. Cette imposture est bien le signe que la première des tentations, c’est bien la tentation elle-même, le désir de transgresser. C’est contre ce piège que la prière du Notre Père nous met en garde : « Ne nous laisse pas entrer en tentation » que l’on pourrait alors traduire dans notre cas : « Ne permets pas que j’attribue autant de prestige à l’acte de transgresser ! » Car lors même que nous serions plus tentés par la tentation que par un objet bien précis de convoitise, cela n’enlèverait rien à la nocivité de la transgression.

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