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“Mes grands-parents sont des rescapés du génocide et ont fui au Liban. Moi-même je suis née au Liban et ce n’est qu’à l’âge de 38 ans, en 1993, que je suis retournée en Arménie comme religieuse.” Les mots de sœur Haguinta Muradian, membre de la congrégation des sœurs arméniennes catholiques de l’Immaculée Conception, résonnent avec force. Alors qu’elle va témoigner ce vendredi 28 janvier lors de la Nuit des Témoins organisée par l’Aide à l’Église en détresse (AED) à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, elle revient pour Aleteia sur son quotidien et les personnes qu’elle et les autres religieuses de sa congrégation accompagnent au quotidien. “Depuis le début du conflit, plus de 3.800 soldats âgés de 18-19 ans sont morts au combat, laissant derrière eux des mères effondrées, des sœurs profondément marquées”, confie la religieuse à Aleteia. “Et que dire pour les mères des plus de 2.000 jeunes soldats qui ont disparu et dont on n’a pas trouvé de trace ?”. En parallèle, alors que 44 jours de guerre entre l’Azerbaïdjan et les défenseurs du Haut-Karabakh fin 2020 ont causé la mort de 7.000 soldats, “plus de 100.000 Arméniens chassés de leur terre natale tentent de survivre”. Entretien.
Aleteia : En quoi consiste votre mission en Arménie ?
Sœur Haguinta Muradian : Depuis l’arrivée de notre congrégation au début des années 1990, nous avons ouvert des centres éducatifs pour les enfants orphelins, une colonie de vacances pour les orphelins, un centre pour les jeunes filles, une chorale pour des orphelines… On s’occupe de ces enfants orphelins ou délaissés par leurs parents, on les accueille chez nous, on les nourrit, on les éduque et on leur fait découvrir l’amour du Christ. Je me trouve personnellement au centre de Tachir, ville située à un peu moins de 100 kilomètres de la capitale Erevan.
Fin septembre 2020, le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan fin 2020 au Haut-Karabakh a bouleversé le pays. Comment votre congrégation s’est-elle adaptée ?
Les attaques menées sur les civils ont forcé 120.000 habitants à fuir leur maison. 6.000 familles ont trouvé refuge en Arménie. Deux sœurs ont ouvert le camp d’été Notre-Dame d’Arménie à Dzaghkatsor pour accueillir 50 familles, soit plus que 160 personnes. D’autres sœurs ont aussi accueilli chez elles au centre Boghossian à Gyumri sept familles soit 35 personnes, des mères et des enfants sans abri.
Toutes les personnes accueillies ont perdu leur maison…
Après le cessez-du-feu, plusieurs familles sont retournées en Artsakh, mais bien souvent elles ont retrouvé leur logement délabré. Certaines familles ont même choisi de brûler leur propre maison avant de fuir. Aujourd’hui, nous continuons à soutenir les familles déplacées des régions d’Artsakh occupées par l’Azerbaidjan jusqu’à ce qu’une solution pérenne soit trouvée pour leur retrouver une maison.
Il faudra aussi réussir à pardonner à l’ennemi, ce n’est que comme cela que la nation arménienne trouvera la paix.
Quelle est votre espérance pour l’avenir ?
Il faut toujours espérer, ancrer sa foi au plus profond car le soleil succède systématiquement aux nuages. Il faudra aussi réussir à pardonner à l’ennemi, ce n’est que comme cela que la nation arménienne trouvera la paix.
L’avenir passe-t-il par le pardon ?
Je le pense. Après ce n’est évidemment pas facile de pardonner de tels actes et surtout s’il n’y a pas eu de justice auparavant ou de demande de pardon. Mais il le faut. Il n’y aura pas d’avenir commun sans pardon. Les enfants nous le demandent d’ailleurs souvent : comment va-t-on pardonner un peuple qui nous fait du mal ? Qui a tué mon frère ? Mon père ? On leur explique alors le message du Christ. Qui nous a donné le premier exemple ? C’est Jésus, sur la croix, en disant : “Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font.” Jésus a été crucifié pour nous, pour chacun de nous, et il a pardonné. Nous devons à notre tour pardonner.