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C’est un film qui vient seulement de sortir aux États-Unis et, étant donné le sujet, il n’est pas sûr qu’il soit largement distribué en France. Father Stu (prononcer stiou) raconte la vie d’un ancien boxeur qui devient prêtre mais est alors atteint d’une maladie handicapante et fatale. Bientôt dans un fauteuil roulant, il accomplit jusqu’à son dernier souffle un ministère exemplaire. On dira sans doute que c’est du mélo et du prosélytisme religieux. Il n’empêche que c’est une histoire vraie et que d’incontestables stars n’ont pas hésité à s’y investir.
Le héros bien réel s’appelait Stuart Long, né en 1963. Jeune costaud, il excelle dans les sports et surtout à la boxe, au point d’envisager une carrière professionnelle. Une opération prothétique à cause d’une malformation de la mâchoire l’oblige à y renoncer. Il part alors à Hollywood, dans l’espoir de devenir acteur. Il décroche quelques petits rôles, mais ne parvient pas à percer, si bien qu’il prend un emploi dans un des principaux musées de la région de Los Angeles, le Norton Simon, et il y monte en grade. Cependant, sa vie bascule deux fois : un grave accident de moto où il frôle la mort, et un coup de foudre pour une jeune fille.
Comme ce n’est manifestement pas réciproque et qu’elle est une fervente catholique, il se met à fréquenter l’église où elle se rend régulièrement. Et là, il écoute, découvre, apprend, réfléchit, se convertit, demande le baptême, s’engage et gagne la sympathie de la demoiselle — voire un peu plus… Et c’est alors qu’il saisit qu’elle lui a été envoyée pour que se révèle sa vocation. À 36 ans, il candidate pour entrer au séminaire. Sa fraîcheur non-conformiste surprend parfois, mais il se fait apprécier. Cependant, tout est à nouveau remis en cause peu avant son ordination : on s’aperçoit qu’il est touché par une forme exceptionnelle d’une affection déjà rare : une sclérose amyotrophique (dégénérescence des nerfs moteurs et par suite des muscles qu’ils commandent) — ce qu’on appelle en France la maladie de Charcot.
Le prêtre et la star
On hésite du coup à l’ordonner : un invalide, qui n’a plus longtemps à vivre… Mais il s’accroche et ses camarades le soutiennent, de même que les fidèles qui l’ont connu comme diacre. Ses supérieurs et l’évêque se laissent convaincre. Il est ordonné — à 43 ans. Il lui faut déjà des béquilles. Il se lance sans complexe et sans jamais se plaindre dans la paroisse où il est affecté, avec une attention confondante aux personnes qu’il rencontre et une intensité dans les célébrations qui ranime ou même suscite la foi. Quand il ne peut plus se tenir debout ni se déplacer, il devient l’aumônier d’une grande clinique. Bien qu’il s’affaiblisse de plus en plus, il continue, jusqu’à la veille de sa mort à quelques semaines de ses 51 ans, de manifester aux soignants comme aux malades et aux mourants qu’ils sont aimés comme lui-même l’est.
Ce destin peu banal mais peu médiatisé sur le moment va intéresser Mark Wahlberg et même le fasciner. C’est un acteur déjà célèbre. Né en 1971, il a commencé tout jeune dans un boys’ band, puis est devenu mannequin, chanteur, rappeur, humoriste et est passé au cinéma, où il a obtenu un Oscar en 2006 pour son rôle dans un film de Martin Scorsese. En 2010 Fighter fait de lui une star. Il y joue un boxeur qui surmonte des défaites et des problèmes liés à la drogue dans sa famille. Ce succès est confirmé par la série de science-fiction des Transformers (2014-2017) dont il est la vedette. Il devient alors, d’après le magazine Forbes, l’acteur le mieux payé au monde.
Investissements personnels
Et il est aussi solidement catholique : la foi l’a sorti d’une adolescence turbulente et même délinquante. C’est lui qui, lors de la venue du pape François à Philadelphie pour la Rencontre mondiale des familles en 2015, est le “Monsieur Loyal” de la fête et il y donne son témoignage : l’amour du prochain en restant uni à Dieu par la prière et les sacrements. Il lui faut six ans pour réaliser enfin le film dont il a eu l’idée dès qu’il a entendu parler du prêtre emporté par une myopathie. Il s’en fait le producteur — c’est-à-dire qu’il le finance. Il décide aussi jouer lui-même le père Stu. Alors qu’il est plutôt d’une minceur élégante bien qu’athlétique, il s’empiffre de calories pour gagner quinze kilos et prendre la silhouette massive et la bouille ronde de l’ancien boxeur.
Une distribution prestigieuse
Il convainc aussi des vedettes de le rejoindre dans ce projet. L’illustre Mel Gibson incarnera le père alcoolique du boxeur et la mère névrosée sera l’Australienne Jacki Weaver, plusieurs fois nominée aux Oscars. La jeune fille qui attire Stu à l’église est la jolie Mexicaine Teresa Ruiz, star dans son pays et célèbre grâce à la série Narcos sur Netflix. Le supérieur du séminaire est l’Anglais Malcolm McDowell, tête d’affiche depuis les mythiques If… (1968) et Orange mécanique (1971).
Le film a été écrit par une scénariste d’à peine plus de 30 ans, Rosalind Ross, ancienne championne d’équitation, qui partage à présent la vie de Mel Gibson. D’après ce qu’elle a expliqué à la presse, sa motivation n’a pas du tout été religieuse. Elle dit avoir simplement voulu montrer comment cet homme a fait front dans l’épreuve, souvent avec humour, tout en faisant du bien à ceux qu’il rencontrait. Elle reconnaît avoir un peu dramatisé et romancé l’histoire dans ses détails pour en faire un “biopic” à rebondissements, mais avec l’accord du père de Stu et du meilleur ami de celui-ci au séminaire, à présent prêtre. Elle a aussi été la réalisatrice. C’était ses débuts à ce niveau, et elle a déjà d’autres contrats. Dans leurs critiques, les spécialistes du septième art ne se sont montrés ni enthousiasmés ni méprisants.
Un impact dans la culture – et pour l’Église
Qu’importe si ce film n’est pas un chef d’œuvre ? Si ce n’est pas un blockbuster pour lequel on fait la queue, qui rapporte des millions et qui devient une référence ? Si les traits sont forcés ? Si ce n’est pas exploitable pour l’apologétique, l’évangélisation et la catéchèse ou dans les débats ecclésiaux ? Il n’est pas indifférent que, dans le paysage culturel d’aujourd’hui, Father Stu constate tranquillement que la foi catholique aide à vivre, à faire face dans l’adversité, à y puiser même des ressources pour servir les autres et finalement à mourir en remettant la vie reçue à la disposition du Donateur afin de la partager et la transmettre avec et grâce à lui.
Et il n’est pas négligeable non plus qu’en ce temps de dénonciation du cléricalisme, apparaisse une figure plus profondément juste et moins superficielle du sacerdoce catholique. La spectaculaire brutalité de l’histoire du Père Stu fait ressortir que le prêtre ne tient pas son pouvoir des baptisés qu’il sert, mais qu’il est envoyé au milieu d’eux (et aussi des autres !) par le Dieu insaisissable qui se livre à travers ceux qu’il appelle à se faire en ce monde pauvres comme lui.