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Michel Guérin, curé de Pontmain, serviteur de Marie

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© See page for author, CC0, via Wikimedia Commons

Anne Bernet - publié le 28/05/22

Il y a cent-cinquante ans, retournait à Dieu le prêtre qui reconduisit, par Marie, les habitants de Pontmain à la messe. L’abbé Michel Guérin ne vit pas la Sainte Vierge lors de ses apparitions dans son village, mais comme le rapporte Anne Bernet, postulatrice de sa cause de béatification, c’est sans doute Elle qui vînt chercher le "petit curé de Pontmain" le jour de sa mort.

Ce 29 mai, l’on commémore à Pontmain le cent-cinquantième anniversaire de la mort de l’abbé Michel Guérin, curé du village, décédé à l’âge de 71 ans en 1872 des suites d’un accident de la route, seize mois après l’apparition de Notre-Dame dans ce village mayennais. Très vite, ses paroissiens ont soutenu que, sans ce prêtre marial, tout dévoué pendant trente-six ans au relèvement d’une paroisse dévastée par la Révolution et ses suites, Pontmain n’aurait jamais bénéficié d’un tel privilège. C’est vrai. L’on croit souvent que le XIXe siècle a été d’emblée un siècle tout donné à Notre-Dame. La réalité, en fait, est plus complexe.

Déjà violemment attaquée par les protestants pendant les guerres de religion, la dévotion à Marie, remise à l’honneur par les décisions du concile de Trente, tardivement appliquées en France, a ensuite été méprisée par les jansénistes, puissants en dépit des condamnations dont ils ont fait l’objet, tant de la part de Rome que du pouvoir royal. À leurs yeux, prier la Vierge relève de la superstition, c’est bon pour les humbles et les ignares. À ce rejet s’ajoutent, au XVIIIe siècle, les ricanements malveillants des philosophes des Lumières, de sorte que, même dans les séminaires, Marie disparaît des préoccupations de beaucoup de prêtres. Ce n’est pas pour rien si ses apparitions, qui ont jalonné l’histoire de notre pays avec une familiarité tendre et maternelle, cessent également. Entre les faits de Lescure, en 1707, et les premières persécutions religieuses révolutionnaires, Notre-Dame ne se montrera plus chez nous.

Certes, au lendemain de la Terreur, le clergé français voit, dans cette perte de la protection mariale, l’une des causes de la catastrophe traversée et de la déchristianisation ambiante ; certes, les séminaires recommencent à former des prêtres fidèles à Marie mais une certaine prudence, encore bien perceptible en 1830, 1846, 1858 lors des faits de la rue du Bac, La Salette et Lourdes, reste de mise, liée à la crainte de paraître rétrograde et stupide selon les critères “éclairés” du monde, de sorte que, pour quelques décennies encore, le clergé reste discret concernant la Sainte Vierge et hésite à lui rendre sa place. Ce recul, Michel Guérin ne l’a jamais éprouvé. Né en 1801 dans un milieu modeste, il ne prétend pas à une piété intellectuelle. Grandi aux pieds de Notre-Dame de Bon Encontre, merveilleuse image Renaissance échappée à la destruction du couvent dominicain de Laval, et à ceux de Notre-Dame d’Avesnières, c’est dans la récitation du chapelet qu’il a, dès son enfance, pris le goût de la prière, de l’Eucharistie, puis entendu l’appel au sacerdoce. C’est tout naturellement que, jeune prêtre, ordonné en 1829, il place son ministère sous la protection de la “Bonne Vierge” comme on dit en Mayenne. C’est à Elle aussi qu’il consacre son premier sermon, véritable manifeste de sa vision de la vie sacerdotale et de l’apostolat, animé de la certitude filiale qu’une si bonne Mère ne saurait rien refuser à ceux qui s’adressent à Elle avec confiance.

Pour sa première affectation, l’abbé Guérin a demandé “la paroisse la plus pauvre, la plus défavorisée” de l’immense diocèse du Mans, celui de Laval n’étant fondé qu’en 1855.

Pour sa première affectation, l’abbé Guérin a demandé “la paroisse la plus pauvre, la plus défavorisée” de l’immense diocèse du Mans, celui de Laval n’étant fondé qu’en 1855. On l’a nommé à Saint-Ellier, bourg limitrophe de la Bretagne, largement gagné aux idées nouvelles, donc largement perdu pour le catholicisme. Très vite, cependant, il constate qu’il existe, à “une bonne lieue” de Saint-Ellier, un autre village, rattaché au bourg lors du concordat de 1802, où la population, restée catholique, souffre de n’être plus paroisse et de n’avoir plus de prêtre. Ce village, c’est Pontmain, qui semble alors abandonné des hommes et du Ciel, matériellement, moralement et spirituellement en train de tomber en ruines. C’est là que l’abbé Guérin serait utile. Il lui faudra sept ans pour en convaincre son évêque, obtenir la restauration de la paroisse et y être nommé “succursaliste”, ce qui signifie qu’il exerce les fonctions curiales sans bénéficier des avantages de la charge, ni de ses émoluments. Durant ces sept longues années, il maintient le moral de son “petit peuple” découragé et qui ne veut plus pratiquer puisque c’est trop d’embarras d’aller à Saint-Ellier, par la récitation du chapelet, “bonne habitude” qui sauvera la paroisse.

À l’honneur dans les foyers

Lors de son installation à Pontmain, en novembre 1836, face à l’immense chantier d’une église en ruines décrite par le vicaire général comme “l’étable de Bethléem”, en pire… et celui de la reconstruction d’une chrétienté dans des âmes laissées si longtemps à l’abandon, Michel Guérin, qui se tient pour “le prêtre le plus indigne qui soit”, s’en remet, pour venir à bout d’une tâche titanesque qui l’occupera jusqu’à son dernier jour, à Notre-Dame. Il sera l’un des premiers, comme le curé d’Ars, à affilier sa paroisse à la confrérie Notre-Dame des Victoires à Paris, la plaçant sous la protection du Cœur immaculé. Prenant sur ses maigres économies, il offre à chaque famille une statue de la Sainte Vierge qu’il incite à installer à la place d’honneur dans les foyers.

Par le chapelet, le Mois de Marie, peu à peu, il ramène sa paroisse à la messe, au confessionnal, à la communion. Quelques années suffiront pour que Pontmain soit donné en exemple. Cette métamorphose, l’abbé Guérin estime la devoir uniquement à Notre-Dame. Il voudrait qu’il en soit ainsi dans la France entière, afin d’éviter à la nation les châtiments annoncés à La Salette en 1846 et qui lui inspirent une profonde angoisse. Pour cela, il incite ses fidèles à prier et se sacrifier pour les pécheurs et les blasphémateurs, dont un bon chrétien ne doit pas oublier qu’ils sont ses frères et qu’il aura à répondre de leur damnation… Les châtiments viendront, en 1870, avec la guerre, la défaite, l’invasion. Désormais vieux et malade, Michel Guérin conserve cependant sa confiance en Marie. Lorsque trente-huit garçons du village sont appelés sous les drapeaux à la fin de l’été et doivent partir au front, il leur demande de se consacrer à Notre-Dame et leur assure qu’ils reviendront tous sains et saufs, ce qui sera le cas.

La réponse de la Sainte Vierge

Pourtant, et ce sera la plus grande épreuve de sa vie, en cet hiver épouvantable qui voit la France vaincue, humiliée, où l’on reste sans nouvelles des hommes partis combattre, l’ennemi tout proche, l’espérance vacille dans les cœurs des Pontaminois. Le dimanche 15 janvier 1871, alors que l’on vient d’apprendre l’écrasement des troupes françaises devant Le Mans le 11, et que l’on ignore le sort des jeunes du bourg, les gens, malades d’angoisse, ne sont plus capables de se tourner vers le Ciel et de continuer à l’implorer pour une cause désespérée. À l’heure des vêpres, tandis qu’il s’apprête à allumer, comme chaque semaine, les quatre cierges de cire vierge, un luxe, qui entourent la statue de l’Immaculée Conception, quelqu’un, dans la nef, crie, amer : “N’éclairez pas, Monsieur le curé ! N’éclairez pas ! Cela ne sert à rien de prier ! Dieu ne nous écoute pas…” L’abbé Guérin quitte l’église bouleversé de cette révolte inattendue, persuadé d’avoir failli dans son ministère.

L’abbé Guérin ne verra pas, mais il est sûr que Notre-Dame, Elle, n’a jamais cessé de le regarder avec amour.

Pourtant, à deux jours de là, Notre-Dame apparaît au-dessus de Pontmain, entourée de quatre cierges qu’une main invisible allumera un à un, et les premiers mots apparus sur la banderole à ses pieds seront : “MAIS PRIEZ MES ENFANTS”, réponse au cri de colère et de panique de l’avant-veille. Fait unique dans l’histoire des apparitions mariales, lorsque, ce soir du 17 janvier, sœur Marie Édouard vient avertir l’abbé Guérin des événements, il ne manifeste ni doute ni recul et s’exclame seulement : “La Sainte Vierge… chez moi, ici, à Pontmain ? Mon Dieu, ma sœur, vous me faites peur !” Et il va voir, bravant le froid atroce de cet hiver glacial. Mais voir quoi ? À son immense désarroi, en effet, l’abbé Guérin ne voit rien, comme il le dira en sanglotant le surlendemain au jeune vicaire de Saint-Ellier, et comme il l’avoue devant toute sa paroisse lorsqu’il lui est suggéré de parler à la Sainte Vierge : “Hélas, que voulez-vous que je lui dise ? Je ne la vois pas…” Dans son humilité, il mettra cela sur le compte de son indignité, quand d’autres auraient accusé les enfants de mensonge.

Un bon serviteur

L’abbé Guérin ne verra pas, mais il est sûr que Notre-Dame, Elle, n’a jamais cessé de le regarder avec amour. Car, non seulement Elle attendra patiemment son arrivée pour délivrer son message, fidèle à ce qu’Elle n’a cessé de dire aux voyants lors de toutes ses apparitions, leur demandant “d’aller dire aux prêtres”, ses fils de prédilection, ce qu’Elle attend d’eux, mais chaque phase de l’apparition de Pontmain reprendra un thème de l’enseignement, si patiemment répété, du vieux prêtre, pour souligner qu’Elle a toujours été là, présente, à ses messes et ses sermons. Oui, quels que soient les mérites des gens de Pontmain, excellents chrétiens, ce n’est pas pour eux, mais pour leur vieux curé, que la Sainte Vierge a choisi ce village entre tous. L’abbé Guérin qui répétera : “La Sainte Vierge était là, chez moi, et je ne L’ai pas vue… ” sera le seul à ne jamais l’admettre. Cela ne l’empêchera pas de consacrer ses forces déclinantes à faire connaître l’apparition, affirmant qu’il ne serait pas, sans cela, “un bon serviteur de Marie”.

Les témoins de sa mort affirmeront, unanimes, qu’à l’instant de rendre l’âme, tandis que sonnait l’angélus de midi, le vieux prêtre s’est redressé, rayonnant, comme tendu vers une présence invisible, et en conserveront la certitude que Notre-Dame était venue le chercher et qu’il la voyait enfin. Ce qui est sûr, à en croire le nombre de cas de guérisons médicalement inexpliquées recensées depuis l’ouverture de la cause de béatification du “petit curé de Pontmain”, c’est que l’abbé Guérin est bien en cour auprès de Celle qu’il a tant aimée et servie.

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