A la veille du Congrès Mission qui se déroulera cette année à Paris du 30 septembre au 2 octobre, la revue trimestrielle Mission a souhaité connaître le profil et les habitudes de l’ensemble du peuple de baptisés de France, afin de mieux cerner leurs attentes. Une population négligée (les enquêtes se penchent le plus souvent sur les catholiques “pratiquants”), complexe, au regard des multiples manières de vivre ou non la foi reçue le jour de son baptême, et évoquant différentes raisons pour expliquer son éloignement (ennui, doute, désintérêt, déception, désaccord avec la morale de l’Église…). Une réalité difficile à appréhender donc, mais qui demeure le visage de l’Eglise, celui de la grande communauté des enfants de Dieu. Des baptisés qui demandent à être accueillis, accompagnés, lorsque occasionnellement ils sont en contact avec des croyants “zélés”. Un véritable terreau pour la mission.
Menée auprès d’un échantillon de 1.020 personnes, l’enquête, présentée ce mardi 27 septembre, confirme une tendance générale au délaissement de la pratique religieuse, et ce même chez les personnes baptisées. Selon les résultats de l’enquête, 80% des Français sont actuellement baptisés, contre 92% en 1961. Un pourcentage gonflé par les personnes les plus âgées, et qui s’amenuise au fur et à mesure du renouvellement des générations : aujourd’hui, seuls 59% des 18-24 ans sont baptisés.
Néanmoins, l’enquête dévoile aussi des signes d’espérance, soulève d’étonnants paradoxes et donne quelques pistes pour mieux cerner ces baptisés qui s’éloignent des églises. Une réjouissance pour commencer : des demandes de baptême formulées par de jeunes adultes.
La majorité des demandes de baptême d’adultes provient des 25-34 ans
Parmi les baptisés français, la grande majorité (97%) ont reçu le sacrement enfant, par décision de leurs parents. Ils sont 3% à avoir demandé le baptême plus tard, par décision personnelle. Une démarche de catéchuménat entreprise le plus souvent par des jeunes de moins de 35 ans, et plus précisément par les 25-34 ans. Dans cette tranche d’âge, ils sont 92% à avoir reçu le baptême enfant et 8% à en avoir fait la demande plus tard. Des baptêmes “tardifs” observés plutôt dans les milieux populaires.
Deux modalités d’accès au baptême qui ne sont pas comparables. “Le baptême d’un enfant ritualise l’entrée dans un groupe social, tandis que le baptême volontaire de l’adulte est un acte de construction de soi”, souligne le sociologue Yann Raison du Cleuziou. “Il est illusoire de croire que l’un peut remplacer l’autre. Les baptêmes d’adultes ne pallieront jamais le déclin des baptêmes d’enfants parce que ceux-ci sont la mesure d’un ancrage culturel et que celui-ci s’amenuise”. Pour le sociologue, la démarche individuelle ne peut être un modèle d’évangélisation à l’échelle d’une société, car “c’est par l’imprégnation sociale et culturelle que les populations intègrent leurs convictions religieuses”.
Quelques paradoxes
L’étude soulève certains paradoxes, aussi bien dans la pratique religieuse que dans une forme de dévotion populaire observée chez les baptisés non croyants. Premier paradoxe, le baptême n’est pas (plus) considéré comme un signe indélébile d’appartenance à la religion catholique. En effet, 28% de baptisés se déclarent non catholiques.
“Ces catholiques dormants manifestent des signes tangibles d’appartenance à l’Eglise”
Ensuite, l’enquête met en lumière la diversité des pratiques chez les baptisés : 30% se déclarent “catholiques croyants”, 42% “catholiques non croyants” et 28% se disent “non catholiques”. Chez les catholiques croyants, seuls 3% vont à la messe tous les dimanches. La messe n’est plus un élément fédérateur : 15% des baptisés “croyants” n’y vont que rarement, mais sont engagés par ailleurs dans des actes de solidarité.
Autre élément paradoxal, le maintien d’une certaine ferveur populaire. 53% des baptisés qui se déclarent non croyants reconnaissent allumer des cierges dans les églises, 31% prient Dieu, la Vierge Marie ou les saints, 35% fréquentent les sanctuaires ou lieux de pèlerinage, 30% vont à la messe pour les grandes fêtes. “Ces catholiques dormants manifestent des signes tangibles d’appartenance à l’Eglise”, constate Samuel Pruvot, directeur de la rédaction de la revue Mission. “Nous ne savons plus les lire ou les entendre”, regrette-t-il. Un défi majeur se dessine donc pour les disciples missionnaires aujourd’hui : celui d’entendre le cri du reste des baptisés, et de trouver une manière d’y répondre en les rejoignant là où ils sont.