Il est courant de voir s’organiser des “vides maisons” aux États-Unis lorsqu’une famille déménage. C’est ainsi Will Sideri, un Américain de 24 ans s’est rendu à l’un d’entre eux, un samedi matin début septembre, pensant trouver du petit matériel de cuisine à un prix raisonnable. Alors qu’il se promène dans la maison, ses yeux tombent sur une feuille de musique, encadrée, accrochée au mur, et portant l’étiquette : “1285 AD. Manuscrit enluminé sur vélin. $75.” Aussitôt lui reviennent en mémoire ses cours sur le Moyen Âge qu’il a suivi au Colby College, l’Université du Maine, avec une professeur passionnée et passionnante, Megan Cook, grande spécialiste des manuscrits médiévaux. Il fouille dans ses fonds de poches pour trouver les 75 dollars demandés.
Rentrant chez lui, il envoie une photo de son achat à son ancienne professeure, qui à son tour demande un avis à d’autres collègues spécialistes, et très vite, tous sont unanimes : ils authentifient cette page comme étant bel et bien issue d’un manuscrit français vieux de 700 ans, un morceau d’histoire catholique de France : le fameux Missel de Beauvais !
Vendu page par page en 1942
Ce manuscrit français est l’une des victimes les plus connues du biblioclasme du XXe siècle. Une longue histoire. Rédigé au XIIIe siècle, ce manuscrit s’est retrouvé sur le catalogue des ventes aux enchères de Sotheby’s en 1926, et a alors été acheté par un magnat de la presse, William Randolph Hearst. Hearst est resté propriétaire du Missel de Beauvais jusqu’en 1942, date à laquelle il le vend à un marchand new-yorkais du nom de Philip Duschnes. Celui-ci décide alors de délier le missel et de le vendre page par page. Cette tactique permet au marchand de réaliser un bénéfice bien plus important que s’il avait vendu le livre dans son ensemble. Mais voilà, de nombreuses pages vont ainsi disparaître et s’éparpiller dans le monde entier. Depuis, bien que les historiens aient recherché les pages pendant des décennies, seules 114 des 309 feuilles originales ont été retrouvées à ce jour.
En voilà donc une nouvelle, dans ce vide-maison de l’État du Maine, grâce à un ancien étudiant passionné du Moyen Âge ! Une fois le cadre bien emballé, Will l’a apporté au Colby College, qui possède dans ses collections privées une autre page du Missel de Beauvais. La professeure Cook a pu mettre côte à côte les deux pages, réunies après 80 ans, et a publié l’image sur son compte Twitter. A droite, celle achetée par Will (la page sous-verre est blanche et bien conservée), à gauche la page conservée (à l’air libre) par l’Université :