Marié et père de famille au Canada, poète et essayiste, spécialiste des saints et chroniqueur pour Aleteia, Jacques Gauthier a publié plus de 80 livres, dont une douzaine sur sainte Thérèse de Lisieux. De passage en France pour la promotion de son autobiographie spirituelle En sa présence (Artège), nous l’avons rencontré à quelques jours de la fête de sainte Thérèse. L’occasion de se laisser toucher, comme lui, par la petite voie d’enfance spirituelle de Thérèse, et de lui demander quelques clés pour l’emprunter.
“Je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte”, disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Cette petite voie, on l’a appelée l’enfance spirituelle. Il s’agit d’un chemin, d’une manière de vivre en communion avec Dieu, et constitue le cœur du message de Thérèse. Son encouragement à redevenir des enfants prend sa source dans l’enseignement de Jésus lui-même : “Ensuite, on présenta des enfants à Jésus pour qu’il leur impose les mains en priant. Mais les disciples les écartèrent vivement. Jésus leur dit : “Laissez les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi, car le royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemblent”” (Mt 19,13-14).
Jésus ne nous demande pas de redevenir des enfants, mais de devenir “comme” des enfants. Notre salut est conditionné par notre capacité à acquérir un esprit d’enfance. Et ce qui touche particulièrement Jacques Gauthier, chez sainte Thérèse, c’est sa capacité à vivre l’enfance spirituelle. Il confie à Aleteia trois clés, qu’il s’est surpris durant notre entretien à appeler les “3S”, pour se mettre à l’école de Thérèse : rester Simple, S’émerveiller, et être au Service.
1Rester Simple et s’abandonner
“J’ai toujours désiré d’être une sainte, mais hélas ! j’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la même différence qui existe entre une montagne dont le sommet se perd dans les cieux et le grain de sable obscur foulé aux pieds des passants”, écrit sainte Thérèse dans son manuscrit autobiographique. Mais fidèle à sa première résolution prise le jour de sa première communion, elle ne se décourage pas : “Au lieu de me décourager”, poursuit-elle, “je me suis dit : Le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté.”
Thérèse se sait faible et imparfaite, mais loin de se décourager devant ses imperfections, elle choisit de s’abandonner, de faire confiance comme un petit enfant dans les bras de sa mère. “On peut vivre cet abandon”, insiste Jacques Gauthier. “Il arrive qu’on se sente moche, qu’on se sente seul. Jésus connaît notre cœur. Il s’agit simplement de faire confiance, et c’est cette voie de la confiance qui mène à l’amour. Il n’est pas question de taille, de force ou de compétence. On y arrive avec le cœur. Et plus on se sent misérable, comme Thérèse, plus le Christ est là car il est venu pour ça : “Si quelqu’un est TOUT PETIT, qu’il vienne à moi”, cite Thérèse. D’ailleurs, c’est peut-être Léonie, la sœur de Thérèse, qui a le plus vécu la petite voie. Car elle était consciente de sa misère, elle a beaucoup pleuré quand elle était dans sa communauté. Elle était consciente du besoin immense de la miséricorde de Dieu.”
2S’émerveiller et être joyeux
Sainte Thérèse de Lisieux était particulièrement reconnaissante de tout ce que le Seigneur faisait en elle. Quelques semaines avant sa mort, atteinte de tuberculose, elle affirme encore : “Tout est grâce”. La gratitude est un moyen pour retrouver l’esprit d’enfance. Il s’agit de s’émerveiller des actions du Seigneur, de tout attendre de lui. “La gratitude nous invite à prendre les chemins de l’émerveillement, de l’espérance, de la joie”, souligne Jacques Gauthier. “Thérèse est la sainte de la joie. “La joie est dans mon cœur”, écrit-elle dans son poème Ma joie. Toute sa vie se trouve à l’intérieur de ce poème ! La joie est chez elle une qualité intérieure : si la joie demeure en nous, alors nous n’avons pas à la chercher en dehors de soi.”
3être au Service
Pour Thérèse, la charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point s’étonner de leurs faiblesses, et à rendre des petits services : “Je m’appliquais surtout à pratiquer les petites vertus, n’ayant pas la facilité d’en pratiquer de grandes, ainsi j’aimais à plier les manteaux oubliés par les sœurs et à leur rendre tous les petits services que je pouvais”, écrit-elle.
Il s’agit ainsi de mettre beaucoup d’amour dans les actes les plus anodins de la vie quotidienne, et d’exercer la charité au-delà des sympathies que l’on peut ressentir. Alors qu’une des sœurs du Carmel lui déplaisait par ses manières, ses paroles et son caractère, Thérèse s’est alors “appliquée à faire pour cette sœur ce qu’elle aurait fait pour la personne qu’elle aime le plus” : “A chaque fois que je la rencontrais je priais le bon Dieu pour elle, Lui offrant toutes ses vertus et ses mérites”.
“La spiritualité de Thérèse ne se résume pas en une pratique ou vertu particulière”, résume Jacques Gauthier, mais en “une intention fondamentale du cœur qui se manifeste par une ouverture confiante à l’action de Dieu et par un désir brûlant de vivre d’amour. “Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour”, disait son maître spirituel, Jean de la Croix.”