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“C’est un caractère caché, non seulement impénétrable dans son secret, mais encore très souvent dans les mouvements qui passent dans son âme” observe le duc de Luynes en 1743 dans ses Mémoires sur la cour de Louis XV. Dans cette nouvelle exposition, le château de Versailles lève le voile sur celui que fut l’homme derrière le monarque. Tableaux, objets liturgiques, porcelaine, marbres, orfèvrerie : les pièces réunies révèlent la personnalité lumineuse et tourmentée du souverain. L’occasion, enfin, d’aborder cet aspect longtemps évincé d’une vie que l’histoire a retenue comme scandaleuse : le lien intime qu’entretenait Louis XV à la religion.
15 juin 1722 : Louis XV a douze ans lorsqu’il revient à Versailles et retrouve les lieux de sa petite enfance. La régence du duc d’Orléans touche à sa fin et le jeune roi s’apprête à être sacré à Reims pour recevoir l’onction et l’anneau, symbole de l’union mystique entre le roi et l’Église. Né en 1710, fils du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, arrière-petit-fils de Louis XIV, Louis de France n’était pas destiné à régner. Ses premières années ont été marquées par le traumatisme de la mort de ses parents, de ses oncles et de son frère, victimes d’une épidémie qui le laisse orphelin à deux ans, en 1712, après avoir décimé trois générations d’héritiers. A tout juste cinq ans, le jeune Louis devenu roi à la mort du Roi-Soleil devient dépositaire du destin de la France ; poids écrasant pour l’enfant timide et mélancolique qu’il est alors. Sa vie, dès lors, est hantée par la crainte de la mort, née de ce souvenir d’une enfance déracinée et solitaire, malgré l’affection que lui porte sa gouvernante. De cette crainte point une fascination pour l’astronomie et l’horlogerie, sciences du temps qui passe. Le chef-d’œuvre du parcours en est le témoin : il a fallu trente-cinq ans à Claude-Siméon Passemant pour concevoir sa célèbre pendule astronomique, censée égrener les années jusqu’en 9999, devenue le trésor des collections du roi. C’est de cette conscience de la vanité et de la pérennité trompeuse du monde que Louis hérite d’une espérance solide, trop souvent mise de côté par les historiens.
Ayant souffert d’avoir grandi sans famille, il trouve consolation auprès de sa femme, qu’il aime profondément malgré ses propres infidélités. Epoux volage, de son mariage avec la princesse de Pologne Marie Leszczynska naissent dix enfants, dont sept parviennent à l’âge adulte. La piété de son épouse, fondatrice du couvent de la Reine où résident les chanoinesses augustines, l’inspire. Celui que son peuple surnomme alors le “Bien-Aimé” est en effet un homme profondément croyant, attaché à la pratique de la religion et à l’étude des textes sacrés, qu’il connaît parfaitement. “Madame de Pompadour connaît le Roi, écrit le duc de Luynes en 1749, elle sait qu’il a de la religion, et que les réflexions qu’il fait, les sermons qu’il entend, peuvent lui donner des remords et des inquiétudes.” Pourtant, l’onction qui a fait de lui un roi n’a pas anéanti en l’homme le pêcheur, qui, s’il se sait sauvé, n’est pas innocent des contradictions qui habitent son âme. Conscient de sa condition lorsqu’il est infidèle à son épouse, la reine Marie Leszczynska, et qu’il se consacre à ses très nombreuses maîtresses, pendant près de trente ans, le roi ne communie plus sans abandonner pour autant la prière et la pratique de la religion. Pourquoi n’est-il pas parvenu à renoncer au péché pour entrer de nouveau dans la communion de l’Église ? La question semble universelle : le roi lui-même ne fut qu’un homme tourmenté, incapable de se décider franchement pour le bien, condition éprouvée par l’humanité enchaînée par le péché.
Une tentative d’assassinat, le 5 janvier 1757, le confronte une nouvelle fois à sa condition mortelle. Se croyant perdu, le roi pardonne à son agresseur, implore la clémence, et demande à recevoir l’extrême onction, avant de se trouver hors de danger. Dix-sept ans plus tard, en 1774, Louis se meurt, atteint par la variole. Il repousse sa dernière maîtresse, Madame du Barry, et semble se repentir : “Madame, partez, je me dois à Dieu et à mon peuple.” Le 10 mai 1774, Louis XV appelle son directeur de conscience, l’abbé Maudoux et se confesse et reçoit les derniers sacrements avant d’expirer. À l’annonce de sa mort, Louis-Auguste de France et son épouse Marie-Antoinette s’agenouillent et implorent : “Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes !”.
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