Les dunes de l’île d’Al-Siniyah, située dans l’émirat d’Oumm al Qaiwain, à une cinquantaine de kilomètres de la clinquante Dubaï, ont récemment révélé des vestiges archéologiques d’importance : ceux d’un monastère chrétien vieux de 1.400 ans. Des analyses au carbone 14 menés sur plusieurs échantillons ont en effet permis de dater les fondations de l’édifice entre les années 534 et 656, soit avant la propagation de l’islam dans la région. Rappelons que la première trouvaille de ce type a eu lieu en 1990, sur l’île de Sîr Banî Yâs, près de la frontière saoudienne.
Les images aériennes du site d’Al-Siniyah laissent imaginer l’organisation de ce qui apparaît comme un véritable complexe architectural : une église à nef unique dans laquelle se rassemblaient sans doute les fidèles, plusieurs salles contiguës abritant, semble-t-il, des fonts baptismaux ainsi qu’un four à pain – peut-être pour les besoins du culte. Les restes d’un autre bâtiment de quatre pièces avec cour intérieure sont également visibles ; il pourrait s’agir de la résidence du responsable du monastère – un père abbé ou un évêque. À proximité de l’église, se trouve encore un ensemble de constructions que les archéologues identifient à un village pré-islamique.
Les fouilles, qui se poursuivent encore, ont été en partie parrainées par le ministère de la Culture émirati. Pour le professeur Timothy Power, qui y participe, cette découverte est d’autant plus fascinante qu’elle se rattache à un pan méconnu de l’histoire de cette région. Et elle corrobore déjà une certitude : ce “creuset de nations” que représente aujourd’hui la péninsule arabique était déjà une réalité il y a plus d’un millénaire.
La présence chrétienne en Arabie pré-islamique
L’histoire du christianisme dans la presqu’île d’Arabie reste nimbée de zones d’ombre, que les sources littéraires et archéologiques s’efforcent d’éclaircir. Les premières traces de christianisation sont évoquées par des textes écrits – Origène ou Eusèbe de Césarée – à partir du IVe siècle ; l’annonce de l’Évangile est certainement le fait de missionnaires arrivés dans cette lointaine Provincia Arabia romaine. Rien, avant cette date, n’atteste d’une quelconque présence chrétienne. Toujours à en croire les textes, le christianisme y connait ensuite une période florissante et s’organise autour de plusieurs évêchés – 17 évêques auraient par exemple été présents au Concile de Chalcédoine en 451.