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Notre Dame de Myans veille sur la montagne

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Par Florian Pépellin — Travail personnel, CC BY-SA 4.0

Sanctuaire Notre-Dame de Myans.

Anne Bernet - publié le 23/11/22

À Myans en Savoie, la chapelle Notre-Dame fait mémoire de l’effondrement du mont Granier, en 1248. Épargné par le séisme, le sanctuaire attire toujours la prière des pèlerins confiants dans la protection de Marie.

Il fait un temps superbe ce 24 novembre 1248 en Savoie. L’arrière-saison est splendide et c’est heureux pour les moines du prieuré d’Aspremont qui, la veille, en ont été expulsés par le seigneur du lieu. Toute la nuit, profitant du temps clair et de la pleine lune, les pauvres religieux ont marché, en quête d’un asile avant d’arriver en vue de la chapelle de Myans. L’endroit ne paie pas de mine mais l’on y vénère de longue date une Vierge noire réputée préserver des périls. Les frères entrent dans le petit sanctuaire montagnard, heureux d’être ensemble et d’avoir trouvé un lieu où chanter l’office. Attirés par la psalmodie, des gens du village voisin de Myans montent vers le sanctuaire, et c’est un effort méritoire car elle se trouve à 900 mètres d’altitude, désireux de s’unir à la prière de la communauté errante. Ils l’ignorent mais ce geste de piété va leur sauver la vie.

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Le village de Myans, au pied du Mont Granier.

Un grondement sourd monte du sol 

Dehors, le temps, tout à l’heure si beau, s’est brutalement couvert. Des nuées sombres, menaçantes, s’accumulent sur le Mont Granier, la montagne qui surplombe Myans de ses 1.939 mètres de hauteur, plongeant la vallée en plein jour dans l’obscurité. Le vent se lève, à croire qu’un orage tardif se prépare. Soudain, un grondement sourd monte du sol, la terre se met à trembler. C’est un séisme d’une telle violence qu’il sera ressenti jusqu’en Angleterre. Les gens se sont figés, muets, paralysés d’épouvante. Et voilà qu’un bruit épouvantable se fait entendre : la secousse sismique a provoqué l’effondrement d’une partie du Granier et des millions de mètres cubes de pierres, de terre et de rochers sont en train de glisser vers la vallée en dessous, sans que rien ni personne ne puisse les arrêter… Plus tard, les géologues diront que ce glissement de terrain est certainement le pire jamais enregistré dans les Alpes françaises. Non, nul ne peut prévoir un tel cataclysme, encore moins empêcher ses ravages…

Personne ? Les malheureux réfugiés dans la chapelle se sont, d’un seul élan, tournés vers la statue de Notre-Dame et ils la regardent, suppliants. Aux alentours, le bruit est terrifiant, infernal, et, d’ailleurs, les témoins diront avoir vu, de leurs yeux vu, une nuée de démons s’agiter sur le sommet et les pentes du Granier et s’acharner à provoquer l’éboulement. Explication naïve et superstitieuse d’une catastrophe naturelle propre à satisfaire un peuple ignorant ? On le dira, bien sûr, et l’on n’aura peut-être pas tort mais les moines présents dans la chapelle, et quelque peu plus savants, jureront, quant à eux, avoir entendu les maudits diablotins rétorquer à un esprit du mal supérieur qui leur reproche de ne pas s’activer à faire disparaître le sanctuaire marial : “Nous ne pouvons pas ! La Noire nous en empêche !”

Hormis la chapelle, il ne reste rien

La Noire, c’est la Vierge immaculée, que l’Écriture identifie à la fiancée du Cantique des cantiques : “Je suis noire mais belle, filles de Jérusalem” et sa main puissante s’étend, telle qu’elle est aujourd’hui représentée dans la crypte, au-dessus du dérisoire abri qui lui est consacré, rendant vains les efforts du Malin. Enfin, l’épouvantable bruit s’arrête, le sol ne bouge plus. Éperdus, les rescapés osent entrouvrir la porte et contemplent un spectacle de désolation.

Quant aux victimes, l’on n’en connaîtra jamais le nombre exact : entre cinq et dix-mille, prétendent les chroniques de l’époque

Hormis la chapelle, il ne reste rien à des lieues à la ronde du paysage familier. Cinq villages ont été rayés de la carte, qui ne seront jamais reconstruits et dont les ruines dorment désormais sous les eaux du lac de Saint-André, du nom du principal d’entre eux. Le désastre a soulevé de telles quantités de poussière que le soleil en sera, dans la région, voilé des mois durant. Quant aux victimes, l’on n’en connaîtra jamais le nombre exact : entre cinq et dix-mille, prétendent les chroniques de l’époque, moins d’un millier, disent aujourd’hui les historiens. Quoiqu’il en soit, proportionnellement au nombre d’habitants, la tragédie est monstrueuse. Mais elle s’est arrêtée, comme en témoignent les derniers rocs projetés dans la vallée, à quelques mètres à peine de la chapelle miraculée.

Certes, sismologues, géologues et autres vous expliqueront doctement qu’il n’y a là rien de prodigieux et que la typologie de l’endroit, au bout d’une langue de terrain, suffit à justifier que l’éboulis ne l’ait pas atteint, ni aucun autre par la suite. Ce n’est pas, en tout cas, l’opinion des rescapés qui garderont pieusement le souvenir de la protection mariale et ne cesseront d’embellir le sanctuaire et d’y monter prier Notre-Dame de Myans afin qu’elle les préserve des dangers de la montagne et de l’existence. Leurs descendants s’y rendent toujours, mais ce sont d’autres grâces qu’ils demandent désormais : redonner du travail aux chômeurs, et garder les familles de la mésentente, des déchirures et du divorce. Il semble qu’ils soient souvent exaucés.

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