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Interdire l’exploitation des fonds marins, un paradoxe abyssal ?

Polynesie-mer

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Canyon sous-marin, île de Huahine, océan Pacifique, Polynésie française.

Fabrice de Chanceuil - publié le 22/12/22

En soutenant à la COP15 l’interdiction de l’exploitation des grands fonds marins, la France paraît se priver d’une mine considérable de ressources et d’innovations, mais elle ne renonce pas à explorer ses zones maritimes exclusives.

Secrétaire d’État à la Mer, Hervé Berville s’est rendu le 15 décembre dernier à la XVe conférence des parties (COP15) de la Convention sur la diversité biologique qui se tient à Montréal (Canada), où il a rappelé l’opposition de la France à l’exploitation minière des grands fonds. Il a cherché à rallier à cette cause de nouveaux États. Cette opposition est-elle une juste option pour un pays qui possède le deuxième espace maritime au monde et dispose de potentialités très fortes en ce domaine au large de certains de ses territoires ? Le 7 novembre dernier, en ouverture de la COP27 de Charm el-Cheikh, le président Emmanuel Macron avait déclaré sans ambages que “la France soutient l’interdiction de toute exploitation des grands fonds marins” et qu’il porterait cette position dans les enceintes internationales.

Le défi de la réindustrialisation

Cette position peut paraître paradoxale alors que, depuis la crise sanitaire, la désindustrialisation de la France a été plus d’une fois dénoncée et que le gouvernement a fait de la réindustrialisation de notre pays un des axes forts de sa politique. Or par cette attitude, la France renonce à ouvrir un grand chantier industriel où tout est à faire et pour lequel elle dispose d’atouts manifestes. D’ailleurs, lors de la présentation du plan France 2030, en octobre 2021, le même président Macron avait déclaré : “Qui peut accepter que nous laissions en quelque sorte dans l’inconnu la plus complète une part si importante du globe ? Il y a des familles d’innovations derrière l’exploration des grands fonds marins qui sont inouïes.” De fait, le fond des océans est couvert de nodules polymétalliques constitués essentiellement d’oxyde de fer et de manganèse mais comprenant aussi du cobalt, du nickel ou encore du cuivre. Connues depuis les années 1960, des consortiums se sont constitués pour explorer ces ressources mais se sont heurtés à des défis techniques importants. Toutefois, la découverte plus récente de terres rares, particulièrement recherchées pour les batteries électriques, a de nouveau aiguisé les convoitises.

L’impact sur la faune et la flore des abysses

De leur côté, les organisations non gouvernementales (ONG) de protection de l’environnement s’opposent à toute exploration des fonds marins dans une perspective d’exploitation, en raison de l’impact des travaux effectués sur la faune et la flore des abysses, le ratissage par herses soulevant des sédiments qui peuvent ensevelir des quantités d’êtres vivants sur des kilomètres.

Pour passer de l’exploration à l’exploitation, il faudrait disposer d’un code minier international.

Pour autant, ces recherches ne sont pas effectuées sans contrôle puisque, depuis 1994, a été créée l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) chargée de délivrer les permis d’exploration dans les eaux internationales échappant à la souveraineté des États côtiers. Pour passer de l’exploration à l’exploitation, il faudrait disposer d’un code minier international. L’AIFM est chargée de sa rédaction mais celui-ci n’a pas abouti à ce jour, d’autant que ses opposants s’appliquent à faire capoter tout accord. Au sein même de l’Autorité, des voix s’élèvent pour un moratoire qui pourrait finalement s’imposer.

C’est aussi dans ce contexte qu’il faut appréhender la nouvelle position française. En tout état de cause, celle-ci ne doit pas être considérée comme un alignement sur les demandes des ONG écologistes. Deux explications distinctes et même opposées peuvent éclairer ce choix. Tout d’abord, en raison même de la désindustrialisation de notre pays, il n’y a aujourd’hui aucune industrie ni même d’entreprise clairement identifiée dans les contrats miniers français. Ces contrats sont exclusivement opérés aujourd’hui par l’Institut français de recherche pour l’exploration de la mer (Ifremer), organisme public voué à la recherche scientifique sans perspective de passer de l’exploration à l’exploitation. Dans cette hypothèse, la France renoncerait faute de pouvoir tirer profit de cette possible manne.

Le cas des eaux sous souveraineté française

A contrario, il faut noter que la position française ne concerne ici, au regard des instances où elle s’est exprimée, que les grands fonds marins dans les eaux internationales sans affecter les eaux sous souveraineté ou juridiction française. Et, de fait, dans son discours précité d’octobre 2021, le président de la République mentionnait : “Nous avons dans nos zones économiques exclusives la possibilité d’avoir accès à ces explorations qui est un levier extraordinaire à la compréhension du vivant, peut-être d’accès à certains métaux rares.” Dans ce cas, la France s’attacherait à se donner une bonne image environnementale au plan international tout en se réservant le droit de développer son économie sur son territoire, en l’occurrence celui de la Polynésie française, le plus concerné par ces richesses. Faut-il rappeler que, pour la première fois, le président français s’est aussi exprimé en novembre dernier devant le Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) ? Certains y verront une duplicité, d’autres, plus simplement, une nouvelle manifestation du “en même temps” macronien.

Tags:
biodiversitéÉcologieFrancemer
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