L’humanisme né d’un retour aux sources de l’Antiquité et de la mise en avant de l’homme au sein de la nature va, dès le XVIe siècle, influencer notablement les arts sacrés. Le coup de tonnerre résultant des dénonciations posées par Luther et le développement de la Réforme vont, en effet, avoir des conséquences déterminantes notamment sur la lecture de la Bible avec la sola scriptura, seule l’Écriture compte, pas l’image.
Ce retour au sens littéral des Écritures va s’accompagner d’une méfiance à l’égard de l’image qui rejoint l’interdiction biblique du culte des idoles imposée par le Deutéronome dans l’Ancien Testament.
Les dérives des indulgences, l’immense pouvoir temporel réunit aux seules mains du Pape et des princes de l’Église vont engendrer une critique radicale et complète de la chrétienté romaine pour imposer une nouvelle lecture de la Bible de la part des Réformateurs souhaitant élaguer tout ce qui l’encombrait. Ce retour au sens littéral des Écritures va s’accompagner d’une méfiance à l’égard de l’image qui rejoint l’interdiction biblique du culte des idoles imposée par le Deutéronome dans l’Ancien Testament. Ce rigorisme allait ainsi avoir des conséquences irréversibles sur les arts sacrés de cette époque avec une nouvelle vague d’iconoclasme (destructions des images) que l’occident n’avait pas connu depuis des siècles…
Réformateurs contre catholiques
Cette fracture radicale entre réformateurs et catholiques allait, en effet, engendrer l’un des plus importants schismes que la chrétienté ait connu depuis la séparation avec les orthodoxes. Luther suivi de Calvin vont ainsi dénoncer le culte des images qui avait cours au sein de l’Église, non point pour refuser l’art en tant que tel, mais les abus auxquels il avait conduit dans le christianisme. Il était en effet pratique courante à cette époque que des prières soient récitées devant des images sacrées en contrepartie d’indulgences accordées par l’Église moyennant rétribution de sommes d’argent.
Cette mercantilisation de l’image et de la foi éloignait, selon les réformateurs, le fidèle du vrai chemin. Sans interdire toute image – les Bibles illustrées par Lucas Cranach et Hans Holbein le Jeune en témoignent – Luther n’entend cependant pas faire de ces dernières un support d’évangélisation et de prédication de la Parole. Le fidèle doit être initié directement aux sources mêmes de la Bible et non point, selon Calvin, par ses représentations sacrées, d’où le vaste mouvement des traductions de la Bible en langues courantes. Seuls les arts oratoires et la musique sacrée étaient tolérés pour accompagner cette priorité donnée à la Parole.
Une condamnation relative de l’image
Ainsi, contrairement à l’idée reçue, le mouvement réformateur au sein de la chrétienté ne bannira pas totalement l’art religieux et les images en tant que telles, mais conduira à un nouveau questionnement à leur égard. Certaines images sacrées sont radicalement écartées des temples réformés, notamment toutes celles relatives au culte marial et à l’intercession de la Vierge Marie et des saints, mais également celles évoquant la peur et l’effroi du Christ souffrant. En revanche, des images allégoriques – telles celles représentées par le grand peintre allemand Lucas Cranach l’Ancien dans son Allégorie de la Loi – seront tolérées en ce qu’elles encourageaient le fidèle à poursuivre et nourrir son enseignement de la foi. Le baptême du Christ, la représentation de Dieu le Père et de la Trinité et bien d’autres thèmes conduisant non point à l’adulation, mais à la méditation du fidèle se développeront alors au sein du protestantisme qui privilégiera toujours, en tout état de cause, les arts musicaux plus propices dans cette non-figuration de Dieu.