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Euthanasie : soin ou menace ultime ?

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BSIP via AFP

Le projet de loi qui sera bientôt présenté par le gouvernement devrait contenir la question des soins palliatifs et celle de l'aide active à mourir.

Jean-Marie Gomas - publié le 09/01/23

Alors que les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie se sont retrouvés pour une troisième session, les 6, 7 et 8 janvier, l'un des fondateurs du mouvement des soins palliatifs en France, le docteur Jean-Marie Gomas, voit dans l’euthanasie une véritable rupture anthropologique. Il regrette l’ignorance des Français sur la réalité humaine des soins palliatifs, dont l’expérience permet de redonner du sens et de la dignité à la fin de vie.

“Je ne veux pas souffrir…” “Je ne veux pas devenir comme un légume, et perdre ma dignité…” Tous les jours des personnes bien portantes l’affirment — ce qui reflète sûrement une des aspirations de notre société contemporaine : il faut vivre debout, en bonne santé, si possible riche et sans ennuis, et surtout, surtout, surtout, sans contraintes, sans maladie, ni finitude, et sans subir “les désagréments de la fin de vie”. Souvent, la fin de vie est décrite comme horrible “dans des hurlements de douleur” et des “souffrances atroces”, avec une ignorance des textes et des lois qui permettrait son soulagement. Quand Line Renaud répète régulièrement : “Je ne veux pas qu’on me prolonge, donc je veux décider de ma mort”, qu’elle se rassure, personne n’a envie de la prolonger… ! Pas plus elle, ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs, parce que tout d’abord ce n’est pas humain de prolonger “inutilement” quelqu’un, qu’ensuite l’acharnement thérapeutique est illégal depuis 2005, et qu’enfin l’arrêt d’un traitement inutile n’a rien à voir avec une euthanasie.

L’expérience des soins palliatifs

Il est très édifiant de discuter avec des personnes en bonne santé : la majorité d’entre elles ignore ce que sont réellement les soins palliatifs. Quant aux personnes malades qui demandent l’euthanasie, elles sont souvent soignées dans de mauvaises conditions, par insuffisance de propositions de soins palliatifs adaptés. La discussion est donc vite un dialogue de sourd : leur conviction que “choisir leur mort” représente le summum de leur dignité et de leur liberté est inébranlable. Pourtant les expériences humaines de dizaines de milliers de personnes, accompagnées par des milliers de professionnels du soin disent tout autre chose… La fin de vie peut avoir du sens jusqu’au bout lorsque vous êtes accompagné par une équipe compétente. L’agonie ne se vit pas forcément dans le coma ou avec des hurlements de douleur — même elle peut être certes compliquée, conflictuelle, à l’image de la vraie vie… Ces questionnements ultimes des malades nécessitent de l’humilité, de l’écoute, du temps qui passe… avec la présence des familles, bien sûr ! mais aussi des soignants et des bénévoles, en nombre suffisant et bien formés, ce qui est loin d’être le cas partout, dans un système de santé sinistré.

La confrontation à la finitude déchaîne une insupportabilité qui fait vouloir effacer la fin de vie, supprimer les liens ultimes.

Certes, quelques malades (sur 610.000 décès annuels…), soigneusement coachés et valorisés par des militants de l’euthanasie, ne veulent pas d’accompagnement palliatif. Ce serait formidable que les journalistes déploient autant d’énergie à faire témoigner des familles satisfaites du suivi palliatif de leurs proches, qu’à faire parler les très rares malades qui choisissent une mort provoquée. La confrontation à la finitude déchaîne une insupportabilité qui fait vouloir effacer la fin de vie, supprimer les liens ultimes. Or ce temps reste pleinement utile. En quoi cet “inéluctable” serait-il un passeport obligatoire pour l’euthanasie ? 

Une injure aux soignants

Par ailleurs, nombre d’intellectuels prenant la parole sur le sujet sont dans une abstraction ignorante des réalités et de l’expérience de terrain, ce qui induit des confusions et colporte des informations erronées. Je mettrai sans hésiter zéro à leur copie d’examen s’ils étaient mes étudiants ! Par exemple, quand la sédation profonde et continue est présentée comme une euthanasie : ont-ils seulement lu le document de la Haute Autorité de Santé définissant cette pratique, qui s’impose à tous, s’attachant à préciser les différences fondamentales entre ces deux gestes ?

L’euthanasie est une véritable rupture anthropologique. Or une majorité du Parlement s’y déclare favorable, tout comme les deux ministres et les responsables du Conseil économique et social environnemental (CESE) chargé de piloter la convention citoyenne sur la fin de vie… Que vont pouvoir dire les membres de cette convention citoyenne et le président de la République qui s’est, de plus, bien imprudemment fourvoyé en parlant de l’“exemple belge” (dont les dérives incontestables sont tout sauf un exemple) ? Convention citoyenne qui d’ailleurs est d’emblée orientée puisque le CESE a eu le cynisme de faire commencer les auditions par le témoignage d’un… “euthanasieur” belge et d’un “suicideur” suisse ! Quelle injure aux soignants de notre pays qui accompagnent tous les jours les malades, et à la loi, qui depuis 1999 s’engage à offrir à tous des soins palliatifs adaptés ! 

Suicide assisté ou euthanasie ?

À reculons, peut-être bientôt contraints et forcés par un parlement inconscient des enjeux, nous ne pourrons nous opposer au suicide assisté modèle Oregon ou Autriche : ce sera alors un problème de choix de société, pas une question médicale. La liberté et l’autonomie seront laissées au patient, jusqu’au bout, de ne pas vivre. Le suicide assisté verra sûrement des dérives, hélas, mais beaucoup moins que l’ouverture à l’euthanasie ; en outre le professionnel n’y est pas celui qui administre la mort. Car jamais, jamais, aucun soignant, aucun médecin, ne doit avoir la permission d’administrer la mort. 

Jean-Marie Gomas, Pascale Favre, Fin de vie : peut-on choisir sa mort ? Prix des lecteurs des AFC, éditions Artège, 2022, 256 pages, 18€.

Tags:
EuthanasieFin de vie
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