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Ces paroles de flatteurs qui manipulent

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SuperStock / Aurimages

Gerrit van Honthorst, Le Christ devant le grand prêtre, 1617, Londres, National Gallery of Art.

Jean-François Thomas, sj - publié le 17/03/23

La manipulation n’est pas une invention contemporaine, comme le montrent tous les pièges que les adversaires de Jésus lui ont tendu. Mais le premier piège est celui de notre amour-propre dans lequel nous enferme la parole des flatteurs.

Tandis que nous nous préparons à revivre les étapes douloureuses de la Passion de Notre Seigneur, la méditation des Saintes Écritures remet devant nos yeux les contorsions de ses ennemis pour Le prendre au piège. Tout passe par la parole. La manipulation n’est pas une invention contemporaine mais, au cours du temps, elle s’est munie de nouvelles armes, surtout depuis la perversion de l’intelligence il y a deux siècles de cela. Rien de nouveau sous le soleil donc, sauf une perversion plus affinée, plus redoutable, mais d’Absalom, fils de David désirant s’approprier le trône, son père le psalmiste écrivait déjà (Ps 54, 22) : “Ses discours sont plus doux que l’huile, mais ils sont en même temps des javelots.” 

La parole perverse

Telle est une caractéristique de la parole perverse : prendre l’apparence du miel mais toucher sa cible comme un poison instantané. Certaines personnes sont passées maîtres en cet art, ceci dans toutes les sphères de la société, et le monde religieux n’y échappe pas, s’y expose même puisque la parole y occupe une place essentielle, normalement au service du Verbe qu’est le Christ, mais parfois dévoyée pour des motifs trop humains, des tentations de pouvoir.

Les adversaires de Jésus, ceux du milieu des pharisiens, des scribes, des docteurs de la Loi, des prêtres, furent de véritables serpents maniant à leur profit la parole, disant une chose pour en cacher une autre, tendant une perche pour mieux faire tomber dans leur piège. Il suffit de reprendre quelques scènes évangéliques pour se rendre compte du phénomène, de son ampleur, de son efficacité dans la pratique de ceux qui désirent nuire, détruire, ou tout simplement humilier ou exercer leur pouvoir. 

Après que Jésus eut proclamé sa parabole sur le festin des noces, saint Matthieu rapporte (Mt 22, 15-17) :

Alors les pharisiens s’en allant se concertèrent pour le surprendre dans ses paroles. Ils envoyèrent donc leurs disciples avec des hérodiens, disant : Maître, nous savons que vous êtes vrai, que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité, et que vous n’avez d’égard à qui que ce soit, car vous ne considérez point la face des hommes. Dites-nous donc ce qui vous en semble : Est-il permis de payer le tribut à César, ou non ?

La parole est doucereuse, huileuse. Elle semble être favorable alors qu’elle est une nasse pour tromper la proie convoitée. Ne faut-il pas se méfier des flatteurs ? L’avertissement n’est pas simplement une jolie morale à propos d’un fromage de la plus célèbre des Fables de Jean de La Fontaine : “Le Renard s’en saisit, et dit : “Mon bon Monsieur, / Apprenez que tout flatteur / Vit aux dépens de celui qui l’écoute : / Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.” / Le Corbeau, honteux et confus, / Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus” (Le Corbeau et le Renard). 

Le traquenard est au point

Le flatteur hypocrite n’a que faire de l’admiration qu’il est censé éprouver pour l’autre. Il cherche avant tout à séduire, c’est-à-dire à attirer vers lui-même afin que sa victime épouse ses dires et devienne sa prisonnière. Le stratagème monté par les ennemis du Christ est adroit puisqu’il reprend apparemment l’exigence de droiture et de vérité du Maître. Quelle que soit la réponse du Christ, le traquenard est au point et Jésus ne peut que faire un faux pas, ce qu’Il déjoue bien sûr parce qu’Il connaît le cœur de l’homme et à quel point l’intelligence malade peut être perverse. 

Nous sommes hélas parfois beaucoup plus naïfs, et, comme par ailleurs nous sommes orgueilleux et remplis d’amour-propre, nous nous persuadons que les flatteries tordues qui nous sont adressées sont nécessaires à notre vie, à notre équilibre, alors qu’elles nous minent et finissent par nous détruire. Il est un constat humain très simple : ceux qui s’empressent le plus de dresser des piédestaux, sont les mêmes qui abattent les statues qu’ils ont érigées.

Dès le premier instant, ils savent comment exalter faussement afin de mieux écraser. Lorsque le Christ guérit un homme à la main desséchée un jour de sabbat, il apostrophe cette “race de vipères” (Mt 12, 34) :

Or je vous dis que toute parole oiseuse que les hommes auront dite, ils en rendront compte au jour du jugement. Car c’est par tes paroles que tu seras justifié et par tes paroles que tu seras condamné. (Mt 12, 36-37)

Aussitôt, comme si de rien n’était, certains de ceux qu’Il vise réagissent “innocemment” (Mt 12, 38) :

Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens prirent la parole après lui, disant : Maître, nous voulons voir un miracle de vous.

Ils ne procèdent pas autrement que Satan tentant Notre Seigneur à la fin de sa quarantaine dans le désert : demander des miracles, feignant le respect et l’admiration, flatter en essayant de trouver le point faible.

L’amour-propre peut creuser notre tombe

Piéger la personne en utilisant des éléments vrais enrobés de mensonge, lui faire douter de sa propre bonne foi, de sa rectitude, telle est la manœuvre. Saint Luc rapporte la réaction des pharisiens et des docteurs après que Jésus les eut apostrophés durement (Lc 12, 53-54) :

Comme il leur disait ces choses, les pharisiens et les docteurs de la loi commencèrent à le presser, et à l’accabler d’une multitude de questions. Lui tendant des pièges, et cherchant à surprendre quelque parole de sa bouche pour l’accuser.

Ils sont donc pendus à ses lèvres, désireux qu’Il dérape.

Un seul mot de travers suffirait, ce mot que, trop souvent, nous laissons échapper parce que séduits par ces enjôleurs… Bien entendu, cela ne se produisit pas avec le Christ, malgré les constantes manipulations de ses adversaires, puisqu’Il était insensible à cette gloire humaine, lui qui avait fait le sacrifice de la gloire divine dans l’Incarnation, mais son incessant combat est une invitation qu’Il nous adresse à nous tenir toujours éveillés afin de résister à cette tentation. 

Le Seigneur traverse son procès et sa condamnation sans avoir rien concédé à ses ennemis (…) car sa parole est d’une pièce, sans faille, contrairement à la nôtre par les interstices de laquelle peuvent s’introduire les voix mauvaises

La plupart des êtres ont besoin de reconnaissance, de valorisation. Y céder est très risqué car d’autres, pervers, sont à l’affût pour profiter de cette faiblesse. L’amour-propre peut creuser notre tombe. Léon Bloy écrivait justement dans son Exégèse des lieux communs :

““Avoir de l’amour-propre.” — La femme du chef de bureau a de l’amour-propre et la concierge a son amour-propre. Mais c’est toujours le même bijou. “Je sors de chez moi pour n’y plus rentrer”, a dit, un jour, sainte Catherine de Gênes, et c’est un des plus grands mots qu’on ait entendus. L’amour-propre consiste à être toujours chez soi. On a remarqué que les honnêtes gens sortent plus rarement que les assassins. C’est la seule différence considérable entre les deux genres.”

Le saint, comme disciple, sort de “chez lui”, à l’image du Maître. Les efforts des ennemis est de l’attirer chez eux en le poussant à se replier sur lui-même, à se considérer comme un dieu avant qu’ils ne l’achèvent en révélant leur imposture.

Se méfier des sirènes

Le Seigneur traverse son procès et sa condamnation sans avoir rien concédé à ses ennemis. Il est une forteresse imprenable car sa parole est d’une pièce, sans faille, contrairement à la nôtre par les interstices de laquelle peuvent s’introduire les voix mauvaises de ceux qui veulent du mal. Il ne suffit pas d’être intelligent pour éviter les pièges car il y a toujours plus adroit et plus raisonnable. Il faut, en revanche, se méfier des sirènes, de toutes ces promesses flatteuses et menteuses qui nous font baisser la garde et nous enfermer dans notre “chez nous” trompeur.

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