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[HOMÉLIE] Le bon grain de l’Évangile se sème en sortant, sans s’endormir

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Domaine public

Jean-Thomas de Beauregard, op - publié le 22/07/23

Le frère Jean-Thomas de Beauregard, dominicain du couvent de Bordeaux, commente l’évangile du 16e dimanche du temps ordinaire (Mt 13, 24-43). Tout baptisé a pour mission de sortir, à la suite du Christ, pour semer le bon grain de l’Évangile. En veillant à ne pas s’endormir pour laisser l’ennemi semer l’ivraie dans les cœurs.

Saint Augustin, évêque d’Hippone, concluait son sermon sur l’Évangile du bon grain et de l’ivraie par une question rhétorique : “Croyez-vous, mes frères, que l’ivraie ne monte pas jusqu’à l’abside ?”, c’est-à-dire jusqu’à l’endroit depuis lequel l’évêque, lui-même donc, présidait et prêchait. Il s’incluait ainsi dans le péché qu’il dénonçait, ce qui est tout de même plus élégant que de battre la coulpe de l’Église sur l’épaule de nos aïeux ou de tel ou tel, forcément l’autre. 

Des pécheurs dans la sainte Église

Ainsi donc au IVe siècle, un évêque — docteur de l’Église et saint, même s’il ne l’a jamais su… — n’hésitait pas à affirmer comme allant de soi que dans le champ de l’Église, le péché se trouve à tous les niveaux, depuis le moindre laïc jusque dans le clergé et même jusque parmi les successeurs des apôtres que sont les évêques. Ce qui ne l’empêchait pas d’affirmer par ailleurs la sainteté de l’Église, qu’il n’hésitait pas à identifier au Royaume de Dieu. Saint Augustin écrit ainsi  (Cité de Dieu, I, 35, 47, 34) : 

De même, au sein de la cité de Dieu, pendant du moins qu’elle accomplit son voyage à travers ce monde, plus d’un qui est uni aux frères par la communion des mêmes sacrements, sera banni un jour de la société des saints. […] Les deux cités, en effet, sont mêlées et confondues ensemble pendant cette vie terrestre jusqu’à ce qu’elles se séparent au dernier jugement.

Si l’Église est sainte quoique mêlée de pécheurs, c’est que les dons de Dieu — le Christ, l’Évangile, les sacrements — demeurent inaltérables dans l’Église, et façonnent l’humanité pardonnée pour en faire une humanité sainte sous le regard de Dieu. Tant que cela demeure intègre — le Christ, l’Évangile, les sacrements —, le vase — l’Église — peut être fragile, la sainteté fleurira.

Sortir pour semer

Si l’on revient à l’Évangile, Jésus y fait preuve d’habileté paysanne — il moissonne dans les règles de l’art — mais aussi d’un sens écologique polarisé par l’eschatologie — il pratique le tri sélectif en vue des fins dernières —. En l’occurrence, il charge les anges de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie, entre les brebis et les boucs, entre les élus et les damnés. Mais le tri ne sera opéré qu’à la fin des temps. Voilà qui heurte notre désir profond d’une justice immanente, où les méchants sont punis dès maintenant, mais soulage notre conscience inquiète, qui veut être pardonnée sans délai tandis que notre conversion, elle, est toujours repoussée au lendemain. En attendant la moisson définitive de la fin des temps, il importe de ne pas oublier les leçons de la parabole. Et d’abord que le Christ, le semeur divin, est sorti pour semer.

Tout baptisé a pour mission, à la suite du Christ, de sortir pour semer l’Évangile dans les cœurs.

Depuis la béatitude éternelle de la Trinité, le Verbe est sorti et s’est fait chair pour semer la grâce sur le champ du monde. Ce mouvement de sortie de la Tête — le Christ —, il appartient au Corps — l’Église — de l’emprunter à son tour. C’est ce que le pape François appelle une “Église en sortie”. Tout baptisé, tout membre du Corps du Christ qu’est l’Église a pour mission, à la suite du Christ, de sortir pour semer l’Évangile dans les cœurs. Et de même que le Christ n’a pas quitté la béatitude la Trinité en s’incarnant, aucun baptisé ne quitte la vie de la grâce en sortant de l’église-bâtiment, en sortant de son domicile, en sortant de soi surtout, ce qui est peut-être le plus difficile, pour annoncer la Bonne Nouvelle au monde.

Dieu a toujours l’initiative

Au titre de la consolation, il faut observer que dans la parabole le premier mouvement a été celui du semeur sorti semer du bon grain. L’ennemi, et avec lui l’ivraie, ne sont arrivés qu’ensuite. Autrement dit, Dieu et sa grâce sont toujours premiers. Dieu a l’initiative. Satan et le mal avec lui arrivent toujours après. Dans la partie d’échecs qui se joue à l’échelle de l’histoire, Satan a toujours un ou deux coups de retard. Et même lorsqu’il agit, il le fait à la manière d’un parasite, qui se nourrit du vivant en le détruisant. Le démon ne sait que défaire, détruire. On se rappelle la parole de Dieu à sainte Catherine de Sienne dans le Dialogue : “Je suis celui qui est, tu es celle qui n’est pas.” Au Diable, Dieu aurait pu dire : “Je suis celui qui fait, tu es celui qui défait.” Mais pour cette raison même, nous savons qu’à la fin, Dieu triomphe toujours. 

Dans la parabole, après avoir semé l’ivraie, l’ennemi s’en va. Pourtant, alors même qu’il n’est plus là, son œuvre continue à s’accomplir. L’ivraie pousse sans même qu’il ait à intervenir davantage. Est-ce que le mal se répandrait de lui-même, comme le bien ? Non. Il faut supposer alors une collaboration active de l’homme au mal. C’est le drame de la liberté humaine : nos actes bons sont toujours une coproduction entre Dieu et nous, avec une priorité à Dieu de surcroît, qui suscite, accompagne et fait porter du fruit, tandis que nous coopérons à sa grâce ; le péché, lui, est l’œuvre propre de l’homme. C’est même la seule chose qu’il parvient à faire tout seul.

Qui s’endort ?

Si l’ivraie croît dans le champ, ce n’est jamais l’œuvre de Satan seul, c’est qu’il trouve en nous des complices. Par action ou bien par omission : le monde s’enfonce dans le péché par l’œuvre des méchants et de leurs complices, mais aussi par l’inaction des hommes de bonne volonté. Et c’est ce qui mène à la dernière leçon de la parabole : l’ennemi n’arrive dans le champ et ne parvient à ses fins qu’au moment où les hommes — les bons — dorment.

Qui s’endort, laissant le champ — le monde, l’Église — entre les mains de Satan ? Les autres, forcément les autres : les évêques, le Pape, tel prêtre, ce frère ou cette sœur que je n’aime pas… Les autres, évidemment. L’enfer, c’est les autres. Le miroir de notre cœur a parfois des angles morts… Prions pour veiller, et ne pas laisser l’ennemi semer l’ivraie dans nos cœurs.

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