Saint Ambroise écrivait “chaque travailleur est la main du Christ qui continue à créer et à faire du bien”. Consultant, caissière, médecin, PDG ou mère de famille, tous nous contribuons à cette création de valeur qui ne réside pas tant dans la production ou les résultats que dans la manière dont ils ont été obtenus. Quel est le regard que l’Église porte sur le travail et pourquoi est-ce intéressant de recueillir cet éclairage moral et spirituel afin de faire de notre travail un moyen de sanctification ?
Trois papes ont, en particulier, planché sur la question du travail et le sens qu’il donne à la dignité de l’Homme : nous devons l’encyclique Rerum Novarum (1891) à Léon XIII, l’encyclique Quadragesimo Anno(1931) à Pie XI et la lettre encyclique Laborem Exercens(1981) à Jean Paul II. Le catéchisme de l’Église Catholique et le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église dessinent eux aussi le cadre dans lequel le travail doit s’inscrire pour être un lieu d’accomplissement plénier de la personne humaine et porter une valeur spirituelle.
Une réflexion constante de l’Église sur le travail
L’Église a donc cherché à apporter la Bonne Nouvelle, à travers des réponses concrètes et ajustées, éclairées par l’Histoire et l’anthropologie chrétiennes, aux problématiques soulevées par le contexte socio-économique et à ses conséquences sur les personnes. L’expression du travail, au lendemain du covid, n’est pas la même que celle qu’interrogeait Léon XIII dans Rerum Novarum, de même que l’épanouissement d’un salarié aujourd’hui ne repose pas sur les mêmes critères que le travailleur d’avant-guerre.
L’homme doit travailler pour subvenir à ses besoins, nécessité que souligne saint Paul dans sa deuxième lettre aux Thessaloniciens (2Th 3 ;10-13), mais il peut transcender cet aspect alimentaire pour, à l’invitation de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, “faire les choses ordinaires de façon extraordinaire”. Ce “devoir” (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 2427) devient alors “la collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu dans le perfectionnement de la création” (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 378). Outre le fait de subvenir aux besoins primaires, le travail apporte à une personne une dignité qui n’a jamais été mieux définie qu’à travers l’anthropologie chrétienne.
Comment vivre l’esprit de l’Évangile dans son travail ?
L’Église nous offre donc son éclairage afin que nous puissions, dans un espace-temps donné, vivre de l’esprit de l’Évangile et œuvrer à établir le règne du Christ dans notre vie et dans le monde qui nous entoure.
Le travail peut être le lieu d’une réalisation personnelle si nous nous laissons guider par l’enseignement moral et spirituel de l’Église. Pour cela, il convient de s’attarder sur plusieurs points d’attention :
Connaître ses talents
Certains métiers, chirurgien, pompier, institutrice sont souvent soulignés comme des vocations, car ils nécessitent un engagement professionnel impliquant toutes les dimensions de la personne, au détriment parfois d’une qualité de vie personnelle. Pourtant, le travail peut être vécu comme une vocation dès lors que l’on considère que notre action individuelle, sollicitant l’emploi de talents intrinsèques, concourt au bien commun, dans le respect de la dignité de chacune des personnes avec lesquelles et pour lesquelles nous travaillons.
Pour donner un sens chrétien à notre travail, commençons par nous demander quels sont les talents intrinsèques que nous avons reçus. Quels éléments de notre personnalité peuvent devenir des forces si elles sont sollicitées par des fonctions adaptées ? Une personne peut être qualifiée de “maniaque” par son entourage, mais ce sens de l’ordre et de l’organisation peuvent devenir des qualités professionnelles si la personne exerce une fonction dans la sécurité, la logistique ou encore la planification. De même, une personne créative fera des merveilles dans la communication par exemple, mais ne sera pas appréciée à sa juste valeur dans la finance par exemple.
Quels sont mes talents ? Quelle signature suis-je appelé à laisser dans le monde ? Mères au foyer, qui exercez le “plus beau métier du monde”, vous ne recevez pas de salaire, mais le travail que vous effectuez revêt un prix inestimable, car il s’agit de former des âmes. Posez-vous aussi la question : quels sont mes talents, quelle est la signature de cette mission que j’accomplis ? Vous trouverez sans doute beaucoup de joie en soulignant ainsi les qualités qui s’expriment dans un quotidien parfois peu gratifiant.
Faire de son mieux
Une autre piste pour donner un sens chrétien à son travail est de faire de son mieux, première chose qu’apprennent les plus jeunes quand ils font leurs premiers pas dans le scoutisme. Ainsi, cette signature chrétienne sera celle de la charité perçue dans un effort de donner le meilleur de soi-même.
Offrir
Derrière la sublimation dont on revêt parfois le travail se cachent souvent de la peine, des difficultés : c’est la nuance que prend le mot “kopos”, utilisé 14 fois dans la Bible dont dix fois dans les épîtres de Paul, pour exprimer le travail. Nous sommes parfois astreints à des tâches peu épanouissantes et nombreux sont ceux, qui, à cause de leur travail, ont vécu des épreuves particulièrement douloureuses telles que des burnouts.
Cependant ces difficultés, ces échecs et ces moments difficiles sont aussi des lieux où notre travail prend une dimension spirituelle si nous nous en remettons à plus grand que nous, si nous offrons aussi ce qui nous dépasse.
Le Christ, par son incarnation, est venu apporter une dimension verticale à cette réalité terrestre très horizontale qu’est le travail accompli pour subvenir à ses besoins. Au croisement des deux se trouve le sens chrétien du travail, là où la Croix donne un sens et une direction à ce que nous vivons ici-bas. Saint José Maria Escriva, a particulièrement témoigné de notre appel à vivre chacun la sanctification du travail au milieu du monde en sanctifiant le travail, en se sanctifiant au travail et en sanctifiant les autres par notre travail. L’heure de la retraite, ou tout du moins d’une retraite spirituelle, ne connaît pas de limite d’âge. Saisissons donc un temps, dans nos vies bien prises par nos sollicitations professionnelles, pour goûter la richesse de l’enseignement doctrinal et des figures de sainteté qui l’ont illustré pour faire de notre travail, un lieu de sanctification.