“Pour faire un brave mousquetaire, il faut avoir l’esprit joyeux, bon cœur et mauvais caractère.” Je me rappelle avoir entendu chanter dans mon enfance cet extrait des Mousquetaires au couvent de Louis Varney que chantait inlassablement un ancien chasseur dont j’ai oublié le nom, un très vieux monsieur devenu cul de jatte et obèse après un accident, qui ne pouvait plus sonner de trompe, ni évidemment monter à cheval, mais qui avait gardé le feu sacré. Il chantait depuis son fauteuil roulant “bon cœur et mauvais caractère”. Il nous exhortait à reprendre le refrain avec lui et nous avions le tort de nous moquer un peu de lui.
Je ne sais pas pourquoi ce souvenir me revient. Peut-être parce que l’actualité nous fait tous les jours comprendre qu’avoir bon cœur et mauvais caractère n’est plus à la mode. Regardons nos politiques : ils ont tous bon caractère. Ils subissent avec une patience souriante les humiliations que les médias leur imposent. Ils ne se vexent pas. Ils nous font des risettes. Ils sont gentils. Mais regardons les de plus près encore : ont-ils bon cœur ? Hélas, non, ils n’ont pas bon cœur. Ils ne pardonnent rien. Ils sont accaparés par la haine vigilante de leurs pairs. “Bon caractère et cœur méchant” : voilà l’exemple qu’ils nous donnent. On pourrait en trouver mille exemples.
Sauvé par le rugby
J’en vois un, tout récent, qui est cette malheureuse affaire de Fabien Chalureau. Que ce rugbyman brillant, appelé par Fabien Galthié en équipe de France, ait le tort d’être l’objet d’une plainte pour insultes racistes de la part de joueurs toulousains après une algarade suivant une soirée trop arrosée donne lieu à des déversements de haine. Chalureau nie les faits, il jure qu’il n’est pas raciste, il fait appel, il n’a pas été définitivement condamné, il est donc présumé innocent, mais son cas reste du pain béni pour les esprits à mauvais cœur et bon caractère qui peuplent la France insoumise (LFI). Des députés deviennent sélectionneurs. La France insoumise : est-il marque plus paradoxale que celle-là ? La France insoumise est insoumise aux faibles et soumise aux forts. Soumise à l’esprit du temps. Insoumise aux hommes blessés. Tout le contraire de l’esprit mousquetaire.
Qu’y a-t-il à craindre de Fabien Chalureau, colosse tombé à terre ? Cet homme meurtri, qui sans doute a ses failles mais que manifestement le rugby a sauvé, l’élégance aurait été de lui tendre la main. Mais l’élégance a disparu de notre paysage médiatique. L’esprit mousquetaire l’a emportée dans sa chute. Il nous reste à espérer que le rugby finira pas mettre tout le monde d’accord, avec bon cœur et mauvais caractère.