“La boutique de l’abbaye nous permet de continuer notre service d’hospitalité bénédictine”, estime un frère de l’abbaye Sainte-Anne de Kergonan (Morbihan). “De la même manière qu’on accueille les hôtes, on accueille nos clients à cause du Christ et comme le Christ.” Boutiques et magasins sont essentiellement des lieux économiques car leur activité permet de contribuer à faire vivre un monastère ou un sanctuaire. À Kergonan par exemple, 60% des revenus des moines sont issus de l’hôtellerie, du commerce et de la production de pommes, de miel et de céramique peinte.
Les magasins doivent donc être rentables. Mais ils sont aussi “des lieux de visibilité”, explique frère Matthieu, qui chapeaute la boutique de l’abbaye prémontrée de Mondaye dans le Calvados. “Ils reflètent l’identité du monastère.” D’où l’importance de soigner la disposition du lieu, d’en faire un endroit accueillant, où l’on se sente bien. “Le magasin fait partie du rayonnement du monastère”, observe Philippe Lizier, président de LMC (Lien des monastères pour le commerce) et responsable de l’activité économique et des bâtiments de l’abbaye cistercienne d’Oelenberg (Haut-Rhin). “Il est souvent devenu l’entrée du monastère. Croyants ou pas (même des musulmans), les gens viennent plus facilement que dans l’église.”
Le plus souvent, ce sont des religieux qui travaillent au magasin, mais les situations sont différentes selon les lieux et les communautés. “Nous avons fait le choix de mettre une sœur à la boutique car nous pensons que les gens ne se confient pas de la même manière à un laïc ou à une sœur”, raconte sœur Christelle, bénédictine de Saint-Thierry près de Reims. De son côté, frère Jean de Dieu, moine du Barroux (Vaucluse) et responsable des livres constate : “Le fait que je sois en habit incite les gens à m’accoster et à parler. Je me souviens d’un jeune de passage qui est venu me parler de sa maman. Elle était en soins palliatifs.”
Quand des laïcs tiennent le magasin, ils sont en général très sensibilisés au fait que la boutique n’est pas un commerce de centre commercial et qu’elle fait partie de l’accueil. “Cela fait partie du job du salarié d’avoir une oreille attentive et d’orienter éventuellement vers l’église”, remarque Quitterie Dumont, co-gérante avec son mari et les cisterciennes des activités économiques de l’abbaye d’Échourgnac (Dordogne). Ainsi, au sanctuaire de Montligeon (Orne), les vendeurs reçoivent très souvent des confidences de personnes en deuil venues acheter un livre. Ils les écoutent et leur proposent d’être reçus par un prêtre ou une sœur. À l’abbaye d’Oelenberg, il n’est pas rare que le père abbé reçoive des personnes venues au magasin par hasard et demandant, au fil de la discussion, à rencontrer un moine pour évoquer des problèmes personnels.
Des produits porteurs de valeur
Lieu d’accueil et d’écoute, le magasin d’un monastère ou d’un sanctuaire est aussi un lieu d’évangélisation. “Le frère qui s’occupe des livres, témoigne de la vérité par son choix et ses conseils”, explique le frère caissier de Kergonan. “Il a choisi comme devise monastique une expression de Benoît XVI : “Coopérateur de la vérité”. Quant au frère céramiste, sa devise vient de Jean Paul II : “La beauté est l’expression du bien”. De fait, les magasins monastiques et de sanctuaires ne vendent pas n’importe quels produits. Ce sont souvent des produits directement fabriqués par des monastères. “Ils sont porteurs de valeurs et ont chacun une histoire”, souligne frère Matthieu. Par ce biais, on peut aussi annoncer le Christ : “Ce qui est très beau”, témoigne Quitterie Dumont, “c’est que quand je parle du produit, je parle du monastère, quand je parle du monastère, je parle des sœurs et de leur vocation de moniales, et quand je parle des sœurs, je parle de Dieu.”
À l’abbaye de Saint-Thierry, la boutique est installée sous un majestueux porche d’entrée du XVIIIe siècle. Beaucoup de promeneurs et de touristes le franchissent et viennent se promener dans le parc. “Dès qu’ils passent, croyants ou pas, ils perçoivent la paix du lieu, remarque sœur Christelle. C’est ma joie de partager ce lieu de paix à d’autres, d’entendre qu’ils ont été heureux. Au magasin, je leur demande s’ils ont découvert la chapelle. Je leur explique qu’il y a un cahier et je les invite à inscrire leurs intentions. Pendant la messe, nous les lisons à voix haute et pendant les vêpres, nous pouvons aussi confier telle personne qui est passée.
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