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Pourquoi le pape François ne cède rien sur la question du “genre” 

POPE FRANCIS

Antoine Mekary I Aleteia

Michel Boyancé - publié le 02/11/23

Pourquoi le document final de la première session du synode ne mentionne plus les "LGBTQ+" ? Le philosophe Michel Boyancé avance une explication, à l’appui de l’intransigeance du pape François sur la question du "genre" : la primauté donnée à la prudence pastorale, unie à la doctrine comme à sa source, ne peut changer en rien la vision de l’Église sur le rôle de l’homme et de la femme.

LInstrumentum Laborisde la première session du Synode sur la synodalité publié en juin 2023 mentionnait le souhait de la prise en compte des personnes qui “se sentent exclues de l’Église”, notamment des “communautés LGBTQ+“. Cette mention a étonné plus d’un car l’Église a toujours été opposée, notamment depuis la conférence de Pékin de 1995, non seulement aux droits reproductifs quand ils portaient atteinte au respect de la vie dès sa conception mais aussi à l’extension abusive du concept de genre, conduisant finalement comme on le voit maintenant à nier la différence sexuelle homme-femme en posant une liberté totale des identités de genre.

En ce sens, le genre est devenu, non plus simplement un concept issu de travaux en sciences humaines et sociales mais un véritable levier pour l’extension des identités plurielles que le sigle LGBTQ+ illustre dans une perspective de revendication sociale et politique de minorités pour toujours plus de liberté et d’égalité de genre. On peut parler à juste titre d’une stratégie de mise en place d’une nouvelle norme mondiale (cf. à ce sujet les travaux de Marguerite Peeters). Le Saint-Siège a-t-il de ce fait changé de discours ou du moins se prépare-t-il à le faire dans un an à l’issue des deux sessions du synode et dans le document final qui sera rédigé alors par le pape François sous la forme habituelle sans doute d’une exhortation apostolique ?

Le Pape à contre-courant

Un premier élément de réponse vient des observateurs du synode qui ont été surpris par deux évènements de la première session, d’une part le discours choc du Pape prononcé en espagnol le mercredi 25 octobre dans la soirée, et d’autre part le document final en date du samedi 28. Le premier texte met l’accent sur le rôle des femmes dans l’Église, femmes en tant que telles si on peut dire, non pas un effacement des rôles et des différences : La mujer del santo pueblo fiel de Dios es reflejo de la Iglesia. La Iglesia es femenina, es esposa, es madre. (“La femme du peuple saint et fidèle de Dieu est le reflet de l’Église. L’Église est féminine, elle est épouse, elle est mère.“) Devant l’évolution de ce que l’on appelle le féminisme (en réalité il y a plusieurs féminismes) conduisant à un féminisme sans femme, le Pape se situe ici nettement à contrecourant d’une telle pensée dominante dans les pays occidentaux.

Cela rejoint nombre d’interventions du pape François sur le sujet du genre et la différence des sexes. Soit dans des documents officiels du magistère, comme l’encyclique Laudato si par exemple (n. 155, ainsi que exhort. apost. Evangelii gaudium n. 71). Soit dans des propos spontanés. Ainsi, le 2 octobre 2016, par des expressions très fortes, il répondait à des questions dans l’avion qui le ramenait de son voyage en Azerbaïdjan, critiquant les manuels scolaires forçant une éducation aux identités de genre, ce qui lui a valu une campagne de presse très agressive, notamment des médias français. De même, en 2021 a-t-il dénoncé la théorie du genre qualifié d’idéologie, il soulignait qu’on ne pouvait nier les identités hommes-femmes et la famille biologique. Ce qui rejoignait ses propos dans un livre d’entretien publié en 2020.

Des outils de discernement

Cette orientation maintenue par les papes récents face aux défis du genre se renforce dans un document du Vatican, publié par la Congrégation pour l’enseignement catholique, daté du 2 février 2019 et intitulé “Il les créa homme et femme. Pour un chemin de dialogue sur la question du genre dans l’éducation“. Ce document reprend les principaux enseignements pontificaux sur les réalités que sont les hommes et les femmes dans leurs différences complémentaires, en actualisant le propos par des considérations sur le nouveau sens que l’on donne au mot gender en anglais, traduit faussement par genre en français : non plus l’étude des différences sexuelles à partir du corps et de leurs conséquences psychologiques, morales et spirituelles, mais l’étude des identités subjectives, symboliques et culturelles, soumises de ce fait à des variations individuelles multiples.

Les identités de genre devraient alors remplacer les identités sexuelles. Un dialogue est donc nécessaire en effet pour clarifier les notions et surtout les situations qu’elles entraînent. Le document de la Congrégation élabore des outils de discernement en reprécisant les définitions en jeu et en resituant celles-ci dans une vision tant philosophique que théologique de la personne humaine.

La primauté à la prudence pastorale

Dans cette perspective, on peut comprendre que le document final de la première session du synode (sous le nom de Lettre au peuple de Dieu) ne mentionne plus les LGBTQ+, mais les personnes “qui se sentent marginalisées ou exclues de l’Église en raison de leur situation matrimoniale, de leur identité et de leur sexualité et qui demandent également à être entendues et accompagnées, et à ce que leur dignité soit défendue” (n. 16).Ainsi dans la mesure où les personnes sont prises actuellement dans des évolutions fondamentales sur les identités homme-femme, la situation demande de modifier la manière prudentielle de les accompagner et de présenter le message de l’Église. Cette suppression dans le document du synode, document assez flou sur le fond pour préserver le travail à venir d’ici octobre 2024, manifeste aussi sans doute un certain recentrage : ne pas aller frontalement sur le champ doctrinal mais sur celui de la pastorale, c’est-à-dire celui de la rencontre avec nos contemporains soumis à cette nouvelle culture du genre. Le pape François manifeste dans ses interventions la primauté donnée à cette prudence pastorale, celle de l’accueil, de la rencontre et de la Miséricorde

Le bien de l’être humain se trouve en premier lieu pour les croyants, dans l’ordre de la foi et de la Révélation.

À ce sujet, nous pouvons reprendre une distinction classique : la prudence, qui est une vertu, porte sur la capacité de discerner dans les circonstances particulières, contingentes, historiques, ce qui doit être fait en vue du bien. Le bien de l’être humain se trouve en premier lieu pour les croyants, dans l’ordre de la foi et de la Révélation, dans le champ strictement pastoral uni au doctrinal comme à sa source (les évêques sont docteurs et pasteurs) : ce que l’Église enseigne comme moyens de sanctification, amour de Dieu et du prochain, dans l’annonce de la Parole de Dieu et dans la pratique sacramentelle. 

La vocation de l’homme et de la femme ne disparaît pas

Mais le bien se trouve aussi dans le domaine propre au laïcat qui est de prendre des décisions dans l’ordre temporel, naturel, accessible également et partiellement à la raison philosophique. Cela se réalise en tant que parents, éducateurs, dirigeant, responsable politique, etc. La vertu de prudence ne s’oppose donc pas au doctrinal qui récapitule les principes communs valables en tout temps et en tout lieu, de l’agir humain. Rappeler le rôle de l’homme et de la femme entre dans cette perspective. S’il y a un aspect variable, que le concept de genre met en avant, cela ne veut pas dire que la vocation naturelle et surnaturelle des hommes et des femmes disparaisse. Reste à trouver des moyens concrets pour accueillir, accompagner aujourd’hui les personnes dans cette recherche de liberté et d’égalité, compréhensible quant à l’intention, mais qui peut poser de réelles difficultés dans le concret objectif des situations, dans les actes posés. Le travail synodal sur ce sujet est encore devant nous, ce que les documents de cette première session du synode manifestent amplement.

Tags:
GenrePape FrançoisSynode
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