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Peut-on rire le jour de Noël ?

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Dom Samuel Lauras - publié le 24/12/23

Le jour de Noël, nous sommes invités à laisser Dieu nous guérir de nos peurs. Dom Samuel, abbé cistercien-trappiste de Nový Dvůr en République tchèque propose aux moines de son monastère de rire ce jour-là, dans la joie contagieuse de la venue du Sauveur.

Noël approche, Noël est là. Qu’allons-nous en faire ? Comment mettre dans nos cœurs un peu de joie et entre nous, peut-être, le rire qui apaise et rapproche ? Rire est le propre de l’homme, dit Aristote. Il est même bien précieux de savoir rire ! Les anges ne rient pas, sauf ceux qui sont en plâtre. Dieu non plus. Presque absent des évangiles, le rire est pourtant promis à ceux qui pleurent. Essayons donc, dans cette nuit de Noël, de comprendre que Dieu s’est fait homme, non pas pour rire, mais pour que l’homme puisse devenir Dieu. Il vient nous sauver. Son amour se donne pour nous guérir… mais de quoi ?

Deux tentations

Nous vivons dans un monde qui a appris à se passer de Dieu et qui n’a pas besoin de lui. Nos contemporains développent des thérapies pour se sauver par leurs propres forces ou idéalisent la fragilité qui dispense de se battre. Pélagianisme ou quiétisme… Rien de neuf sous le soleil ! Les mêmes contemporains ont peur : peur de la dégradation de la planète, peur d’être homme ou d’être femme, peur des écrans qui les déshumanisent. Peur de la guerre qui se prolonge. Peurs… conscientes ou inconscientes. 

Et nous, les chrétiens ? Pélage était un moine, ne l’oublions pas. Sommes-nous protégés contre la tentation pélagienne ? D’abord, nous sommes des hommes, sommes-nous protégés contre la tentation quiétiste ? Peur de ne pas être à la hauteur de notre vocation, peur de tomber dans la médiocrité, peur pour nos proches, peur les uns des autres. Sommes-nous réellement exempts de ces peurs, conscientes ou inconscientes ?

“Ils eurent peur d’une grande peur”

Un bref sondage dans l’évangile nous convainc que la peur n’est pas d’aujourd’hui. À la vue de l’ange qui vient lui annoncer la naissance d’un fils, Zacharie est troublé et “la peur s’abat sur lui” (Lc 1, 12). Quand il retrouve la parole après la naissance de Jean-Baptiste, “la peur se répandit parmi tous ses voisins” (1,65). Les bergers aussi, à l’apparition des anges, “eurent peur d’une grande peur” (2,9). Même les saintes femmes au tombeau, dans le dernier verset écrit par saint Marc, ont peur elles aussi. Peur ou crainte ? Le grec du Nouveau Testament ne distingue pas. Quand Jésus encourage ses disciples à ne pas avoir peur de ceux qui tuent le corps mais plutôt de celui qui peut jeter dans la géhenne (Lc 12, 4-5), Luc utilise le même verbe que dans le Ne crains pas ! de l’Annonciation : si quelqu’un veut vous tuer, la peur au ventre que vous éprouvez n’a rien à voir avec une petite crainte superficielle ! Peur ou crainte ? Pour la Vierge, crainte. Pour les autres comme pour nous, crainte et peur mêlées. Beaucoup de peurs…

C’est toujours aux antipodes de l’amour que se cache le péché, “une bête tapie qui te convoite et que tu dois dominer”.

Serions-nous, à Noël, invités à laisser le Sauveur nous guérir de nos peurs ? La vie chrétienne nous invite, par un laborieux développement de notre foi, de passer de la crainte servile (la peur de l’enfer, donc d’un monde où Dieu est absent) à la crainte filiale. Cette attitude faite d’amour, d’humilité et de confiance pousse, selon saint Benoît, à tout faire pour plaire à Dieu. Crainte filiale dans notre relation avec le Seigneur trinitaire ; crainte fraternelle dans nos relations mutuelles : amour, humilité et confiance également. Comment y parvenir ? C’est au-dessus de nos forces, j’en ai bien peur !

La peur d’Adam et d’Ève

D’où viennent ces peurs ? Adam et Ève, après la chute, eurent peur car ils étaient nus. Nous aussi, nous sommes nus : impuissants et fragiles quand nous sommes livrés à nos forces humaines. La peur est donc conséquence du péché. Elle est aussi cause du péché : par peur, nous nous défendons, nous agressons ceux qui nous menacent — mais nous menacent-ils ? —, nous sommes incapables de faire confiance aux autres, donc incapables de les aimer et de leur pardonner leurs misères. Et même, incapables d’avoir confiance en soi, confiance dans les talents que Dieu nous a confiés. C’est toujours aux antipodes de l’amour que se cache le péché, “une bête tapie qui te convoite et que tu dois dominer”, disait le Seigneur à Caïn s’apprêtant à tuer son frère (Gn 4, 7).

“Dieu fragile vient aux hommes fragiles”

Il faut toucher du doigt l’épaisseur de la nuit sans Dieu pour pénétrer avec Dieu dans la nuit de Noël. Qui est ce bébé dans la crèche, et sa jolie maman voilée de bleu, avec le vieillard barbu qui veille sur eux, et les gentils moutons autour d’eux ? Qui est ce bébé, c’est Dieu ! Dieu qui se révèle comme l’un de nous, nu et fragile. C’est le Fils, le Verbe, qui a choisi de quitter le trône, au ciel, que les architectes lui ont construit dans les églises baroques, où il s’ennuyait à mourir, où rien d’intéressant ne venait rompre le temps éternel… Il y avait bien le Père et l’Esprit saint, mais… le Fils en voulait plus. Il voulait faire un peu de tourisme en Terre sainte, se baigner dans le Jourdain, visiter la Mer morte, acheter des souvenirs dans les rues de Jérusalem et faire du bateau dans les tempêtes du Lac de Galilée. Beaucoup plus intéressant que son trône, loin dans le ciel !

Courage ! Dieu est là, enfant de l’homme pour que nous devenions enfants de Dieu. Il faut simplement accepter de vieillir à ses côtés.

Dieu a pris chair et, ce faisant, nous a manifesté qu’il ne ressemble absolument pas à l’idée qu’Aristote se faisait de lui. L’heure est venue de déchirer les cartes postales que nous avons dans la tête : les cartes de vœux avec des Enfants-Jésus en cire ou des Trinités immobiles en pierre ou en marbre. Toutes les fausses images que nous nous faisons de Dieu. Dieu fragile et nu vient aux hommes fragiles et nus. Dieu miséricordieux vient aux hommes pécheurs. Dieu majestueux vient rencontrer les prostituées et les spécialistes de la fraude fiscale. Dieu vient, et tout va bien. Courage ! Dieu est là, enfant de l’homme pour que nous devenions enfants de Dieu. Il faut simplement accepter de vieillir à ses côtés, de vieillir en écoutant sa Parole, de vieillir à son contact, pour que la vraie joie de Noël finisse par irradier nos cœurs.

Si nous avons envie de rire, irons-nous à Bethléem ? Hélas, non ! Mais si tous les fils d’Abraham se rappellent que Sara a ri, quand il lui fut annoncé au chêne de Mambré qu’elle mettrait au monde un fils (Gn 18, 12), sans doute parviendront-ils à vivre ensemble, et ceux qui pleurent aujourd’hui pourront rire demain.

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