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Réexpliquer le projet éducatif catholique

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Manon Caveribère/ Hans Lucas via AFP

Collège Jean Paul II de Ploemeur (Morbihan).

Louis Daufresne - publié le 26/01/24

Les attaques contre le collège Stanislas montrent que dans une société déchristianisée, le caractère propre de l’enseignement catholique est devenu incompris. Pour le rédacteur en chef de Radio Notre-Dame, il est urgent de réexpliquer le projet éducatif catholique.

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Quelles leçons tirer de la “polémique Stanislas” et des “dérives” dont les médias mainstream ont pu accabler l’établissement pendant une semaine ? Certains se sont plaints du retour de la “guerre scolaire” mais faut-il exagérer la fracture public/privé ? Le faire de manière théâtrale sert à raviver le feu idéologique d’une gauche en panne et incapable de tenir ses promesses historiques. Taper sur le système éducatif catholique permet, à bon compte, de détourner le regard du parking social qu’est devenu, pour une grande part, l’enseignement public. On feint de croire que l’ennemi calotin complote encore et toujours contre la République, ce qui est absurde. 

Police de la conscience

L’Église, au moins depuis Vatican II, se fait le chantre de la liberté de conscience. Elle a quitté sa posture défensive héritée du combat antirévolutionnaire du long XIXe siècle. Les laïcards dont le cerveau baigne encore dans le formol de la IIIe République ne veulent pas voir le chemin intellectuel parcouru par cette institution, et cela est fort injuste pour elle. Car s’il y a guerre scolaire, celle-ci vient du camp laïciste — qui ne change pas d’un iota, vissé qu’il est à ses obsessions anticléricales et qui s’accroche à son pouvoir sans reconnaître à l’Église le moindre mérite, alors que le milieu catholique, à proportion de ses moyens, apporte beaucoup plus à la société que l’État obèse, coûteux et inerte.

Il n’y a aucun problème de liberté de conscience dans le privé sous contrat qui scolarise plus de 2 millions d’âmes, à 95% dans des établissements dits “catholiques”. On a compris que, dans le christianisme, la vérité ne s’appréhende que librement. L’imposer n’a pas de sens. Ne pas la proposer non plus. Mais sur ce terrain, on peut dire que c’est le service minimum, même si Stanislas fait sans doute exception. En déclenchant cette polémique, une certaine gauche, celle d’Edwy Plenel, dit à tous que le pouvoir ne doit jamais lui échapper. Cette affaire est d’ordre disciplinaire. Le mot “dérive” sert à dire ça : celui qui pointe la “dérive” dit qu’il a le pouvoir. Avec le doigt sur la détente de Mediapart, il s’agit d’inhiber toute opposition à la puissance de l’Éducation nationale. En clair, au moindre écart, l’État montre qu’il peut tirer à vue sur la part de liberté qu’il concède, celle du “caractère propre” où l’établissement peut lever le petit doigt qui lui reste pour faire croire qu’il existe. La polémique attaque Stan sur cette niche-là, la part différenciante mais marginale de l’activité, en l’espèce des cours de catéchèses, non obligatoires, où des intervenants auraient tenu des propos homophobes, contre l’avortement ou en faveur des thérapies de conversion. 

« Réexpliquer qui nous sommes »

Le rapport de la rue de Grenelle délire quand il pointe des catéchistes exprimant “des convictions personnelles qui outrepassent les positions de l’Église catholique, par exemple sur l’IVG”. La phrase a de quoi laisser perplexe. Lisez-la bien : les inspecteurs estiment que des catéchistes surinterprètent ce que dit l’Église, notamment sur l’IVG. Écrire cela, c’est fouler au pied la laïcité. Rue de Grenelle, nul n’est ni fondé ni qualifié pour juger des positions de l’Église sur quoi que ce soit. 

Le fait catholique devenant socialement invisible, il y a l’urgence de dire ce qu’est un projet éducatif de cette nature.

Cet écart de langage témoigne justement d’une “dérive” que l’on peut attribuer à un zèle militant mais aussi à la progression de l’ignorance, laquelle fragilise l’équilibre éducatif public/privé. Comme le dit à La CroixLouis Manaranche, responsable des prépas de Stan, “le consensus sociétal qui existait à l’époque de la loi Debré autour du catholicisme a volé en éclat. Il faut réexpliquer qui nous sommes et ce que nous faisons, mener un travail de compréhension réciproque entre l’État et les établissements catholiques, j’espère avec l’appui de l’Église”. Ce dernier point fait réfléchir et montre dans quelle mesure l’institution catholique est absente, Stanislas étant une exception liée à la bonne volonté d’une communauté éducative engagée, pas une norme relevant d’une stratégie concertée, d’une vision et d’une direction épiscopale. Le fait catholique devenant socialement invisible, il y a l’urgence de dire ce qu’est un projet éducatif de cette nature, sinon la moindre polémique déclenchée par des médias hostiles fera passer ledit projet pour une bizarrerie, une anomalie aux yeux de l’opinion. La manière dont Paul Vannier, député LFI, fait le parallèle avec le lycée musulman Averroès de Lille (Nord), dont le contrat a été suspendu, est à méditer. Le caractère propre de Stanislas est comme sorti du champ de l’acceptable.

Il n’y a plus de guerre scolaire

Ce parallèle est d’autant plus inouï que l’enseignement catholique sous contrat est largement “normalisé”, et depuis longtemps. De guerre scolaire il n’y a point ou alors il faut me dire où elle est. Et si le clergé ne réagit pas à cette polémique, c’est qu’il soutient l’équilibre républicain. Le contrat prévoit que les enseignants sont rétribués par l’État. Tous les élèves sont acceptés sans discrimination de culte, ni d’opinion. Les programmes et les horaires sont alignés. Les frais de scolarité paient l’accessoire, faut-il le rappeler, l’essentiel, c’est-à-dire le contenu académique, étant piloté par l’État. Dans ces conditions, la guerre scolaire ne signifie rien. Car pour que guerre il y est, il faut qu’un camp veuille combattre. Or, le clergé n’entend livrer aucune bataille, les écarts de langage attribués à quelques catéchistes ne peuvent en aucun cas être pris pour un casus belli, comme essaie de le faire croire Mediapart

La situation de l’enseignement privé est cocasse, à front renversé même. Pour mieux la saisir, transposons-la dans les médias. Imaginons que France Inter soit privée et vive des dons (on peut rêver). Les auditeurs financeraient les micros, les locaux, les studios, etc. mais à l’antenne les journalistes seraient ceux de Radio Maria ou de Famille chrétienne. C’est la situation de l’enseignement sous contrat. Les murs lui appartiennent, les paroles qui résonnent dessus non. Le problème n’est point l’excès de « caractère propre », que matérialiseraient des « dérives », mais son insuffisance, son invisibilité. 

Le levain dans la pâte

Est-ce à dire que le “caractère propre” est vide de sens ? Non. Et l’enseignement privé pourrait largement en faire plus s’il le voulait. Une personne ayant joué un rôle important à Stanislas me disait en écho à cette polémique : “La première réponse est que la loi ne nous oblige pas à imiter les mœurs de l’élite au pouvoir. Ni de les approuver. La seconde réponse est que le riche bobo veut que son môme entre à Polytechnique. L’abrutissement, c’est bon pour le populo. Notre chère boîte a encore des beaux jours devant elle.”

C’est si vrai. Stanislas n’a aucun souci à se faire et Prisca Thevenot, porte-parole du gouvernement, a beau se dire toujours “en alerte”, il ne se passera rien qui nuise à la dimension sélective de l’établissement. Le clivage n’est plus entre catholiques et francs-maçons mais entre ceux qui ont le code de l’ascenseur pour monter dans la tour de la réussite et ceux qui restent bloqués dans les sous-sols et qui ne concurrencent donc pas les premiers. Qui inscrit son élève à Stan pour le “caractère propre” ? Personne. Celui-ci vient en second choix. Tout le monde recherche l’excellence académique en premier, les catholiques comme les autres.

Le problème, c’est donc pourquoi la société continue-t-elle à se déchristianiser, alors que l’élite qui la dirige met ses enfants dans un établissement catholique ? Visiblement, les catéchèses anti-IVG dont s’offusque Mediapart n’empêchent pas que des cerveaux moutonniers décident de l’inscrire dans la Constitution. S’il y avait une guerre scolaire, l’Église se serait attendue à un retour sur investissement. Les millions de décideurs qu’elle est censée avoir formés le lui rendent-ils bien ? Se pose-t-elle seulement la question ? Cette situation prouve que la liberté de conscience est tellement respectée dans ces établissements qu’ils fonctionnent davantage comme un facteur de reproduction sociale que comme levain dans la pâte de la politique ou de l’entreprise. 

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ÉcoleÉducation
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