L’édification de l’actuelle cathédrale de La Rochelle a commencé au milieu du XVIIIe siècle. Les travaux, comme souvent, ont traîné faute d’argent. L’édifice inachevé fut néanmoins consacré, peu de temps avant la Révolution française. Malheureusement, les travaux sont interrompus pendant cette période troublée, et, en 1793, la ville fait de la cathédrale un marché aux grains et farines. Lorsque la construction arrive enfin à son terme, tous les décors intérieurs doivent encore être réalisés.
À l’époque, William Bouguereau a du succès auprès des collectionneurs, en particulier américains. Ses sujets de prédilection sont la peinture d’histoire, les thèmes mythologiques et les représentations allégoriques. Le premier drame qu’il traverse est la mort d’un de ses enfants. L’épreuve du deuil est douloureuse et le marque profondément. Catholique, il se tourne alors davantage vers la peinture religieuse. Bouguereau est originaire de La Rochelle. Lorsqu’un vaste décor peint lui est commandé en 1875 pour la coupole de la cathédrale, il répond favorablement à la commande de sa ville natale. Cette même année verra la mort de son fils de seize ans. Peu de temps après la livraison de ses “Scènes de la vie de la Vierge”, il perd sa première épouse et un troisième enfant. Après ces drames successifs, il consacrera une grande partie de sa vie aux sujets religieux.
Une vie de la Vierge en sept scènes
C’est toute une catéchèse qui s’offre ici, dans cette cathédrale, à la contemplation des fidèles et des visiteurs. Autour de l’Assomption, six scènes de la vie de la Vierge sont représentées : l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, la fuite en Égypte, l’évanouissement de Marie pendant le chemin de croix, la déposition de croix. Peut-être l’artiste se sent-il plus à même de représenter les souffrances de Marie après ce qu’il a lui-même traversé dans sa vie familiale.
Une originalité à noter dans la représentation de la Visitation est la présence de Joseph auprès de Marie, qui semble veiller sur sa femme qu’il a accompagnée, en un ajout inhabituel. Dans cette même Visitation, la tenue sombre des deux femmes, malgré le caractère joyeux de l’épisode biblique, apparait comme une préfiguration des souffrances à venir.
Lorsque Jésus tombe, frappé par les coups de ses bourreaux, Marie s’évanouit, ne supportant plus les souffrances infligées à son fils. Quelle mère le pourrait ? Saint Jean, à genoux, la recueille et l’empêche de tomber. On dirait un ange. Bouguereau peuple d’ailleurs volontiers ses scènes d’anges aux tenues et ailes colorées, les teintes variant en fonction de chaque thème évoqué. Vives pour l’Assomption et la naissance de Jésus, sombres pour la déposition.
Cette dernière scène est la plus forte : Marie, les bras levés, semble crucifiée par la mort de son fils qu’elle porte sur les genoux. Aux pieds du Christ, Marie-Madeleine embrasse celui dont elle lavait les pieds avec un parfum précieux.