“Les gens n’en peuvent plus de tous ces bouquins anxiogènes…” Le libraire regarde les étals sur lesquels s’amassent des essais sur les risques de guerre, sur les drames français et internationaux, rapports sur les difficultés multiples auxquelles nous sommes collectivement confrontés. Un ami qui relie un rapport à venir sur la pornographie et les ravages qu’elle produit dans les cerveaux et les corps me disaient son dégoût devant les énumérations crues qu’il faut pourtant bien parfois recenser pour faire ressortir le danger. Les chaînes d’information où se pressent parfois des “débatteurs” qui passent plus de temps à agiter les angoisses qu’à en rechercher les causes… C’est vrai que notre univers est de plus en plus violent. Et au milieu de tout cela, nous voici en carême !
Des cendres aimées
Mercredi les foules se pressaient dans les églises pour recevoir les Cendres. Pour s’entendre dire que nous sommes bien comme des cendres mais que ces cendres, comme le rappelait le pape François, sont immensément aimées. C’est finalement la seule chose qui compte. Non pas se savoir cendres : cela ce n’est pas très difficile de s’en rendre compte. Et toute cette agitation du monde en nous renvoyant souvent à notre propre impuissance, nous le rappelle sans retenue.
L’imposition des Cendres est une convocation à accueillir la promesse de vie comme but de notre chemin.
Mais des cendres aimées. Et cet amour-là fait que nous sommes invités à voir au-delà de cette misère qui nous recouvre. Non pas en la niant comme on pourrait trop paresseusement le croire, mais en croyant en la capacité de transfiguration que cet amour qui nous nimbe peut provoquer. C’est cette bonne nouvelle qui nous est annoncée lorsqu’un pauvre pouce trace sur nos fronts le rappel de notre condition si volatile et si fragile : “Crois en la Bonne Nouvelle !” Évangile qui se refuse à nous laisser nous dégrader, nous dissoudre. Parole et présence qui nous rappellent à la vie : “Lève-toi ! Sors ! Je le veux sois purifié !” Appel à refuser les annonces de mort comme fatalités de l’histoire. Convocation à accueillir la promesse de vie comme but de notre chemin.
Le rêve de la toute-impuissance
Nous sommes devant le monde, si désemparés : qui peut arrêter les guerres, en finir avec l’injustice et nous rassurer devant toutes les terreurs ? Le Christ ne fait pas de nous des surhommes. Il nous invite simplement à œuvrer là où nous sommes pour refuser la violence dans nos actions quotidiennes, et nos paroles aussi. Il nous dit qu’il est possible de tendre la main non pas à un étranger virtuel mais à celui qui est là, devant nous, et qui a besoin. Il veut que nous soyons non des porteurs de paroles qui inquiètent mais de hérauts de sa joie.
Il nous appelle à quitter le fantasme de la toute-puissance devant un réel qui nous déborde, nous échappe et nous laisse esseulés. Il nous commande d’épouser le beau rêve de la toute-impuissance qui consent à mourir à soi-même pour accueillir en vérité le don le plus précieux : la vie. Cette vie qui vient de Dieu et mène à Dieu et par qui tout devient possible.