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[HOMÉLIE] De l’ablation à l’oblation, le sacrifice véritable

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Domaine public

"Isaac porte le bois pour son sacrifice", de James Tissot.

Simon d’Artigue - publié le 24/02/24

Le père Simon d’Artigue, curé de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, commente les lectures du 2e dimanche de carême. Le sacrifice d’Abraham nous apprend le sens du sacrifice véritable : ce que Dieu attend de moi, ce n’est pas que je me sacrifie et que je meure, mais que je m’offre et que je vive.

Ce mercredi 21 février, nous célébrions le martyre de ces vingt-et-un coptes égorgés en 2015 sur une plage de Libye, non pas seulement des “ressortissants égyptiens” comme l’affirmait le président de la République, mais des fils de Dieu, des chrétiens, nos frères dans la foi. Vingt-et-un jeunes hommes sont à genoux, au pied d’hommes prêts à les égorger, parce qu’un dieu, leur dieu leur aurait demandé de le faire et ils sont égorgés à cause de leur foi. Ces vingt-et-un hommes, nos frères, sont morts en martyrs, le sacrifice de leur vie, leur sang versé est semence de chrétienté a dit Tertullien il y a 1.800 ans, et c’est encore vrai aujourd’hui. Contrairement au mensonge du monde, la violence ne gagne jamais, ces martyrs sont les grands vainqueurs. Mais au Nigeria ou en Turquie, à Kaboul ou Téhéran, des hommes, des femmes, des enfants parfois commettent des attentats-suicides et on nous rapporte qu’eux aussi meurent en martyrs, on nous dit qu’eux aussi se sont sacrifiés pour une cause. Qu’y a-t-il de commun entre ces martyrs ? Qu’y a-t-il de commun entre ces sacrifices ? Qu’y a-t-il de commun entre celui qui se tue dans le but de tuer et celui qui donne sa vie ? 

Le sacrifice des vrais martyrs

Rien ! Absolument rien ! Le seul lien qu’on puisse voir, c’est la négation, le travestissement, la profanation du vrai martyre par le pseudo-martyre. Le sacrifice des égorgeurs ou des kamikazes appartient à un temps où Dieu ne s’était pas révélé, où il y avait encore des sacrifices humains, mais notre Dieu ne veut pas de sacrifices humains. Dieu ne veut pas la mort, gravez cela dans vos cœurs, Dieu ne demande jamais la mort de qui que ce soit, pas même de son fils. Car “il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens” (Ps 115). On nous parle de martyrs indifféremment, mais il y a deux sortes de martyrs bien différentes : celui qui se tue pour en tuer d’autres, il meurt donc en fou, en terroriste, il se fait le serviteur du diable, de celui qui veut tout anéantir, tout détruire. Et il y a ces vingt-et-un hommes qui meurent à genoux, sans baisser la tête. On voudrait qu’ils renoncent à leur foi, mais eux sans haine ni violence, ils gardent jusqu’à la dernière seconde le Nom de Jésus sur leurs lèvres, ils gardent le regard tourné vers leur Dieu et notre Dieu, ils donnent leurs vies comme leur Maître et ainsi témoignent de celui qu’ils aiment, jusqu’au bout.

Le sacrifice d’Abraham : le don de la vie offerte

Il y a le sacrifice d’Abraham : “Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là, tu l’offriras” (Gn 22, 2). Ce que Dieu demande à Abraham ce n’est pas la mort de son fils, c’est qu’il offre son fils, le fils de la promesse, le fils sur qui repose toute l’espérance du peuple. Et vous croyez que Dieu qui a donné ce fils à Abraham et à Sarah, vous croyez que Dieu, qui est fidèle à sa promesse, reprendrait sa parole, vous croyez que Dieu, comme un metteur en scène sadique, se jouerait d’Abraham et mettrait sa foi à l’épreuve ? Quelle pauvre image ferions-nous de notre Dieu ! Un dieu cruel ? Dieu serait-il donc un égorgeur, Dieu demanderait il a ses fils, à Abraham d’être un égorgeur ? C’est ce dieu dans lequel vous croyez ? Vous croyez que c’est ce sacrifice que Dieu nous demande ? Vous m’étonnez qu’alors, si c’est de ce Dieu dont nous sommes témoin, personne ne veuille le suivre. Vous m’étonnez que, si c’est comme cela que vous envisagez la foi, vous ne puissiez pas être des témoins rayonnants, resplendissants, transfigurés de notre Dieu !

Le mouvement même de notre vie ne peut être qu’une vie d’offrande.

Ce dieu n’est pas notre Dieu. Dieu demande à Abraham qu’il offre son fils et c’est bien différent, car le mouvement même de notre vie ne peut être qu’une vie d’offrande. Tout ce que je garde pour moi, je le perds irrémédiablement et tout ce que je donne, tout ce que j’offre, je le gagne définitivement. Ce que Dieu attend de moi, ce n’est pas que je me sacrifie et que je meure, mais que je m’offre et que je vive. 

Le sacrifice qui convertit

Car le carême est un temps de sacrifice et de conversion et peut-être que la première conversion que nous devons vivre et celle de notre compréhension du sacrifice. Tant que nous envisageons le carême comme le temps du sacrifice douloureux, comme une pénible quarantaine, quand nous faisons une liste longue comme le bras de toutes les bonnes choses dont nous allons nous priver, dont Dieu va nous priver, nous avons vite fait, une fois le premier élan passé, de nous décourager et d’accuser Dieu de nous empêcher de vivre. Vous m’étonnez qu’ainsi aveuglés, nous n’arrivions à rien d’autre qu’à nous désespérer ou à nous durcir ! Faire un sacrifice comme un exploit, comme un défi, comme une épreuve, ce serait un peu comme si Dieu nous demandait : “Donne-moi ton fils, oui sacrifie-le.” Fausse idée de Dieu, fausse idée de la foi, fausse idée du sacrifice et du carême. Quand on se trompe autant, nous n’avons pas envie de nous engager dans cette voie, mais Dieu ne veut surtout pas que nous nous y engagions, il veut que nous vivions et que nous nous convertissions. 

Et la conversion commence toujours par la conversion du regard. Convertissons notre idée du sacrifice, sinon nous passerons à côté de notre vie chrétienne. Car c’est certain que dans notre vie, le sacrifice se présentera, car on ne fait rien de grand sans sacrifice. Ne croyez pas ceux qui vous disent “vas-y, fais toi plaisir, jouis sans entrave” ! Vous aurez à sacrifier des choses, de bonnes choses : une soirée avec des amis pour honorer vos engagements, vos loisirs pour la réussite de vos examens, vos nuits pour votre enfant, votre confort pour votre famille, votre réputation pour dire votre foi, votre réussite mondaine, pour vous donner à tous dans la vie consacrée ou le sacerdoce. 

Le sacrifice qui transfigure

Tant que vous verrez ces choses comme quelque chose qu’on vous arrache de force, quelque chose que vous devez abandonner douloureusement, alors vous souffrirez. Tant que vous restez braqué sur ce que vous donnez, au fond tant que vous vous regardez vous-même et votre sacrifice, vous pleurerez ; mais dès que vous regardez plus loin, plus haut, dès que vous regardez pourquoi vous le faites, à qui vous l’offrez, dès que vous regardez non pas ce que vous perdez, mais ce que vous gagnez, dès que le sacrifice se fait offrande généreuse, dès que vous passez de l’ablation à l’oblation alors votre regard et votre vie sont transfigurés. Votre sens du sacrifice est alors converti. Votre regard sur Dieu est renouvelé, et votre propre foi n’est plus une course d’obstacles horribles où il faudrait que vous abandonniez tout ce à quoi vous tenez, mais elle devient la suite, libérée, joyeuse de Dieu fidèle et constant.  

La vie, notre vie n’est faite ni pour être prise, ni pour être gardée, mais pour être donnée, c’est le sens du sacrifice d’Isaac. C’est le sens du sacrifice de Jésus-Christ : “Ma vie nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne” (Jn 10, 18). C’est le sens de notre vie. Faites de votre vie un sacrifice, un sacrifice de louange. Si vous êtes marié, le jour de votre mariage, vous l’avez dit ou vous le direz à votre épouse, à votre époux : “Je me donne à toi et je te reçois”, je te donne ma vie, je t’offre tout. Et de ce sacrifice jaillit la vie, car c’est en donnant sa vie qu’on donne la vie.

Pratique

Les lectures du 2e dimanche de carême : Gn 22, 1-18 ; Rm 8, 31-34 ; Mc 9, 2-10

Tags:
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