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En Polynésie, on fête “l’Arrivée de l’Évangile”

La cathédrale Notre-Dame de Papeete

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La cathédrale Notre-Dame de Papeete à Tahiti

Fabrice de Chanceuil - publié le 04/03/24

Le 5 mars est un jour férié en Polynésie. On y fête "l’Arrivée de l'Évangile". L'archipel, qui fut d’abord un territoire protestant, a vu lors du protectorat français établi au XIXe siècle l'arrivée des catholiques. Ces derniers sont devenus, avec les évangéliques, la principale Église locale, au milieu de multiples cultes réformés.

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La Polynésie française est sans doute l’un des territoires les plus chrétiens au monde. En effet, 96% de la population est chrétienne. Mais celle-ci ne se contente pas d’être baptisée dans une des nombreuses confessions présentes sur les îles, elle est aussi extrêmement pratiquante comme le montre l’afflux des fidèles pour suivre l’office dominical. Pourtant, la conversion de l’archipel est relativement récente, puisqu’elle date de sa découverte par les Européens au XVIIIe siècle.

L’arrivée des évangéliques

En effet, Tahiti n’est abordée qu’en 1767 par le navigateur britannique Samuel Wallis, suivi en 1768 par le Français Louis-Antoine de Bougainville et l’année d’après, en 1769, par le britannique James Cook. Dès lors, la voie est ouverte à l’évangélisation et ce sont les Anglais qui vont s’atteler les premiers à la tâche à travers la Société missionnaire de Londres, constituée deux ans plus tôt par diverses Églises évangéliques animées par une vision interdénominationnelle de la mission. La Société débarque le 5 mars 1797 à Tahiti et cet événement est célébré chaque année à cette date, désormais jour férié et chômé, sous le nom d’Arrivée de l’Évangile.

L’évangélisation, qui a pour objet de substituer le christianisme aux cultes maohi en vigueur jusque-là, se met en place à travers une alliance entre les Anglais et la dynastie Pomare régnant sur Tahiti depuis 1788. Le roi Pomare II est baptisé en 1819 et le protestantisme devient religion officielle du royaume, interdisant chants, danses et tatouages traditionnels. De leur côté, les catholiques arrivent un peu plus tard, à travers la congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie appelée communément pères de Picpus en raison de l’implantation de leur maison mère rue de Picpus à Paris. Après son arrivée aux Îles Hawaï d’où émergera la belle figure de saint Damien de Molokaï, apôtre des lépreux, la congrégation s’installe, à partir de 1833, aux Îles Gambier avec le père François Caret qui deviendra préfet apostolique de l’Océanie du Sud et le père Honoré Laval.

De nombreux cultes réformés

Leur venue trois ans plus tard à Tahiti sera plus difficile car le missionnaire et consul de Grande-Bretagne George Pritchard, conseiller de la nouvelle reine Pomare IV, les fera expulser. Religion et politique s’entrechoquent alors et, sur l’intervention du consul des États-Unis d’origine franco-belge, Jacques-Antoine Mœrenhout, le roi Louis-Philippe Ier établit le protectorat français sur Tahiti en 1842. La prise de possession par la France modifie durablement la situation de la Polynésie au plan religieux. Si le protestantisme reste majoritaire à Tahiti, la Société missionnaire de Londres est évincée en 1863 au profit de la Société des missions évangéliques de Paris, réunissant toutes les tendances du protestantisme français. Pour leur part, les catholiques vont parachever leur élan missionnaire dans les Îles Tuamotu et les Îles Marquises.

Depuis, le poids des différentes confessions chrétiennes a beaucoup évolué. Dans les années 1950, l’Église évangélique de Polynésie française, devenue en 2004, par souci d’inculturation, l’Église protestante maohi, réunissait la moitié des fidèles et l’Église catholique le quart d’entre eux. Aujourd’hui, les deux Églises sont à égalité à 38% tandis que de nouveaux cultes réformés se sont beaucoup développés, sachant que toutes ces confessions cohabitent dans la plus grande tolérance. L’Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours (mormons) rassemble 6,5% de la population suivie par l’Église adventiste du Septième jour à 5,8% dont les fidèles sont appelés “petania” en référence aux habitants de l’île anglaise de Pitcairn qui ont été les premiers convertis à cette religion en Océanie. Viennent ensuite la Communauté du Christ dénommée localement “sanito” réunissant 3,6% de la population et les pentecôtistes à 1,5% dont les premiers fidèles, dans les années 1980, appartenaient à la communauté chinoise. Les Témoins de Jéhovah constituent un groupe à part avec 2% des pratiquants.

Une croix dans l’Assemblée

Tout cela peut paraître bien étrange pour un métropolitain de passage habitué à la déchristianisation et à la laïcité. Cette dernière a d’ailleurs de moins en moins cours au fur et à mesure de l’affirmation de l’autonomie du “fenua” (nom communément donné localement au territoire). Ainsi, en 2004, le nouveau président catholique de l’Assemblée de la Polynésie française (APF) n’a pas hésité à faire installer une croix à l’intérieur de l’hémicycle. S’il y a finalement renoncé, c’est moins en raison du rappel à l’ordre du haut-commissaire de la République que de la position du responsable de l’Église évangélique de ne pas donner le sentiment d’exclure de la société la minorité non-chrétienne de l’archipel.

Cette situation prouve qu’aucune loi ne peut restreindre l’expression publique de la foi quand celle-ci reste partagée par une immense majorité de la population et que seule la conscience, dictée par cette foi, peut permettre de poser des actes durables.

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Tags:
ÉvangilesFranceHistoire
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